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Réforme du FCFA : selon un sondage, Paul Biya et ses pairs de la Cemac veulent écarter la France

Dans une étude récente coordonnée par Maurice Simo Djom via le think tank 1 puissance 55, les ressortissants de la zone Franc donnent leur avis sur les projets de réformes monétaires en cours dans la Cemac et l’Uemoa.

L’Eco fera-t-il échos en Afrique centrale ? La question est sur toutes les lèvres depuis qu’Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont annoncé, le 21 décembre 2019 à Abidjan, une réforme du franc CFA en Afrique de l’Ouest. Au sein de l’Union Monétaire de l’Afrique centrale(Umac), qui couvre les pays de la Cemac(Cameroun, Gabon, Congo, RCA, Tchad, Gabon, Guinée Équatoriale), les chefs d’Etat sont tombées d’accords sur le principe d’une réforme de la coopération monétaire avec la France mais les modalités n’ont pas encore été définies. Paul Biya et ses pairs ont subtilement évité la question lors du récent sommet de Yaoundé, deux ans après avoir mandaté la commission de la Cemac et la Beac de mener des réflexions et proposer dans des « délais raisonnables un schéma approprié conduisant à l’évolution d’une monnaie commune». De quoi épaissir davantage le nuage sur la sincérité de cette réforme.

Réforme sincère ou arlésienne?

Au sein de l’opinion, les avis restent partagés. Selon un récent sondage réalisé entre mai et juin 2021 par le Think tank 1 puissance 55 auprès des ressortissants des pays de l’Afrique subsaharienne francophone, 36,8% des personnes interrogées pensent que les chefs d’Etats de la Cemac vont opter pour une réforme profonde du FCFA « qui mettrait la France hors-jeu». 35,8% penche pour une réforme du FCFA semblable à celle de l’Umoa et 27,8% opte pour le statu quo. Les données sont révélatrices des attentes qui sont adossées à cette réforme. Les sondés pensent néanmoins que la seule volonté des chefs d’Etats ne suffira pas à provoquer la fin du système FCFA et penchent massivement (79,7%) pour une synergie avec la société civile.

Si dans la zone UMAC l’on suppute encore sur les perspectives, au sein de l’UMOA, les opinions semblent bien établies. La réforme annoncée du franc CFA signifie la fin, pour les 8 pays de l’UEMOA, de l’obligation de centralisation de 50 % des réserves externes à la Banque de France, et le retrait des représentants français des organes de décisions et de gestion de l’UEMOA. Le taux de change fixe par rapport à l’euro et la convertibilité garantie en euros demeurent, afin de « conserver deux piliers clefs de la stabilité monétaire de la zone ». Le 5 mai dernier, une partie des réserves de change de l’Uemoa(soit 500 milliards a été restituée à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) et la suppression du terme « franc CFA » semble imminent pour l’adoption de « l’Eco » . Des « avancées » qui sont loin de convaincre les ressortissants de la zone Franc. 67.9 % des personnes interrogées pensent que la réforme n’en est pas réellement une. La raison ? Ils continuent de percevoir la mainmise de la France qui, dans l’ombre, tire les ficelles de cette réforme. Près de 71% pense que c’est la France qui a initié cette réforme et 92% pensent qu’au terme de celle-ci, la l’Elysée va se maintenir dans les instances de gouvernance de l’Umoa. A la question de savoir quelles sont les motivations de l’Elysée dans cette réforme ? 39% suspectent la France de vouloir simplement faire disparaître l’appellation coloniale controversée « franc CFA » tandis que 48% ont affirmé que l’Elysée voulait court-circuiter le projet Eco de la Cedeao.

Recommandation

Ces résultats démontrent la grande incompréhension qui gouverne la zone franc et appelle sans doute à des actions concrètes de souveraineté des peuples africains concernés. « A qui appartient la zone franc ? En validant majoritairement l’idée d’une sortie des Africains de la zone franc par rejet des mécanismes antiques qui les lient à la France, les répondants supposent que la zone franc est la propriété de la France et qu’il faut en sortir pour s’émanciper de cette servitude » s’interroge le think tank qui au terme du rapport formule des recommandations. A l’égard des citoyens africains en général, il demande d’accentuer la pression pour une meilleure réforme ; à la société civile de l’UMOA, de travailler main dans la main avec leurs pairs du Nigeria, du Ghana ou de la Sierra Léone…,  aux dirigeants de l’UMOA, le respect le chronogramme de lancement de l’ECO arrêté à Accra en juin 2021 et pour les chefs d’Etats de la Cemac, le think tank suggère une démarche plus transparente.

« Nous suggérons aux chefs d’Etat de l’UMAC une démarche plus transparente »

Maurice Simo Djom, Membre fondateur du think tank 1 Puissance 55

Membre fondateur du think tank 1 Puissance 55, coordonnateur de l’équipe-projet, il demande à l’UMAC de tirer les leçons de la réforme engagée au sein de l’UMOA.

Quelle a été la démarche de collecte de vos données ?

