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Redevances forestières et minières : le calvaire des communes de l’Est

Principaux bénéficiaires de ces taxes issues de l’exploitation de ces deux ressources naturelles sur leur territoire, les municipalités du soleil levant ont des difficultés à entrer en possession de leurs fonds. Pourtant ces deux recettes constituent la principale source de revenu pour les communes concernées.

Les communes de la région de l’Est, bénéficiaires de la redevance forestière et minière et qui ne misent que sur ces recettes pour le fonctionnement de leurs municipalités sont en train de vivre un véritable cauchemar. Pour ce qui est de la redevance forestière, depuis plusieurs mois les communes bénéficiaires sont dans l’impossibilité d’entrer en possession de ces revenus au niveau de la trésorerie de Bertoua, chef-lieu de la région de l’Est. « Nous avons des documents qui démontrent que les sociétés qui exploitent les unités forestières d’aménagement (UFA) et les ventes de coupe sur notre territoire communal ont régulièrement payé leur redevance forestière auprès de la direction générale des grandes entreprises (DGE) à Yaoundé. Les documents en notre possession prouvent que notre commune a normalement bénéficié de plus de 100 millions de Fcfa de la Rfa depuis cette année mais lorsque j’émets un ordre de paiement même de 10 millions de Fcfa, la trésorerie de Bertoua est incapable de me payer », regrette un maire du département de la Boumba-et-Ngoko, rencontré à l’entrée de l’hôtel des Finances de Bertoua. Même son de cloche du côté de son collègue du département du Haut-Nyong qui affirme ne plus se rendre régulièrement dans son bureau par peur d’être agressé par les agents communaux qui réclament leurs salaires et qui n’ont pas encore inscrit leurs enfants à l’école en ce début d’année scolaire 2021-2022. En effet, pour compenser les dégâts liés à l’exploitation forestière, l’Etat a institué à travers la loi du 20 janvier 1994, une taxe dénommée redevance forestière annuelle, payée par tout détenteur d’un titre d’exploitation forestière (Ufa, ou vente de coupe). Jusqu’en 2014, cette taxe était répartie entre l’Etat (50%), les communes (40%) et les communautés locales riveraines (10%). Sur les 33 communes de la région de l’Est, au moins 15 sont des communes forestières qui ont pour unique recette, la redevance forestière annuelle (RFA).

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De l’autre côté, la redevance minière est une taxe payée également par les exploitants des ressources minières aux communes et communautés riveraines. Le législateur a prévu une quote-part dans la répartition des retombées de l’ordre de 25%. Malheureusement, les communes minières se plaignent du fait qu’elles ne perçoivent rien de l’exploitation minière. Pourtant, selon le Code minier, un pourcentage de la quantité d’or extrait dans chaque site minier est prélevé en nature au profit des communes et populations riveraines et centralisé au ministère des Finances. Cette tâche était exécutée par l’ancien CAPAM et aujourd’hui, par la Sonamines (Société nationales des Mines). Mais sur le terrain, aucune commune n’a encore perçu cette redevance. « La commune de Ngoura ne perçoit rien. Plusieurs requêtes ont été adressées au ministre des Finances sans suite », déplore Michel Mada, maire de Ngoura. Comme lui, Nicolas Baba, maire de la commune de Bétaré-Oya qui abrite les plus anciens sites d’exploitation minière, lors d’une séance de travail avec la Sonamines, le 27 juillet 2021 évoque la même situation. « Aujourd’hui, il n’y a que les terres dévastées et trous béants devant nous, un véritable piège. Tout Bétré-Oya a les yeux tournés vers vous parce que vous avez l’obligation des résultats », a-t-il indiqué au Dg de la Sonamines. Même cri de cœur lancé par le représentant du maire de Kétté lors d’une rencontre similaire la veille à Batouri après une visite des chantiers à Kambélé par une mission de la Sonamines.

Offensive

Pour mieux défendre leurs intérêts, les maires ont envisagé la mise sur pied des coopératives minières. Ils ne veulent plus être des simples spectateurs de l’intense activité d’exploitation minière qui se déroule dans leur région. « Nous voudrions que les choses soient clarifiées, nous voulons avoir des clarifications sur la taxe ad valorem, ou encore sur le thème, communauté riveraine ». Ils ont pris cette décision à l’issue d’une rencontre tenue à Batouri, chef-lieu du département de la Kadey, il y a quelques années. La rencontre portait sur la valorisation du nouveau code minier sous le thème « les collectivités territoriales décentralisées de la région de l’Est face aux enjeux d’un développement durable du secteur minier ». D’après cette nouvelle loi promulguée le 14 décembre 2016 par le président de la République, les choses ne se passeront plus comme avant. Les collectivités territoriales décentralisées vont pouvoir tirer le meilleur parti de ressources naturelles dans chacune de leur localité. Que ce soit de l’or, du diamant, du fer, du sable ou du manganèse.

