Assemblée Nationale : La SND-30 expliquée aux députés
Le ministre de l’Économie était face aux élus de la nation pour élucider les axes stratégiques du gouvernement en matière de développement au cours de la prochaine décennie.
Cinq heures d’horloge. C’est le temps mis par le ministre de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire (Minepat) devant la représentation nationale pour expliquer le contenu de la Stratégie Nationale de Développement 2020-2030 (SDN30) et répondre par la suite aux préoccupations des élus. Calme, patient et tenace, Alamine Ousmane Mey a sacrifié à cet exercice obligation régalienne consacrée par la Constitution. En 20 feuillets pages, il a pu résumer le volumineux document de 243 pages.
C’est « dans la perspective de maintenir le cap de la marche vers l’émergence à l’horizon 2035 que le Cameroun a adopté la SDN30 », va introduire le ministre. Une stratégie qui tire les leçons de la première phase (2010-2020) consignée dans le Document de stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE). Avec comme objectif majeur faire passer le taux de croissance de 4,6% à 8,1%, la SND30 se distingue en ceci qu’il pour ambition « d’opérer de véritables et profonds changements fondamentaux dans les structures productives, industrielles, financières, administratives, sociales et environnementales, afin de favoriser une croissance économique forte, une prospérité partagée, un développement endogène et inclusif tout en préservant les chances des générations futures dans un monde où les menaces liées aux changements climatiques interpellent de manière critique », énonce-t-il.
Les trois orientations de la SND30
Alamine Ousmane Mey simplifie la tâche aux élus en mettant en exergue les « trois orientations fondamentales » de la nouvelle boussole du gouvernement. D’abord, « le mix import/substitution et la promotion des exportations », favorisé par les multiples conséquences de la crise sanitaire du COVID-19. Cette option s’explique surtout par le constat selon lequel « la forte extraversion de notre économie rend difficile d’efficacité nos politiques de relance et ne favorise pas l’éclosion de nos PME/PMI », explique le Minepat. Aussi, l’idée est-elle de « combiner systématiquement les deux logiques, c’est-à-dire à la fois travailler à la substitution des importations mais aussi à la promotion des exportations, sur la base des avantages comparatifs et compétitifs des produits d’origine camerounaise ».
La deuxième orientation se décline sous l’option « d’un État stratège et pragmatique ». L’idée ici est de positionner l’Etat à la fois comme « facilitateur, mais également régulateur », en ceci qu’il facilite l’émergence du secteur privé comme moteur essentiel de la croissance économique et réalisé et réalise opportunément des interventions ciblées dans des secteurs hautement stratégiques, « via le levier de l’investissement public et l’accompagnement des champions nationaux ».
La troisième orientation quant à elle combine « planification stratégique normative (contraignante) et planification stratégique indicative (souple) ».
Trois piliers stratégiques
Après ces grandes orientations, le membre du gouvernement s’est appesanti sur les piliers opérationnels de la SND30. Au nombre de trois également, ces piliers ont trait à « la transformation structurelle de l’économie ; le développement du capital humain et du bien-être ; la promotion de l’emploi et l’insertion économique ». Ces piliers sont soutenus par ce que Alamine Ousmane Mey appelle « un pilier support » à savoir « la gouvernance, la décentralisation et la gestion stratégique de l’État ».
Cependant, l’atteinte et la réussite de ces objectifs est tributaire du recours à tous les leviers, aussi bien financiers qu’humains. Autrement dit, « une meilleure appropriation et opérationnalisation par les différents acteurs ; une coordination renforcée et efficace des interventions des différents acteurs ; un financement adéquat de la stratégie ; et le renforcement du dispositif de suivi-évaluation de la stratégie », brosse le Minepat.
Au terme de son exposé fortement apprécié et acclamé, le ministre a été acculé par 16 parlementaires, ouvrant ainsi la discussion générale. Mais visiblement préparé, Alamine Ousmane Mey s’est aisément prêté au jeu.
Recommandations
La fin des échanges a été marquée par la formulation de quelques recommandations des députés sur la SND30.
Sur le plan de la vulgarisation de la SND30
– Mettre sur pied une stratégie et un plan de communication et de sensibilisation des administrations, des parlementaires, des élus régionaux et communaux, des partenaires du secteur public et privé et de tous les acteurs de la société adaptés à chaque cible pour en faciliter la vulgarisation, l’appropriation et l’adhésion par l’ensemble de la Communauté Nationale ;
-Mettre en place un mécanisme de communication en direction des partenaires au développement et investisseurs étrangers et de la diaspora.
Sur le plan de la mise en œuvre
– Rendre effective la réforme foncière en cours ;
-Mettre en place un mécanisme de coordination de son implémentation ;
-Accompagner le processus d’élaboration et de mise en œuvre des plans régionaux et communaux de développement en cohérence avec la SND30 ;
-Conduire dans les meilleurs délais, les études de faisabilité des plans phares de la SND 30 en vue de leur opérationnalisation ;
-Accélérer davantage le processus de décentralisation à travers le transfert des compétences et des ressources afin de faire des collectivités territoriales décentralisées, un maillon central de SND30 ;
-Associer fortement et régulièrement le secteur privé dans la stratégie de sa mise en œuvre tout en soutenant la promotion des champions nationaux ainsi que la production et la consommation locale.
Sur le plan du suivi-évaluation
-Adopter un chronogramme général de suivi-évaluation des phases d’implémentation de la SND 30 et en identifier les acteurs ;
-Présenter tous les 3 ans au parlement l’état d’avancement de la mise en œuvre de SND30 ;
-Inclure dans la présentation annuelle du programme économique et financier du Premier ministre, chef du gouvernement à l’Assemblée nationale, un point sur l’exécution de la SND30.
Sur le plan législatif et réglementaire
-Travailler à renforcer l’encadrement juridique de la mise en œuvre de la SND30 afin de la rendre plus contraignante ;
-Faire une revue critique de toutes les lois et textes réglementaires sur les incitations aux investissements et le développement économique et social afin d’accompagner avec succès la mise en œuvre de la SND 30.
René Ombala