Par Dieudonné Essomba
L’impôt des Hommes d’affaires Camerounais est inutile et coûteux
Un certain nombre de débats récurrents tourne autour des impôts payés par les Camerounais, et suivant le bord, on peut se vanter d’être un grand contributeur, ou alors être condamné d’être un grand fraudeur. Mais parler au Cameroun des impôts versés par les Camerounais, c’est de la pure blague ! Je l’ai dit et redit, l’Economie du Cameroun, ce sont les
étrangers. Ce sont les étrangers qui contrôlent toutes les activités stratégiques du Cameroun: l’eau (CDE), l’électricité (ENEO), l’agroalimentaire (SABC, SOSUCAM, etc.), les agroindustries (CDE, SOCAPALM, HEVECAM, etc.), l’industrie métallurgique (ALUCAM, SOCATRAL, etc.), l’industrie chimique (Cimenteries), les banques (SCB, BICEC, etc.), Ensuite vient l’Etat, qui a des participations dans certaines de ces grandes activités, mais contrôlent aussi les équipements de production. Sa part est de 31% dans le système productif.
Enfin, vient le secteur privé du Cameroun, essentiellement localisé dans l’informel rural, le petit tertiaire urbain, quelques hôtels, quelques établissements financiers et quelques activités de finissage (brasseries, vins). Toute cette poudre d’activités n’atteint même pas 14% !
Ces 14% paraissent invraisemblables à l’homme de la rue tant il voit les Camerounais partout : taxis, boutiques, quincaillerie, boulangerie, taxis, etc…
Cette erreur de parallaxe est normale, car le Camerounais moyen ne voit quotidiennement que la petite richesse de ses voisins. Mais qui va lui expliquer que les l’ensemble des taxis de Yaoundé et de Douala n’atteint pas un seul Boeing ? Qui va lui dire qu’une seule centrale électrique achète toutes les auberges du Cameroun que nous affublons pompeusement du nom d’hôtels ?
Notre petit patrimoine poudreux, éparpillé et ubiquitaire, nous donne des illusions de puissance alors qu’il ne vaut rien !
Voyons maintenant l’incidence sur les impôts. Du point numérique, les entreprises étrangères ne représentent même pas 1% des effectifs, mais elles contribuent pour 85% des recettes fiscales. Outre les impôts sur les bénéfices, ces entreprises permettent surtout à l’Etat de s’approvisionner à moindres coûts en impôts sur la consommation : par exemple, l’Etat demande aux Brasseries d’ajouter seulement 287 FCFA sur la bière et des dizaines de milliards pleuvent instantanément. L’Etat se contente alors d’une petite équipe de surveillants dans les Brasseries. Et c’est la même chose sur le carburant, l’électricité, le ciment, les tôles, etc.
A contrario, pour avoir seulement 100 Milliards d’impôts venant des Camerounais, il faut au moins un million de boutiques payant chacune 100.000 FCFA par an !
Outre que nous n’avons pas un million de boutiques et que seule une poignée arrive à 100.000 FCFA, vous êtes obligés de recourir à une escouade de milliers de collecteurs d’impôts et de gendarmes, ce qui ne vous dispensera pas de coups de poing, de bagarres de rues avec les commerçants, sans compter les procès.
En réalité, pour un montant de 100 Millions que vous arrivez à collecter péniblement sur notre secteur productif local, vous aurez dépensé au moins 90 Millions en coûts de collecte !
Autrement dit, en salaires d’agents de collecte, de dépense de fonctionnement, de facture d’hôpital, d’emprisonnement des contribuables récalcitrants, sans compter les frais d’hôpitaux! D’ailleurs, j’ai vécu des cas où les dépenses pour collecter 100 Millions ont dépassé 130 Millions de FCFA, ce qui n’empêchait pas leurs auteurs de ronronner de satisfaction pour leurs performances ! Preuve que l’impôt lui-même ne se réduit pas aux dispositions normatives, mais obéit aussi à la logique économique : il faut en évaluer l’apport net !
Le pire dans un pays, c’est l’ignorance et surtout, l’ignorance prétentieuse qui développent des illusions qui nous consolent. Même si nous payions nos impôts, cela ne changerait pas grand-chose, tant le système productif local est squelettique et trop éparpillé. L’impôt des Camerounais est peu intéressant du point de vue macroéconomique, inutilement coûteux et politiquement contreproductif, car il crée l’impression d’un harcèlement alors qu’il ne représente rien ! Et c’est pour cette raison que la prétention du Gouvernement à résoudre les problèmes d’ajustement en élargissant sa base fiscale est intrinsèquement vouée à l’échec : il va l’élargir où ? Chez les baïsallam ou les bendskinneurs qui les regardent d’un œil méchant et sont prêts à en découdre ?
Et c’est ici qu’il faut établir le rôle réel joué par les hommes d’affaires du Cameroun : ils ne sont pas là pour payer l’impôt, mais pour entretenir l’appareil politique dont ils ne sont que le pendant financier. C’est à eux de conserver l’argent que l’appareil politico-administratif veut soustraire au contrôle aux bailleurs de fonds. Ils sont des éléments intrinsèques du système et ne subsistent qu’à travers des passe-droits divers et des subventions qui ne sont qu’un détournement de fonds déguisé. Aucun ne peut montrer le doigt qu’il ne bénéficie annuellement et abusivement des avantages publics ! Aucun ! En tout cas, très peu sont capables de survivre dans un environnement assaini.
Tenez ! Un jour les hommes d’affaires du Cameroun se plaignent que l’Etat leur refuse des licences d’exploitation du bois au profit des étrangers. Excédé, le Gouvernement leur en délivre plus de 50. Mais jusqu’aujourd’hui, aucune n’est exploitée, en dehors des sous-locations aux étrangers !
Tenez encore ! Les mêmes hommes d’affaires font un ramdam terrible contre les Chinois et d’autres étrangers qui accaparent les grands marchés d’infrastructures des Projets Structurants. « Oh, les étrangers volent tous les marchés ! Maudit soit le Gouvernement félon de Biya qui méprise les nationaux ! »
De guerre lasse, l’Assemblée vote une loi leur attribuant 30% de marché en sous-traitance. Mais tous ont fui, comme poursuivis par des serpents venimeux ! Rien que la spéculation ! Ce sont des hommes d’affaires, ça ? Ils se plaignent partout que BIYA ne les reçoit pas, alors qu’il déroule le tapis rouge aux étrangers !
Vous voyez Biya, ancien Etudiant de l’Institut des Hautes Etudes d’Outremer (IHEOM), titulaire d’un Diplôme d’Administrateur des Colonies, recevoir des individus comme ça pour une vraie relance économique ?
Ils vont lui servir à quoi?
Vous êtes des blagueurs !