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« Les Communes ont longtemps souffert du déficit de communication en la matière. Il était temps que nous prenions le destin des municipalités en main pour demander au gouvernement de revoir un certain nombre de choses. Les maires que nous sommes n’étions impliqués nulle part, mais c’est à nous qu’on demande des comptes…», avait déclaré Me Olivier Cromwell Bembell D’Ipack, maire de Bertoua 1er et président régional des Cvuc. A titre de rappel et selon les sources de la direction des Mines « cela fait plus de 80 ans que l’exploitation de l’or a commencé à l’Est. Mais cette mine solide, exploitée de façon artisanale, est canalisée tout simplement dans les circuits informels. Conséquences, avec moins de 1%, de contribution au budget d’investissement public (Bip) selon le ministère des Mines, cette activité ne rapporte presque rien ni à l’Etat ni aux populations et communautés locales. Sans compter les conséquences néfastes sur l’environnement, la scolarisation des enfants et l’insécurité ».

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L’unicité de caisse, un couteau à double tranchant

Si les communes riveraines de l’exploitation des ressources naturelles sur leur territoire ne parviennent pas à entrer en possession des redevances qui leur reviennent, c’est à cause du système de l’unicité de caisse. Cette méthode de collecte et de redistribution des recettes instaurée par l’Etat pour un développement harmonieux peut aussi créer des tensions de trésorerie et engendrer la paralysie dans certaines collectivités décentralisées. « Le principe de l’unicité des caisses du trésor nous renvoie à l’image d’un un entonnoir qui accueille un liquide par son haut très ouvert mais le canalise dans des récipients à travers son côté bas très réduit », explique un inspecteur principal des impôts. Pour cet expert en finance publique, l’unicité de caisse de l’Etat à travers la centralisation de fonds publics favorise une bonne prévision de recettes et de dépenses publiques. Cette dernière peut conduire à une meilleure gestion de la trésorerie de l’Etat, lorsqu’il existe, au préalable, un système de paiement qui est, non seulement, efficace mais surtout efficient. Selon des sources du ministère des Finances, jusqu’en 2005, le trésor public camerounais disposait de plus de huit cent comptes répartis dans les banques secondaires et la BEAC. Cette diversité des comptes publics ne facilitait pas une meilleure gestion de la trésorerie de l’Etat et constituait également une violation de la règle de l’unicité de caisse.

Depuis plusieurs années , le principe de l’unicité de caisse est appliqué au Cameroun. « Il permet à ce que toutes les recettes soient centralisées à la trésorerie générale avant d’être transférées dans les trésoreries au niveau des régions. 

Il permet aussi à la redistribution équitable des recettes en tenant compte bien sûr des pourcentages à reverser aux localités où ces recettes sont produites. Si non, des localités comme l’Extrême Nord n’auront rien dans leur trésors alors que l’Est qui produit le bois et les mines ainsi que le Sud-Ouest qui produit le pétrole vont tout prendre et il n’aura pas un développement équilibré », affirme notre expert qui précise également que le principe de l’unicité de caisse suppose que « tout détenteur d’un bon du trésor peut se faire payer à n’importe quelle trésorerie du pays ». Seulement, la réalité sur le terrain est toute autre chose. « C’est pratiquement impossible à un maire de l’Est de se faire payer à la trésorerie de Yaoundé alors que nos recettes de la forêt sont logées là-bas », affirme un magistrat municipal. Pour Dikor Ulrich, administrateur de développement et coordonnateur du Creadev, une Ong chargée d’appuyer le développement local, « le décalage entre la Rfa et le niveau du développement local est dû au flou et lourdeurs qui prévalent dans les circuits de la chaîne de reversement, la pratique de l’unicité de caisse de recettes municipales ne permet pas de retracer et de sécuriser la RFA jusqu’à la maturation pour exécution des financements de projets. Le fait que son paiement par les entreprises forestières se fasse à la direction générale des grandes entreprises (DGE) ne permet pas son meilleur retour aux véritables destinataires ».

Martin Foula

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