Nous avons publié le questionnaire sur Google Form et partagé le lien sur les réseaux sociaux, tout en assurant sa large diffusion dans des groupes constitués d’Africains francophones puisqu’ils sont les utilisateurs du franc CFA. C’était la première expérience en la matière. Il s’agissait de saisir l’opinion publique d’une manière systématique au sujet d’une question devenue populaire. Plusieurs discours sont produits au sujet du franc CFA, mais il n’y pas eu d’enquête pour saisir la subtilité de l’opinion publique.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

Nous avons eu peu de répondants. Les réponses récoltées ont également permis de comprendre le désintérêt manifesté pour la profondeur. C’est une époque de vitesse et de précipitation. Peu de gens prennent le temps de creuser pour comprendre dans le détail. Tenez, 97% des répondants ont fourni une réponse déclarative à la question de savoir si l’Accord de coopération monétaire et la convention de garantie mentionnent le mot «Éco». Ceci alors que seuls 12% déclarent avoir lu le premier et 5,5% le deuxième.

Qu’est-ce que cette étude nous apprend de fondamentalement nouveau à part que le franc CFA est rejeté par la jeunesse africaine ?

Nous savions que le franc CFA est rejeté, mais nous ne savions pas que ceux qui le rejettent ne prennent pas le temps de comprendre le mécanisme pour mieux le démonter. Les répondants ont exprimé des opinions fondées sur les pétitions de principe plutôt que sur une démarche personnelle de questionnement des faits et des discours officiels. A partir de là, nous craignons que le franc CFA perdure, non pas tant à cause de la volonté de la France de maintenir un système de rente, mais du fait de la mollesse des victimes de ce système de rente. Nous savions qu’une poignée d’Africains profitent de ce système de drainage des capitaux, nous apprenons que la grande majorité n’a pas encore commencé le travail de déconstruction du système. Cela va déterminer notre combat.

Le fait que les répondants n’aient pas lu les documents de la réforme mais émis des avis sur la réforme ne dilue-t-il pas votre travail ?

Loin de là. C’est volontairement que nous avons posé ces deux questions.  En leur demandant s’ils avaient lu les documents de la réforme, nous voulions éprouver les opinions qu’ils avaient émises par ailleurs. 94% des répondants n’ont pas lu les documents cadres de la réforme, or 91,9% pensent que la France ne se retire pas vraiment des instances de gouvernance de l’UMOA, au terme de ladite réforme.

Notre travail n’est donc pas dilué puisqu’il a révélé que les répondants sont certes paresseux, mais restent sincères et humbles. Ils ne sont pas de mauvaise foi, puisqu’ils reconnaissent n’avoir pas lu. D’ailleurs, 92,6% d’entre eux affirment que tout citoyen africain de la zone franc devrait lire ces documents qui sont en accès libre afin de se forger une opinion sur ce qui se passe. Tout cela nous permet de conclure que nous avons des chances de les gagner à cause de la souveraineté. Il suffit de faire le travail nécessaire. Voyez-vous, notre plaidoyer vise certes les chefs d’Etat actuels mais surtout la jeunesse qui a la lourde responsabilité de prendre la relève demain. Nous voulons que la prochaine génération mette un terme à cette servitude si celle-ci ne le fait pas.

Vous avez émis 4 recommandations finales, tantôt aux chefs d’Etat, tantôt à la société civile. Quelle est la recommandation la plus urgente ?

Toutes sont d’une importance capitale. Mais si voyez les choses sous l’angle de l’urgence, disons que celles qui visent les chefs d’Etat de l’UMAC et de l’UOMA sont urgentes ; elles s’inscrivent dans l’action immédiate.

Aux uns vous prescrivez la transparence…

Tout à fait. Depuis 2019, les chefs d’Etat de l’UMAC ont instruit la Commission de la CEMAC et la BEAC de mener des réflexions ouvertes sur le cadre et les conditions d’une nouvelle coopération monétaire avec la France. Nous leur demandons de confier la réforme à un spécialiste indépendant des questions monétaires, connu et reconnu pour ses faits d’arme, qui conduira des consultations et produira un rapport. Les parlementaires des six Etats membres de l’UMAC devront débattre des conclusions de ce rapport en session plénière et procéder à son vote avant son entrée en vigueur.

A qui pensez-vous ? Vous n’avez pas évoqué un nom dans le rapport.

Babissakana pourquoi pas ? Il a le profil de l’emploi. Nous avons eu plusieurs occasions d’apprécier la pertinence de ses idées de réforme. Sa lettre ouverte à François Hollande en 2015 et celle de 2021 adressée aux chefs de l’Etat de l’UMAC en mail 2021 contiennent la feuille de route d’une réforme équitable. 3 ans après l’instruction des chefs de l’Etat, nous ne savons toujours rien de ce qui se passe. Ce silence et ce manque de transparence suscite le doute. Ceux qui ont soutenu et défendu le système du CFA peuvent-ils mener des réflexions en vue de réformer ce système ? Telle est la question.

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