Faillite : la Cicam en situation de mort cérébrale
Cette année, les banques commerciales ont refusé de préfinancer la fabrication du pagne de la journée internationale de la femme par la Cicam, qu’elles considèrent comme une entreprise à risque.
Cette année, les banques commerciales ont refusé de préfinancer la fabrication du pagne de la journée internationale de la femme par la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), qu’elles considèrent comme une entreprise à risque. Le directeur général de cette société, Edouard Ebah Abada, explique que pour produire 1,5 million de mètres linéaires de tissu (loin des 5 millions de mètres qui représentent le marché annuel pour ce seul événement), ses équipes et lui ont dû mettre en place une ingénierie commerciale qui a consisté à prendre d’avance de l’argent chez les grossistes pour le préfinancement de la campagne en contrepartie de remises alléchantes. Cette entreprise publique est depuis plusieurs années en état de mort cérébrale, diagnostic du reste confirmé par la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (Ctr), qui, dans son rapport 2020 publié il y a quelques semaines, la déclare en faillite. La Cicam est confrontée à des problèmes structurels tels que la vétusté de son outil de production « et la carence pathologique de son fonds de roulement », selon les propres termes de son Dg, qui a accordé le 08 février dernier une interview au poste national.
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La situation de l’outil de production de l’entreprise est d’autant plus catastrophique que désormais, pour honorer ses commandes, elle doit faire des photographies en 3D des pièces assorties du mode d’emploi, qu’elle envoie aux artisans en Italie ou en Chine pour la reproduction de ces pièces. Les dernières machines acquises par la Cicam datent de l’époque de sa création, c’est-à-dire, autour de 1965. Le gouvernement a maintes fois annoncé qu’il mettrait l’entreprise en procédure de restructuration, notamment en rénovant son outil de production, en réglant en partie sa dette qui, d’après le Dg, s’élève à 25 milliards Fcfa et en la dotant d’un fonds de roulement. Cette restructuration qui doit être menée dans le cadre de la Stratégie nationale de développement à l’horizon 2030 (Snd-30) qui en est théoriquement à sa deuxième année de mise en œuvre, tarde à être enclenchée.
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Dans la filière coton-textile-cuir, sur le plan global, la Snd-30 prévoit en plus d’une augmentation de la production cotonnière nationale au seuil de 600.000 tonnes/an à l’horizon 2025 (contre plus ou moins 160.000 jusque-là), d’intégrer la transformation industrielle de la fibre locale pour atteindre un taux minimum de 50% à l’horizon de 2030. Le gouvernement ambitionne par ailleurs, d’ici là, de développer une industrie de fabrication et de confection des tenues, notamment de sport (maillot, survêtement, basket, etc.), capable de satisfaire au moins 50% de la demande nationale. Dans la même perspective, la Snd-30 entend faire en sorte que la filière fournisse à moyen terme les grands corps de l’Etat (militaires, policiers et civils), en tenues et équipements vestimentaires incorporant au moins 60% du coton camerounais. Ce document prévoit également que l’Etat va explorer les possibilités de relancer les tanneries et l’industrie de fabrication des articles en cuir (bottes, sacs, ceintures, etc.).
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Selon le Ctr, les opportunités sont saisissables par la Cicam, notamment, un marché potentiel et porteur protégé par la règlementation camerounaise et surtout les objectifs fixés par la SND30 pour cette filière. Mais en attendant, le marché du pagne générique accaparé à 88% par les Chinois, 6% par l’Afrique de l’Ouest et 6% seulement par la Cicam.
Jean Omer Eyango