Cameroun business forum, CSU, inflation, le déficit énergétique : les dossiers urgents de l’après CAN
La CAN 2021, est désormais derrière nous. Après l'euphorie du plus gros événement sportif africain, place aux réalités qui préoccupent le quotidien des camerounais. Entre une inflation galopante sur les produits de première necessité, et des délestages permanents, l'après CAN ne semble guère sucrée pour les populations. Comme pour ne rien arranger, la CSU annoncée tarde à prendre corps. Les ménages continuent de contribuer à presque 70% au financement de leur prise en charge dans les formations sanitaires publiques. Cerise sur le gâteau, le dialogue public privé est toujours au poids mort. L'edition 2021 du Cameroon Business Forum se faisant toujours désirer. EcoMatin passe en revue les dossiers sur lesquels il faudra urgemment se pencher après l'organisation réussie de la CAN.
La 12e édition du Cameroon Business Forum (CBF), autant que nombre de sujets économiques d’importante capitale, a été reportée par le Gouvernement à une date ultérieure, alors que le rendez-vous était initialement prévu le 15 décembre 2021. Le report est survenu sans qu’une raison n’ait été officiellement évoquée par les pouvoirs publics. Mais sous cape à la primature, des sources avaient laissé entendre que la tenue de la 33e édition de la Coupe d’Afrique des Nations de football – qui s’est achevée le 6 février dernier-était prioritaire sur les grands rendez-vous, et que le CBF serait alors reprogrammé après la CAN 2021. La page du football est tournée, et le gouvernement doit devoir se pencher sur les dossiers urgents qui l’interpellent, et la reprogrammation du CBF en fait partie.
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L’expectative qui entoure cet événement, cache mal l’embarras du gouvernement à le reprogrammer, dans un contexte où les rapports avec le secteur privé sont tendus en permanence. C’est une lapalissade que de rappeler que le report du CBF est en partie lié au désistement du Groupement Inter-patronal du Cameroun (Gicam) à prendre part à la 12e édition. En effet, dans une correspondance du Secrétaire général des Services du Premier Ministre au Gicam, l’invitant à prendre part au CBF, Séraphin Magloire Fouda sollicitait de l’organisation patronale d’éventuelles propositions à prendre en compte lors des assises. Une démarche qui a provoqué l’ire des adhérents et de l’éxécutif du Gicam. Le 2 décembre 2021, le président du Gicam, Célestin Tawamba, réagissant à cette lettre, a désapprouvé le processus conduisant à l’organisation du CBF 2021. Notamment, les points à débattre, la date consensuelle de l’événement, ou encore la définition des objectifs de la session de 2021. En réalité, parmi les revendications lointaines du syndicat patronal, figure celle relative à la refondation du Cameroon Business Forum.
L’urgente refondation ?
Depuis la création en 2009 du CBF, le Gicam n’a pas vraiment le sentiment que les lignes ont bougé. « En une décennie d’existence, cette rencontre imposée par IFC [la Societé financière internationale, filiale du groupe de la Banque mondiale, Ndlr] n’a pas permis au Cameroun d’améliorer significativement son rang dans le classement Doing business. Au demeurant, le climat des affaires ne se limite pas uniquement aux critères arrêtés par cette institution », confiait naguère un membre du Gicam, sous couvert d’anonymat à nos confrères de Jeune Afrique.
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Le syndicat des patrons, qui revendiquait 729 entreprises adhérentes en 2019, et qui représente 43,5 % du PIB, n’a eu de cesse d’exiger, comme dans son dernier livre blanc, la suppression de cette instance pour la remplacer par un cadre permanent de concertation entre les deux parties : le Cameroon Business Council (CBC). Cette entité serait toujours présidée par le Premier ministre, et secondé par le président du Gicam. Le secteur privé ne serait-il plus prêt à prendre part à cette plateforme d’échanges entre le gouvernement, les bailleurs de fonds, et les partenaires techniques du Cameroun, tant qu’elle ne fait sa mue ?
Inflation : l’urgence de stabiliser les prix
Farine de blé, poisson, huile végétale, œufs de table, viande, matériaux de construction…depuis quelques mois, les prix de certains produits de grande consommation ne cessent de prendre de l’envol. Si n’étaient concernées jusqu’ici que les produits importés, même ceux produits localement n’échappent à cette inflation démesurée. Selon un récent rapport de l’Institut nationale de la Statistique(INS), les prix à la consommation des ménages sont passés de 2,2% à 3,1% en un an, tandis que les coûts des produits alimentaires importés ont augmenté de 8,2% au cours de l’année 2021.
