Crise au NOSO: déjà 421 milliards de pertes financières, haro sur les violences !
Les exactions se multiplient dans les deux régions contre les écoles, avec à la clé des assassinats d’élèves et des enseignants. L’horreur la plus récente étant l’attaque à la bombe la semaine dernière du Lycée bilingue d’Ekondo Titi. Les édifices publics, les routes, les biens communautaires tombent en ruine, et l’économie des deux régions suffoque, avec une perte de points considérable qui impacte sur le PIB au niveau national.
La communauté nationale est meurtrie depuis le milieu de semaine dernière par un autre crime de plus, le crime de trop contre l’Education, l’Enfance, l’Humanité simplement. On a fondu en sanglots après l’assassinat par balle de la jeune Caroline Enondiale survenu le mois dernier à Buea suite à un incident provoqué le gendarme Achille Mvogo, lui aussi lapidé sur le champ par la population en furie ; on s’en était à peine remis qu’une scène similaire, cette fois-là à Bamenda, est venue en rajouter à nos meurtrissures, avec l’assassinat de la jeune Brandy Tataw par un policier ; et comme si ça ne suffisait pas, une autre tragédie est survenue en milieu de semaine dernière et nous a lacérés complètement les cœurs : une attaque terroriste contre un établissement scolaire dans la localité d’Ekondo Titi, département du Ndian, région du Sud-Ouest.
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La scène s’est produite dans la matinée du 24 novembre 2021 aux environs de 8 heures, au Lycée Bilingue d’Ekondo Titi. En effet, « une dizaine d’assaillants sécessionnistes, perfidement vêtus d’uniformes militaires et munis d’armes automatiques », ont fait irruption dans ce lycée dénommé « Grammar School », et « ont froidement ouvert un feu nourri et aveugle en direction des salles de classe où se trouvaient déjà élèves et enseignants en cours, avant d’actionner un engin explosif improvisé », apprend-on d’un communiqué rendu public jeudi dernier par le Chef de la division de la Communication au ministère de la Défense, le capitaine de vaisseau Cyrille Serge Atonfack Guemo. A la suite de cette horreur, cinq personnes ont perdu la vie, dont une enseignante et quatre élèves âgés de 12 à 17 ans, et sept élèves blessés dont un grièvement.
L’éducation en danger
Un crime contre l’école en tant qu’institution, qui rappelle celui-ci commis le 24 octobre 2020 au Mother Francisca International Bilingual Academy de Kumba dans la région du Sud-Ouest. Par un modus operandi quasi similaire, des hommes armés avaient fait irruption dans cet établissement scolaire à bord de motos, et avaient également ouvert le feu sur des pauvres élèves âgés de 9 et 12 ans en pleine salle de classe, laissant 8 morts sur le carreau et une douzaine de blessés. Il va sans dire que l’éducation est désormais la cible des assaillants résolument engagés à mettre à mal la communauté éducative malgré la levée de boucliers de la communauté internationale.
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Dans la foulée de la tuerie d’Ekondo, plusieurs représentations diplomatiques installées au Cameroun ont exprimé leur consternation et condamné à l’unanimité cette dérive inacceptable contre l’Education. L’Union Européenne a condamné fermement des « violences perpétrées contre les écoles et les civils », en prescrivant que des enquêtes judiciaires soient ouvertes pour traquer les auteurs de ces atrocités. Les Etats-Unis jugent « inacceptables » ces attaques qui « doivent cesser ». Le Royaume-Uni leur emboite le pas : « l’enfant a le droit d’aller à l’école et d’être enseigné par un enseignant. Ils ne doivent en aucun cas être ciblés », rappelle la mission diplomatique britannique au Cameroun. Le Canada rappelle pour sa part que le 29 octobre 2021, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté à l’unanimité la résolution 2601 sur la protection de l’éducation dans les conflits armés. Et que par conséquent, les parties belligérantes sont tenues de protéger l’école en tant qu’institution dans le cadre des conflits. La rédaction d’EcoMatin s’associe à ce concert de dénonciations et s’érige contre ces atteintes graves et déshumanisantes contre l’Education, et condamne par ailleurs la violence sur toutes ses formes, en appelant à un retour à la paix, pour préserver des vies, et sauver l’économie.
