Fiscalité, douane, dette publique… : les innovations du projet de loi de finances 2022
Exonération totale des droits et taxes de douanes sur l’importation d’équipements et intrants destinés à l’agriculture, l’élevage et à l’industrie pharmaceutique ; défiscalisation de la production locale dans des secteurs-clés pour soutenir la production ; relèvement de la pression fiscale pour optimiser le niveau de mobilisation des ressources internes non pétrolières ; instauration des droits d’accise prohibitifs sur d’autres produits pour en décourager l’importation... EcoMatin revient sur les grandes lignes du projet de loi des finances adopté le 08 novembre dernier en conseil de cabinet et qui sera très bientôt soumis à l’appréciation du parlement.
Au Cameroun, la troisième session parlementaire de l’année s’est ouverte le 11 novembre dernier à Yaoundé. Cette session a pour point culminant l’examen et l’adoption du budget de l’Etat pour le compte de l’exercice suivant. En attendant de découvrir le projet de loi de finances 2021, l’on sait déjà que l’avant-projet y relatif a été adopté lors du conseil de cabinet du 8 novembre dernier. Le gouvernement envisage soumettre au Parlement, un projet de budget pour l’exercice 2022 qui s’équilibre en ressources et en emplois à 5 762,4 milliards de FCFA. Comparé aux 5 480,4 milliards de 2021, ce budget est en augmentation de 282 milliards soit 5,1%. Les principales projections macroéconomiques tablent sur une croissance de 4,2% et un taux d’inflation de 2% contre 2,4% estimé en 2021. Ces projections s’appuient sur plusieurs hypothèses à savoir : une relative maîtrise de la pandémie du Covid-19, des effets positifs de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2021 et l’atténuation des problèmes sécuritaires. Pour maîtriser l’inflation, le gouvernement table sur l’amélioration de l’offre locale en produits de grande consommation et l’assainissement du marché interne.
Innovations fiscales
Sauf changement de dernière minute dans le projet de loi de finances 2022, le gouvernement propose de faire passer la pression fiscale de 11,3% du PIB en 2021 à 12,1% du PIB l’année prochaine, soit un effort fiscal de 0,8% qui proviendrait de quelques mesures d’assiettes nouvelles. Pour les pouvoirs publics, cette politique est davantage mue par une volonté d’accentuer la mobilisation des recettes internes non pétrolières. Ce qui est loin d’être une bonne nouvelle pour le contribuable. Mais cette «pilule amer» devrait être acceptée sans gros efforts au regard des innovations contenues dans le projet de loi. Il s’agit notamment de l’institution d’une taxe sur les transferts d’argent au taux de 0,2% pour les envois et 0,1% pour les retraits ; la confirmation de la taxe spéciale sur le revenu de 3% sur les commissions versées aux entreprises de transfert de fonds situées à l’étranger. La réduction de 5 à 3% du taux de la taxe sur le revenu(TSR) sur les rémunérations versées aux adjudicataires des commandes publiques domiciliés à l’étranger, la réduction de 15 à 5% du taux des droits d’enregistrement sur les cessions massives de droits sociaux, la simplification des modalités d’imposition des revenus fonciers à travers la consécration d’une imposition au taux libératoire de 10% sur les loyers perçus auprès des locataires non professionnels… Par ailleurs, une levée de certaines dérogations temporaires mises en place pour atténuer les effets de la pandémie à l’instar de la décision de la Cobac interdisant la distribution des dividendes dans les banques est prévue dans le texte. A travers ces innovations, le gouvernement envisage porter l’assiette des recettes fiscales et douanières au cours du prochain exercice à 3 088,7 milliards en hausse de 12,6%.
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Incitations pour doper la production locale
Avec la survenue de la pandémie du coronavirus, le secteur privé fait face à la hausse généralisée des cours mondiaux des matières premières (Clinker, blé…) et l’explosion du fret maritime. Dans une récente sortie, le Groupement interpatronal du Cameroun (Gicam), sollicite des mesures d’atténuation du gouvernement faute de quoi les entreprises menacent de suspendre leurs importations. Le moins qu’on puisse dire c’est que le gouvernement n’est pas resté insensible à cette situation et entend poursuivre la mise en œuvre de sa politique d’import-substitution annoncée il y’a un an. Par exemple, pour optimiser l’offre agricole d’une part et celle des produits de l’élevage d’autres part, il envisage une exonération totale des droits et taxes de douane sur les serres destinées à l’agriculture, les semences végétales et animales améliorées, les vaccins pour la médecine humaine et animale, les médicaments à usage vétérinaire.
