Aviculture : la crise des matières premières agricoles assombrit les perspectives de la filière
Le maïs et le tourteau de soja, ainsi que le son de blé, sont régulièrement menacés de pénurie au cours des dernières années en raison des variations du marché international, corollaire de la pandémie de la Covid-19. Les prix sont passés du simple au double, et ont en outre connu une hausse de 5% au premier trimestre 2022. Les coûts devraient connaître un pic dès le 3e trimestre selon des prévisions d’instances internationales relayées par l’Interprofession avicole (Ipavic).
La filière avicole camerounaise n’échappe pas à l’instabilité conjoncturelle qui met à mal divers secteurs de l’économie camerounaise. Elle est passée par toutes les crises avec en 2005 la montée en puissance de l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP), qui allait resurgir en 2016. Et alors que les stigmates de la grippe aviaire de 2016 n’étaient pas encore totalement dissipés, la filière est également ébranlée par la pandémie de la Covid-19, qui en a subi les conséquences de plein fouet. Celle-ci a sérieusement impacté les chaînes d’approvisionnement avec une hausse sans précédent des cours des matières premières agricoles, qui font bondir les cours de l’alimentation animale et particulièrement avicole.
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En effet, la plupart des pays producteurs de ces matières premières ont, au cours des deux dernières années, suspendu les exportations de maïs et de soja, deux produits qui rentrent à 80% dans la composition de l’aliment pour volaille, pour constituer des stocks de sécurité. D’après le Dr Albert Ichakou, membre du conseil d’administration de l’Interprofession avicole (Ipavic), « cet état de chose a été aggravé par la reprise de la production porcine en Chine après deux ans d’arrêt du fait de l’épizootie de la peste porcine africaine. Cette reprise soudaine de l’élevage de porc a fait passer les importations chinoises de maïs 7 millions de tonnes à 30 millions de tonnes », a-t-il indiqué dans une note d’analyse conçue à l’occasion du Salon avicole internationale (Savi) ayant eu lieu du 26 au 28 avril derniers à Yaoundé.
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Il va sans dire que la Chine, plus ou moins sortie du confinement de la Covid-19, a relancé son activité d’élevage de porc, et ses besoins en matières premières agricoles ont asséché le marché international. Le pays a par exemple importé un volume record de soja (100 millions de tonnes, +13% sur un an), de maïs (11,3 millions de tonnes, +57%) mais aussi de blé en 2020. Au point « qu’après avoir asséché la grande partie des stocks de soja brésiliens, la Chine s’est tournée vers les Etats-Unis », explique Manon Sailley, analyste économique de l’alimentation animale et matière première, cité par le Dr Albert Ichakou.
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En sus, au Cameroun, la faible récolte de maïs dans la région du Nord, du fait d’une pluviométrie médiocre, a amplifié le phénomène de la rareté et donc le renchérissement de cet intrant. Au cours de cette période, le kilogramme de maïs est passé de 170F à 250 F. Depuis mars 2022, le prix du son de blé est lui aussi passé du simple au double. En janvier 2022, le sac de 50 kg était cédé à 3000F. Il est aujourd’hui vendu à 6000F. Depuis deux ans, les éleveurs de volaille sont confrontés à la hausse des cours des matières premières agricoles (soja et maïs) et à celui du poussin, l’aliment représentant à lui seul environ 75% du coût de production. Cette hausse du coût de production n’a pas encore été répercutée aux consommateurs et a contribué à pénaliser l’offre locale et le bien-être des éleveurs, déplore l’Ipavic.
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L’institution financière internationale de bancassurance d’origine néerlandaise Rabobank prévoit une hausse de 5 % des coûts des matières premières pour l’alimentation animale au cours du premier semestre 2022, avec un pic envisagé au troisième trimestre 2022 selon l’agence. Et ce trend haussier fait craindre de graves répercussions sur le secteur, avec éventuellement une hausse sans précédent du prix du poulet.