Crypto monnaie : le Cameroun cherche sa voie
L’avènement de cette activité est diversement apprécié par les experts et suscite beaucoup de questionnements.
Le Cameroun est le 27ème pays en termes d’adhésion à la cryptomonnaie, il est seulement le 105ème en termes de développement de plateforme de change. Sachant que la crypto monnaie est interdite en zone Cemac (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale), et que le pays prépare une régulation nationale de cette activité, le ministère des Postes et télécommunications (Minpostel) a organisé un séminaire le 15 novembre dernier sur les « enjeux, opportunités et risques de la crypto monnaie au Cameroun ». Objectifs entre autres, examiner les mécanismes de régulation des crypto monnaies et la prise en main par les pouvoirs publics, présenter la nécessité d’une corégulation à l’heure d’une convergence de la société toute entière, dresser une cartographie complète des crypto monnaies sur le continent africains et ceux présents sur le territoire camerounais.
Aussi, pour renforcer les compétences des professionnels des médias traitant des questions économiques, et surtout celles liées aux crypto monnaies ou aux valeurs monétaires virtuelles, un séminaire d’information sous le thème : « crypto monnaie : réalités et défis pour le Cameroun », a été organisé à leur intention, en collaboration avec l’Association des journalistes économiques du Cameroun (Press Eco). C’était le 23 décembre dernier. Les échanges ont porté sur la définition et l’origine de la crypto monnaie, ses avantages et inconvénients, les possibilités de règlementations et de régulations.
Niches d’activité économiques
Comme l’a indiqué le conseiller technique 2 au ministère des Postes et Télécommunications (Minpostel), les crypto monnaies présentent des avantages en termes d’inclusion financière et même de niche d’activités économiques, mais aussi des inconvénients notamment du fait qu’elles ne sont contrôlées par aucun gouvernement ou autorité monétaire. « La crypto monnaie pose plusieurs problèmes : à savoir le risque d’éviction de la monnaie classique et donc l’affaiblissement des autorités politiques, le développement des activités illicites et illégales… Pour minorer ces problèmes, il est nécessaire pour les Etats ne pas se détourner de la crypto monnaie mais de la réguler à travers la maîtrise des opérations de change entre les crypto monnaies et les monnaies classiques (FCFA, pour la Cemac). Pour cela, il faut encourager la formation des jeunes dans ce domaine et le développement des plateformes de change locale », a-t-il indiqué. Aussi d’après l’expert financier, l’inclusion numérique met les institutions financières classiques devant un défi : s’adapter ou mourir…
Corégulation
Pour l’expert blockchain Jeff Koumbou, il est possible que le Cameroun soit le meilleur d’Afrique francophone en termes de cryptomonnaie. Pour cela, il conseille de changer le regard négatif sur cette activité, et favoriser une action synergique entre les acteurs privés et publics. Et cela ne saurait être possible, sans l’existence d’une loi. Le Sous-directeur de la Réglementation des télécommunications et des TIC au Minpostel évoque la nécessité de réguler et réguler. Et dans sa communication sur les grands défis de la réglementation et la régulation de la crypto monnaie, Joseph Nnemete Beyeme a relevé que l’unique porte de sortie était la corégulation.
« Le Cameroun est encore au niveau des consultations »
D’après le Sous-Directeur de la Réglementation des télécommunications et Tic au ministère des Postes et Télécommunications, cette activité encore embryonnaire et non règlementée, nécessite une collaboration multisectorielle, qui permettra l’encadrer.
Quel état des lieux faites-vous de l’existence de cette activité au Cameroun ?
On ne peut pas véritablement faire un état des lieux. Cette technologie est encore embryonnaire. Mais nous savons qu’il y a une activité adossée à la cryptomonnaie. Elle a été identifiée. Il n’y a qu’à voir les promotions que certains acteurs font autour de cette devise numérique.
Au niveau de la réglementation qu’en est-il exactement ?
Il n’y a pas encore une réglementation ou une régulation définie. Tout ce que nous avons ce sont des lois et des règles pour ce qui concerne l’activité de communication électronique. C’est une activité qui relève des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Eat comme elle est toute nouvelle, il y a donc nécessité pour le gouvernement de se pencher sur cette question. C’est ce qui justifie le dernier forum sur les « enjeux, risques et opportunités de la crypto monnaie au Cameroun ». Il n’y a aucun rudiment de réglementation mais, il y a des approches que nous avons engagées dans le cadre de cette rencontre. L’une des approches qu’il faut saluer et que le ministre des Postes et Télécommunications voudrait bien mettre en place, c’est l’approche collaborative où tous les acteurs sont invités à une table pour discuter de ces questions de crypto monnaie. Il s’agit notamment des régulateurs multisectoriels (banques, banques centrales, société civile, secteur privé). L’idée étant d’avoir une coalition, un cadre de consultation qui permette d’aboutir à un cadre juridique bien défini.
Le Cameroun prépare-t-il effectivement une régulation nationale sur la cryptomonnaie ?
Le Cameroun s’est engagé à renforcer la confiance numérique, à garantir une transformation digitale de sa société en toute sécurité. Face à la montée d’une activité non réglementée et qui nécessite une régulation multisectorielle, le gouvernement a entrepris des consultations. Au finish, il y aura certainement un cadre règlementaire, de jurisprudence qui permettra d’encadrer cette activité au Cameroun.
Comment l’activité de cryptomonnaie peut-elle contribuer pour l’économie camerounaise ?
C’est une monnaie qui est de plus en plus courue à cause des gains. Il n’y a qu’à voir ce qui se passe ailleurs, elle constitue une niche économique pour les Etats notamment, dans les transactions internationales. Elle constitue une opportunité pour les entrepreneurs du digital qui vont lever des fonds à travers ce système électronique, elle peut participer à l’inclusion financière, et rattraper le retard pour ce qui est de la pénétration bancaire entre les zones reculées et les zones urbaines. Avec la cryptomonnaie, on peut faire un saut quantitatif et qualitatif pour mettre tout le monde dans la chaîne financière. Une cryptomonnaie réglementée permet à l’Etat d’avoir un contrôle sur l’activité.
En termes de risques ?
Comme risques, il y a des arnaques, la cybercriminalité, le vol des devises,… Beaucoup de sociétés camerounaises ont proposé des services dans le domaine de la crypto monnaie, et beaucoup de nos concitoyens ont subi une arnaque. C’est pourquoi il demeure important de s’asseoir pour pouvoir encadrer cette activité, d’assurer la confiance numérique, le digital « trust ».
De façon concrète, à quel niveau se situe le Cameroun dans le processus de fonctionnement de la cryptomonnaie ?
On est encore à l’étape N+1, au niveau des consultations.
Le ministère des Postes a-t-il déjà identifié au Cameroun des entreprises qui font de la cryptomonnaie ?
A ce jour, nous n’avons pas encore établi une cartographie de ces opérateurs. Ce que nous savons, c’est qu’il y a effectivement une activité dans notre marché, en lien avec les crypto actifs.
Propos recueillis par Amandine Atangana