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Une situation qui pourrait devenir intenable sur la durée car, dans le même temps, le revenu des ménages moyens n’a pas connu une augmentation. En attendant, plusieurs associations de défense des droits des consommateurs sont déjà montées au créneau pour dénoncer des augmentations scandaleuses sur la plupart des denrées de grande consommation sur fond de spéculation. La situation n’est pas prête de s’améliorer du fait de l’augmentation du cours du fret maritime qui a connu une hausse de 400% selon le Groupement Interpatronal du Cameroun(Gicam). Coté importateurs, la situation est devenue intenable ; les menaces d’un arrêt d’approvisionnement ne cessent de se prononcer. Le tocsin a récemment été sonné par les industries meunières qui ont décidé de suspendre les livraisons de farine de blé sur l’étendue du triangle national afin de limiter les pertes ininterrompues qu’ils enregistrent du fait de l’augmentation ininterrompu du cours du blé.
Mesures d’atténuation
Jusqu’ici la réponse du gouvernement a consisté à des mesures visant à tordre le cou à la spéculation et accompagner les producteurs. Aux décentes sporadiques du Mincommerce pour tenter de mettre la main sur les commerçants véreux responsables de l’inflation, s’ajoutent des exonérations aux profits des importateurs notamment l’application d’une décote de 80% sur le coût du fret, suspension de l’acompte d’impôt sur le revenu au profit des importations de blé entres autres. Pas assez suffisant pour contenir l’inflation selon les acteurs. Selon Aline Mbono, Directrice exécutive du Gicam, «le clinker connaît une augmentation de 97% sur le marché international. Vous couplez cette augmentation avec à la hausse du fret maritime qui est de 417%, vous avez des coûts qui, s’ils sont répercutés sur le sac de ciment, seraient de 1.500 FCFA de plus. La décision signée le 16 novembre 2021, s’il faut l’appliquer a juste un impact est de 50 FCFA». Côté meuniers, les abattements fiscaux accordés par le gouvernement ne couvrent que 7% de leurs pertes.
Concertations stériles
Alors que le spectre d’une hausse des prix semble inévitable, le secteur privé table pour un partage des coûts supplémentaires entre les différents acteurs à savoir : les entreprises, l’Etat et les consommateurs. Une concertation que les pouvoirs publics semblent vouloir esquiver jusqu’ici.
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A la dernière réponse à la sollicitation des importateurs les pouvoirs publics ont demandé d’attendre la fin de la CAN et d’éviter toute hausse des prix durant cette compétition que le pays organisait. Nous y sommes, à quand des décisions fortes?
Couverture santé universelle : 1 300 milliards de FCFA pour un démarrage effectif au 1er semestre 2022
La couverture santé universelle (CSU) fait partie des programmes de santé prioritaires au Cameroun pour 2022. C’est ce qui transpire des propos du Minsanté, Manaouda Malachie, devant la CFB de l’assemblée nationale le 1er décembre 2021. Après l’échec de 2018, alors que le chef de l’Etat, Paul Biya, en personne, avait donné des garanties dans son discours du 31 décembre 2021, l’annonce du Minsanté soulève du scepticisme. Surtout que le 15 octobre 2021, sur les antennes de Radio Balafon, une radio privée basée à Douala, Manaouda Malachie avait été versatile : « Nous ne donnerons pas une date. Mais je pense qu’au premier semestre 2022, nous allons au moins lancer quelque chose à titre pilote».
Suffisant pour faire planer le doute au-dessus de la CSU qui ne résiste pas aux critiques. A l’exemple de celles émises par Dr Flaubert Fouakeng. Dans un article intitulé « Couverture santé universelle au Cameroun : Etat des lieux et défis à relever pour accélérer cette réforme cruciale pour le système de santé en quête incessante de plus de ressources », le spécialiste en santé publique et économie de la santé est formel : « L’analyse du cas du Cameroun montre que le mode de financement n’est pas encore clairement et définitivement cerné. » En 2017, le Minsanté avait révélé qu’« un tel système coûterait 1 300 milliards FCFA à l’Etat, pour un paquet de base de soins et services composé de 185 interventions et 101 sous-interventions ». A l’observation, tout bloque donc dans la recherche de ces financements.
Partenariat privé
En attribuant le marché de la CSU, en août 2020 à la Société santé universelle Cameroun (Sucam), l’Etat semble avoir trouvé la réponse financière à son projet. Pas seulement. Le partenariat avec cet opérateur économique privé coréen efface à priori les préoccupations institutionnelles, organisationnelles et managériales de ce projet. D’ailleurs, pour rassurer les Camerounais, le 16 septembre 2021 à Yaoundé, Sucam présente des équipements dédiés à l’enrôlement. L’entreprise se dit alors « prête à enrôler les plus de 25 millions de Camerounais », et déclare « disposer déjà de 1 500 stations fixes et mobiles ». Sans en indiquer les localités sensées les accueillir. Ce qui accentue le scepticisme au-dessus de cette collaboration et des capacités de cette structure à démarrer effectivement dans les délais.
