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Nagoum Yamassoum(Cosumaf) : « Notre nouvelle règlementation prend en compte les crypto-actifs et sera disponible cette année »

La forte propension des produits financiers digitaux dans la zone Cemac tels que les cryptomonnaies, inquiète la Commission de surveillance du marché financier d’Afrique centrale. Le régulateur du marché financier prévoit de rendre publique d’ici la fin de l’année une nouvelle règlementation qui encadre ces produits, jusqu’ici sources de multiples arnaques et ce malgré les mises en garde. Dans cette interview exclusive accordée à EcoMatin, L’Ambassadeur Nagoum Yamassoum, président de la Cosumaf, revient en détail sur les enjeux et défis liés à la régulation des actifs digitaux, tout en présentant quelques points forts de la nouvelle règlementation.

La 4e édition de la semaine internationale des investisseurs s’est tenue du 12 au 15 octobre dernier à Douala. Au cours de cette rencontre, l’ecosystème du marché financier de la Cemac a été touché du doigt par la plupart des acteurs présents. Quel est votre sentiment en tant qu’ organisateur de cette rencontre ?

Je pense que les participants seraient peut-être mieux placés pour exprimer ce sentiment-là. Je voudrais également insister sur le fait que c’était une co-organisation avec la Bvmac et les différents acteurs du marché avec qui nous avions tenu ces activités. Pour nous, l’essentiel est que l’événement ait eu lieu sans trop d’insuffisances et de manquements. Le public a sans doute pu constater des insuffisances, ne serait-ce que parce que beaucoup de thèmes n’ont pas pu être abordés et donc je suppose qu’il y’a des gens qui se sont sentis un peu frustrés. Mais cela a été compensé par des questions auxquelles nous nous sommes efforcés de répondre en synergie avec nos panélistes.

Au cours des échanges qui ont eu lieu durant cette semaine, le sujet de la cryptomonnaie a majoritairement dominé les débats. Comment la Cosumaf appréhende-t-elle l’arrivée de ces nouveaux produits financiers ?

Dès que la Cosumaf a été alertée sur l’apparition des activités liées à ces produits au sein de la Cemac, elle a tout de suite fait une mise en garde en direction d’abord des ressortissants du Cameroun puisque les premières apparitions de ces activités non réglementées étaient apparues au Cameroun. Nous avions même listé ces officines qui nous avaient été signalées ; ce qui nous avait valu des attaques en bloc sur les réseaux sociaux et dans la presse locale. Malgré cela, nous avons publié une deuxième mise en garde, destinée cette fois à toute la Cemac. On s’est dit que des officines peuvent être basées au Cameroun et commettre des méfaits dans la sous-région. Notre message consistait à prévenir les ressortissants de la Cemac sur le fait que ces acteurs-là ne sont pas autorisés à exercer, leurs activités ne sont pas régulées, et donc elles comportent de graves dangers pour ceux qui croient investir. L’une des entités que nous avons cité dans notre communiqué a fait l’objet d’une mise en garde en île Maurice aussi c’est la preuve qu’on n’est pas tout à fait en dehors de notre rôle.

On se met à jour avec l’avènement des cryptoactifs

Qu’est-ce que ces mises en garde là supposent pour le grand public? Que l’investissement sur crypto-actif est mauvais ?

Si on le fait c’est tout simplement parce que des gens se sont plaints. Laissez-moi vous dire qu’avant-hier le jour de l’ouverture de l’atelier, un groupe d’investisseurs est venu me voir pour se plaindre parce qu’ils auraient été escroqués. Quelqu’un normalement constitué ne peut pas vous promettre un rendement de 20 à 30% par semaine ; nos mises en garde c’est pour que les gens agissent en connaissance de cause et de façon précautionneuse. Des gens perdent des centaines de millions, on a des plaintes qui arrivent de partout. Notre rôle est de dire que ces activités-là sont illégales et dangereuses.

La nouvelle règlementation prend en compte les nouveaux métiers et appréhende les nouveaux produits

Malgré vos mises en garde, ces crypto actifs digitaux ont plutôt le vent en poupe dans le monde et même dans notre sous-région…

Nous en sommes conscients et c’est pourquoi depuis 2 ans, nous préparons une règlementation qui sera disponible d’ici la fin de l’année et qui va nous permettre de rattraper certains retards. Je dois reconnaître que nos textes datent d’une quinzaine d’années déjà et à l’époque, certaines de ces activités n’existaient pas.