Exonération totale également droits et taxes de douane à l’importation d’équipements, matériels et outils, non disponibles localement, utilisés dans le cadre de la transformation plus poussée du bois. Pour ce secteur précisément, il est prévu un relèvement du taux du droit de sortie applicable aux bois exportés sous forme de grumes (billes de bois) de 35 % à 50 %, afin d’encourager la transformation locale du bois et limiter la déforestation. Toujours dans l’optique de promouvoir le made in Cameroon, le gouvernement va effectuer une soumission de certains biens importés au droit d’accises ad valorem dont l’offre locale est suffisante ou présentant des externalités négatives. Il s’agit notamment du thé, du café, des fruits comestibles, du poivre, du piment, et des viandes porcines, bovines, ovines et caprines.
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Rationalisation de la parafiscalité
Toujours dans l’optique d’optimiser la collecte de ses recettes, il est prévu d’associer davantage certains organismes publics affichant des niveaux de recettes supérieurs à leurs besoins réels, à l’effort de consolidation budgétaire, à travers le plafonnement des taxes qui leurs sont affectées. Les excédents de recettes ainsi dégagés par rapport aux plafonds fixés seront reversés dans le compte unique du trésor pour soutenir les dépenses du budget de l’Etat. Sont concernés par cette mesure, l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (Arsel), l’Agence de Régulation des Télécommunications (ART), l’Agence Nationale des Technologies de l’Information et de la Communication (Antic), et la Cameroon Civil Aviation Authority (Ccaa).
Égalité des sexes
Comme autre innovation au projet de loi de finances 2022, apprend-t-on, un annexe spécifique consacrée à la budgétisation sous le prisme du genre a été introduite. Le premier Document budgétaire Sensible au Genre annexé au projet de loi de finances sera articulé autour de huit (08) départements ministériels pilotes dont les noms n’ont pas été révélés. Le nombre ira de manière progressive et vise sur le long terme la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes, les filles et garçons, en établissant les liens essentiels entre les politiques mises en route et les allocations budgétaires conséquentes. « Son objectif est de présenter les efforts déployés par le Gouvernement pour promouvoir l’égalité des sexes et leur impact sur la population ; ce qui devrait permettre d’améliorer dans les administrations au fil des années, la part du budget consacrée à la réduction des inégalités de Genre » peut-on lire.
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Déficit budgétaire
Les dépenses du budget général s’établissent à 5609, 7 milliards ; composés par grandes masses des dépenses courantes (2 655,4 milliards), les dépenses en capital (1 479 milliards) et le remboursement de la dette publique (1 475,3 milliards). La hausse de 13% des dépenses courantes est principalement due à la prise en charge par l’Etat de nouveaux recrutements de nouveaux personnels à la fonction publique et dans les forces de l’ordre. Quant à la dette publique, les intérêts devraient augmenter de 49,4 milliards passant de 190,2 milliards en 2021 à 239,6 milliards en 2022. Une augmentation qui est due au fait de la reprise du paiement en 2022 du service de la dette extérieure, allégé en 2020 et 2021 dans le cadre de l’initiative de suspension du service de la dette extérieure du G20 (ISSD). Le déficit budgétaire global qui résulte de l’évaluation des recettes et des dépenses ci-dessus s’établit à 538,8 milliards de FCFA, correspondant ainsi à un niveau d’ajustement de 1,1% du PIB dudit déficit par rapport à 2021. A côté du besoin de financement induit par le déficit budgétaire en 2022, le Gouvernement doit également couvrir les autres charges de financement et de trésorerie, d’un montant de FCFA 1 235,7 milliards. Pour financer lesdits besoins qui se chiffrent globalement à FCFA 1 774,5 milliards, le gouvernement entend recourir à divers instruments notamment les tirages sur prêts-projets (746,5 milliards), les émissions des titres publics (350 milliards) ; le financement bancaire (184 milliards), les appuis budgétaires (389 milliards), les tirages DTS (70 milliards) et les fonds de concours de la banque mondiale (35 milliards).