La CNPS au cœur du projet
De l’avis de plusieurs spécialistes, « le problème était définitivement réglé si on avait fait de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) le cœur de ce projet. Cette entreprise a déjà l’expérience de la prise en charge des employés du secteur privé et, sur le plan de la gouvernance, l’argent est plus en sécurité entre les mains d’une structure sous tutelle. Dans plusieurs pays où cette affaire a marché, au Ghana et au Rwanda, la gestion a été attribuée à des structures publiques qu’on avait dû parfois créer pour la cause. ».
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Pour rappel, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la CSU est un système, mis en œuvre dans les pays à faible revenu, qui vise un financement à faible coût par les populations des services et soins efficaces et de qualité. Au Cameroun, son processus de mise en place est engagé par le Minsanté depuis 2015.
Energie : des améliorations considérables attendues dans la fourniture en électricité en 2022
Selon des données de la Banque Mondiale, le Cameroun dispose d’un potentiel énergétique estimé à 23 000 MW. Pourtant, selon la même institution, le pays ne produit que 1400 MW d’électricité, provenant majoritairement des barrages hydroélectriques (60%). Pas besoin d’être devin pour comprendre que cette offre énergétique est loin de combler la demande sans cesse croissante. En témoignent, les coupures intempestives de courant électrique, que les camerounais ont fini par intégrer, quoique à contrecœur. Pour remédier à cette situation critique, le gouvernement, par le biais du ministère de l’Eau et de l’Energie (Minee), a décidé de lancer plusieurs chantiers majeurs censés améliorer l’offre en énergie électrique. Pour le compte de l’année en cours, Gaston Eloundou Essomba a indiqué, lors de son passage devant la commission des finances et du budget de l’Assemblée nationale en novembre 2021, que le président de la République Paul Biya avait donné son accord pour le lancement (début 2022) des travaux de construction d’une ligne de transport qui va relier les réseaux interconnectés du Sud et du Nord. Ladite ligne de transport sera longue de 511 km, et prendra sa source au futur barrage de Nachtigal en cours de construction, pour rejoindre la ville de Ngaoundéré dans la région de l’Adamaoua.
« Le Chef de l’Etat a déjà donné son autorisation pour que les travaux qui vont permettre de relier le réseau Sud au réseau Nord puissent démarrer. La ligne va prendre ses origines du côté du barrage de Nachtigal. On va bientôt construire 511 km de lignes, 225 000 Volts, jusqu’à Ngaoundéré. Ce qui va consacrer l’interconnexion du réseau Sud au réseau Nord. Nous voulons synchroniser la mise en service de cette ligne, avec la mise en service du barrage de Nachtigal. La solution au cours des quatre prochaines années, est donc l’interconnexion du réseau Sud au réseau Nord», avait-il déclaré.
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La région du Nord qui est l’une des unités administratives les moins nanties en matière de fourniture en énergie électrique va également bénéficier, d’après les annonces du Minee, de l’installation de plusieurs centrales électriques. « Voici les mesures que le gouvernement a prises pour pallier en urgence cette situation. Première mesure: l’installation d’une centrale solaire modulaire à Guider de 30 mégawatts. Les premiers containers sont déjà arrivés à Garoua et sont en train de faire route vers Guider. Les plateformes sont en cours de construction. Au même moment, une autre centrale ; celle-là est thermique de 10 mégawatts, sera également installée à Guider, d’ici le mois de janvier (2022, ndlr). Courant janvier 2022, le Septentrion va donc recevoir des capacités supplémentaires de 30 mégawatts en solaire et de 10 mégawatts en thermique», a-t-il précisé. Et d’ajouter que «Nous avons également instruit Eneo de commander en plus une centrale de 15 mégawatts d’ici fin mars. Donc d’ici fin mars, le Septentrion va recevoir une capacité supplémentaire de 30 mégawatts en solaire et de 25 mégawatts en thermique, soit 55 mégawatts», a-t-il indiqué à l’assemblée nationale en novembre 2021.
Pour ce qui est de la région de l’Est, Gaston Eloundou Essomba a annoncé la mise sous tension dès 2022 de la ligne entre Yaoundé et Abong-Mbang, consacrant «l’interconnexion du réseau Sud au réseau de L’Est». D’autres projets de grande envergure tels que le barrage de Nachtigal, dont le taux de réalisation est de 50%, vont connaître une accélération, afin d’être entièrement livrés entre 2023-2024.