Ralentissement de l’activité économique
Le conflit armé au Nord-Ouest et au Sud-Ouest a considérablement décimé l’économie des deux régions, selon les données rendues publiques par le Coordonnateur national du Plan présidentiel de reconstruction des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, Paul Tasong, mardi dernier lors de son passage à l’Assemblée nationale. Le secteur productif, le commerce extérieur et les finances publiques ont été sérieusement impactés. A titre d’illustration, concernant le secteur productif, la production de riz paddy dans la localité de Ndop a enregistré une baisse moyenne annuelle de 14,5% entre 2017 et 2019 ; la production d’huile de palme est passée de 37 400 tonnes en 2016 à près de 4 300 tonnes en 2019, soit une baisse de près de 90% ; dans la filière banane, la production de la région du Sud-Ouest est passée de 125 019 tonnes en 2016, pour s’établir à 16 897 tonnes en 2019, en raison de l’arrêt complet des activités de la Cameroon Development Corporation (CDC) en 2018 ; quant à la filière cacao, la région du Sud-Ouest n’a représenté que 29% de la production commercialisée au terme de la campagne 2019/2020 à l’échelle nationale, contre 41% lors de la campagne 2015/2016 ; quant aux industries manufacturières, leur sous-performance est justifiée par une baisse de la consommation d’énergie de 19,5% en 2017, de 6% en 2018 et de 25% en 2019.
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Dans le domaine de l’hôtellerie, le taux d’occupation des chambres des établissements hôteliers des deux régions sur l’ensemble de la période 2017-2020 est en forte baisse. Cet indicateur est passé dans la région du Nord-Ouest de 57,7% en 2016 à 13,7% en 2020. Dans la région du Sud-Ouest, il est passé de 48% en 2017 à 1,3% en 2020. Et l’activité dans ce secteur continue à se détériorer contrairement aux autres secteurs qui commencent à se revigorer.
421,3 milliards de F de pertes
Au demeurant, dans le secteur bancaire, l’activité est plutôt en nette progression. Le volume des dépôts bancaires effectués dans les deux régions est passé de 164,5 milliards de FCFA en 2017 à 215,5 milliards de F en 2020. Aussi, l’activité de crédit connait une tendance haussière, le volume de prêts accordés étant passé de 83,6 milliards en 2018 à 96,5 milliards en 2020. Le commerce extérieur est sérieusement impacté avec une baisse des échanges commerciaux entre le Cameroun et le Nigeria. Ils sont passés de 15,6 milliards de FCFA en 2015 à 2,9 milliards de FCFA en 2019, soit une baisse de plus de 81%. Cette baisse s’observe aussi bien pour les exportations qui ont chuté de -68,9%, que pour les importations impactées de -85%.
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De plus, il apparait que la structure de ces échanges a également changé. Par exemple, les importations étaient dominées en 2016, avant le déclenchement de la crise, par les véhicules, les pièces détachées et accessoires pour véhicules, les appareils électro-ménagers, la vaisselle et autres articles ménagers. En En 2019, il y a eu une baisse importante de ces produits et l’émergence de nouveaux tels que la bière de malt, les produits de beauté, les serviettes et tampons hygiéniques. Des produits faiblement importés dans la proportion des 15% d’importations qui restent de ces échanges commerciaux. « Globalement, la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a induit une perte au niveau national de 0,8 point de croissance du PIB en 2019 et de 0,3 point en 2020. En 2019, les branches les plus affectées sont celles de l’agriculture industrielle et d’exportation, du transport, du commerce et des industries manufacturières. Ces pertes de point de croissance correspondent à une perte en termes réelles cumulée sur le PIB au niveau national de 421,3 milliards de FCFA entre 2017 et 2020 », indiquait alors le coordonnateur du PPRD-NO/SO, par ailleurs ministre délégué auprès du ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du Territoire.
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