Quelle est la ligne de démarcation de régulation de ces actifs entre la Cosumaf , la Cobac et dans une moindre mesure la Beac ?

La Cosumaf est l’organe de régulation du marché financier de la Cemac. Ses missions traditionnelles sont notamment, la protection de l’épargne, de l’investissement et des instruments financiers, la garantie du bon fonctionnement du marché et de l’information financière. On associe souvent à cela la mission de participer avec d’autres instances à la stabilité financière. Avec cette nouvelle réglementation, nos missions vont s’étendre à tout produit émis par appel public à l’épargne. Aujourd’hui, les propositions de souscription de l’actif digital se font par appel public à l’épargne. Nous sommes donc clairement interpellés. Mais il y’a une confusion que beaucoup font ; la Cosumaf n’est que le régulateur des crypto actifs non monétaires auxquels on peut associer des performances financières. Il y’a des actifs numériques qui ne sont pas monétaires et c’est à ceux-là que la Cosumaf s’attaque, lorsqu’ils le sont, il faudra voir avec la Cobac ou la Cobac. La ligne de démarcation est bien établie entre la Cobac, la Beac et nous.

La problématique des cryptoactifs était au cœur de la Semaine nationale de l’investisseur Cemac

Lors des séminaires certains d’entre eux ont participé et se sont exprimés…

Quand ils ont pris la parole on ne savait pas que c’était des gens qui étaient dans ce secteur. Il y en a qui ont demandé à participer mais nous avons refusé. Maintenant, nous allons mettre sur pied une règlementation qui va encadrer la circulation de ces actifs qu’ils disent vendre auprès du grand public. S’ils respectent les règles bien entendu, nous allons devoir travailler avec eux comme nous le faisions aujourd’hui avec les autres intermédiaires.

De quels moyens dispose la Cosumaf pour réguler la circulation de ces produits financiers digitaux?

Nos moyens se sont les textes. Nous faisons des mises en garde. Si c’est des acteurs qui sont agrées, on a des pouvoirs de sanctions, dans le cas contraire, on fera appel à la justice des Etats ; puisque nous n’avons pas de moyens de coercition à l’encontre des délinquants financiers.

Quel est le champ d’application de la nouvelle règlementation ?

La règlementation prend en compte les nouveaux métiers et appréhende les nouveaux produits. Des structures comme les agences de notation qui ne figuraient pas dans la nomenclature des structures agrées par la Cosumaf vont désormais l’être. Tous les nouveaux produits que nous jugeons compatibles avec l’écosystème communautaire vont être encadrés. Nous travaillons sur ce texte depuis plus de 2ans pour rendre ces structures et nouveaux produits sécurisés pour les investisseurs de la Cemac.

Un panel d’experts diversifié pour un public large

On insiste beaucoup sur les actifs digitaux pourtant les produits actuellement admis ne sont pas suffisamment vulgarisés auprès du grand public de la Cemac pour renforcer l’inclusion financière. Que fait la Cosumaf dans ce sens ?

Ce n’est pas notre rôle de vulgariser les produits financiers. C’est la discussion que nous avons souvent avec les intermédiaires c’est-à-dire les sociétés de bourses, les sociétés de gestion et les conseillers en investissements financiers, qui doivent être les relais entre ce que fait la Cosumaf et les investisseurs potentiels pour leur présenter les produits et les vendre. Nous ce que nous disons c’est que ces produits existent, s’ils sont réglementés, vous êtes rassurés qu’en cas de problème nous serons à vos côtés. Notre rôle n’est pas de faire la promotion, ce que nous faisons c’est faire connaître la disponibilité de ces produits sur ce marché de façon légale et encadré.

3 ans déjà que le marché financier sous régional a été unifié. Mais reste peu dynamique. Qu’est ce qui coince ?

C’est une bataille de tous les jours. Nous l’avons évoqué lors de nos échanges durant la semaine. Les Etats eux même se sont engagés au moment de l’unification à le renforcer en apportant une part de leurs participations dans les entreprises publiques ou parapubliques.3 des 6 Etats ont déjà désignés les sociétés à apporter à la bourse, nous attendons les 3 autres. Maintenant qu’on connaît les sociétés, il faut qu’on aille vers elles pour les aider à venir s’inscrire à la côte de la bourse.

Et pour ceux des Etats qui n’ont pas encore transmis les noms de ces entités ?

Nous faisons des rappels.

Juste cela ?

Nous ne pouvons pas faire autrement. Nous n’avons pas de moyens sur les Etats donc on leur rappelle juste leurs engagements.

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