Affaire Leubou et Cie : les avocats des accusés plaident pour le remboursement des avances de solde
Les requérants motivent leur démarche en ce que la décision du Tcs permettra à l’Etat de soulager ses problèmes de tension de trésorerie. En face, le Ministère public s’oppose, estimant que la mesure sollicitée n’aura aucune incidence sur le déroulement de la procédure en cours de jugement.
Les avocats de la défense font bloc. Ils s’érigent contre la dilapidation de la fortune publique. C’est ainsi qu’à l’audience du 20 août 2020, le Conseil d’Emmanuel Leubou décide de rompre le silence. Contre toute attente, il soumet une requête verbale à l’attention du Tribunal. Ceci, à l’effet « d’obtenir que le Tribunal ordonne le repositionnement de tous les crédits des avances de solde dont on connaît les bénéficiaires, (parmi lesquels figurent certains de vos collègues) et dont le remboursement a été annulés. » Son collègue, Me Tchudje Christophe renchérit : « Il est absurde de continuer de donner chaque mois, de l’argent à des personnes qui doivent déjà de l’argent à l’Etat, et qui continuent de percevoir de l’argent. » Pour s’en convaincre, le défenseur de l’accusé Lefang Célestine Nkeng martèle : « Vous avez la liste et les matricules de ces personnes. Des personnes parfois insoupçonnées. Certains sont même dans cette salle. »
Dans le même ordre d’idées, Me Francis Choupo fait valoir l’opportunité de la demande introduite par son collègue. Il l’a justifié dans la mesure où, le témoin de l’accusation, monsieur Biteck a affirmé ici plusieurs fois « qu’il suffisait que votre Tribunal leur donne l’autorisation à eux fonctionnaires encore en activité, pour qu’ils procèdent au repositionnement. » L’Avocat de l’accusé Amadou Haman attire l’attention du Tribunal sur la nécessité de prendre cette mesure dans les temps requis. A cet effet, il dénonce les lenteurs judiciaires. Des lenteurs préjudiciables au recouvrement par l’Etat, des fonds dont il a été frauduleusement dépouillé : « Malgré les efforts que vous fournissez pour voir ce procès connaitre un dénouement dans des délais raisonnables, nous sommes déjà à deux ans de procédures et n’avons même pas achevé avec l’audition des témoins de l’accusation. Or, entre-temps, certains bénéficiaires de ces avances de soldes peuvent décéder. » Hormis les lenteurs judiciaires, Me Choupo se veut craintif sur l’incapacité de certains fonctionnaires à pouvoir rembourser l’argent de l’Etat, si ces derniers venaient à cesser leur activité auprès de leur employeur: « D’autres (fonctionnaires, Ndlr) qui sont encore en activité vont aller à la retraite et n’auront plus les mêmes revenus. » Dès lors, Me Choupo plaide, qu’il plaise, en attendant que ce procès se termine, « d’ordonner cette mesure d’instruction. La loi vous donnant la possibilité de la faire. » Son collègue, Me Tchudje ne manque pas de préciser que la demande effectuée « n’empêchera pas de s’intéresser aux mécanismes qui ont abouti à la spoliation de l’argent de l’Etat. »
Un aveu de culpabilité ?
Après avoir écouté ses contradicteurs, le Ministère public prend la parole. L’Avocat général y voit à travers cette requête de la partie défenderesse, un aveu de culpabilité. Il note que les accusés viennent d’user des dispositions de l’article 369 du Code de procédure pénal. Lequel dispose : « le prévenu qui a plaidé non coupable peut, à tout moment du procès, changer d’avis et plaider coupable, auquel cas, le Tribunal procède conformément aux dispositions des articles 361 (1) et 362. » De l’avis du Parquet général, « On ne peut pas appeler cela autrement que le plaider coupable. » Et de s’interroger : « En quoi le repositionnement va influencer les faits en jugement dans cette procédure ?» Sur la forme, le représentant du Ministère public dénie aux Avocats des accusés, la qualité à pouvoir défendre une telle requête.
L’Etat, représenté en tant que partie civile au procès par Me Atangana Ayissi sollicite du temps :« Nous ne pouvons pas prendre la parole sans avoir recueilli l’avis de notre client, l’Etat du Cameroun. Pour cela, nous sollicitons un renvoi. » Me Kangue et Honoré Mbang s’associent à la posture adoptée par leur collègue, Me Atangana Ayissi.
La demande formulée par les Avocats de la défense a lieu au terme de l’interrogatoire du témoin du Ministère public, monsieur Biteck. Cette demande est liée aux avances de soldes et de pensions, indûment attribuées à des agents de l’Etat. Ces derniers vont procéder par la suite aux remboursements. Des remboursements qui seront annulés, privant ainsi l’État de ses ressources financières.
René Ombala