Le manioc : un rendez-vous socio-économique
La semaine dernière, un reportage vidéo, l’œuvre d’un confrère futé a été effectué au point de péage de Mbankomo, sur la sortie de Yaoundé en direction de Douala. Le reportage semblait de sujet banal. Il devenait prenant au fur et à mesure des interventions.
Notre confrère s’intéressait aux petits métiers pratiqués autour du péage. Une dame, la quarantaine révolue, évoquait son activité principale qu’elle pratique à cet endroit depuis plus de 10 ans : la vente des bâtons de manioc. Elle dit : « par cette activité exclusivement, j’ai financé les études de mes 4 enfants. Le premier a obtenu sa licence à l’université de Yaoundé1. Le dernier est en classe de 1ère…Je suis sortie de la location pour une maison que j’ai construite, grâce à la vente des bâtons de manioc », a révélé cette dame. D’autres témoignages analogues ont été recueillis au même endroit sur les bienfaits socioéconomiques cette tubercule alimentaire.
Le manioc est produit à plus de 40 millions de tonnes par an en Afrique centrale, y compris en République démocratique du Congo. Le Cameroun à lui seul, selon les chiffres rendus publics par Agristat, a produit en 2017, 5 millions de tonnes de cette denrée, se positionnant ainsi 19è exportateur mondial du manioc et de ses produits dérivés, en direction notamment des consommateurs de l’Union européenne.
Le manioc est le 3e aliment riche en calorie après le riz et le maïs. C’est l’un des aliments les plus consommés en Afrique subsaharienne du fait de ses multiples possibilités de transformation et de sa culture aisée sur les sols généreux comme sur des sols peu fertiles. Il se consomme sous forme de sa racine fraiche, de sa farine dite « fufu », en « bâtons », en tubercules bouillies. Il est aussi conservé grillé en gari, ou en boules séchées au soleil ou au grenier. Les feuilles de manioc sont abondamment consommées en toute saison sur l’ensemble du territoire national. Le manioc est la deuxième source de production d’amidon, après le maïs.
Des opératrices économiques des régions du Centre, de l’Est, du Sud, du Sud-ouest et du Nord-Ouest, conscientes des retombées économiques issues de la filière manioc, se constituent en coopératives paysannes. Elles organisent l’ensemble de la chaine, des agricultrices aux vendeuses, en passant par celles qui transforment ce produit. Des recherches effectuées à l’Institut des recherches agronomiques pour le développement, Irad, stipulent qu’il est possible de produire du pain enrichi de meilleure qualité à base du manioc ; de créer aussi des produits brassicoles au détriment du blé qui n’est pas un produit de notre environnement agricole tropical. Ces opératrices se préoccupent de moderniser le segment de la conservation du manioc pour être consommé en toute saison.
La filière manioc est donc un véritable moteur de croissance économique. Il faut capitaliser son potentiel en amenant les jeunes et les femmes à s’en approprier davantage. Il y aurait des emplois à créer en milieu rural et urbain.
Cette filière a ses difficultés. Elles sont notamment liées à l’accès difficile aux variétés améliorées du produit. Des centres de recherches sur le manioc, font un travail remarquable dans le souci d’améliorer le rendement, en introduisant des tubercules de qualité supérieure à l’existant, comme on en fait des croisements en matière d’élevage. Malheureusement, il y a un fossé de connaissance entre les chercheurs et les planteurs. Les derniers ne sont pas souvent au fait des connaissances scientifiques. Un encadrement agricole de base devient une nécessité, afin de faire du manioc facile à produire, un rendez-vous de bien être social et économique.