Forêts communautaires : Mbitom, bastion de l’exploitation illégale à l’Est
Une centaine de billes de bois a été saisie dans cette localité du département du Lom-et-Djerem où les exploitants véreux se cachent derrière les forêts communautaires pour piller les essences. Pour preuve, sur 85 forêts communautaires créées autour du barrage hydroélectrique de Lom-Pangar entre 2015-2020, plus de 67 ne fonctionnent pas d’après un constat de la délégation départementale des Forêts et de la faune, alors que le bois ne fait que sortir. Les observateurs indépendants soupçonnent les prédateurs de se servir de leurs titres forestiers pour blanchir les lettres de voitures afin d’enlever le bois coupé illégalement. De l’autre côté, le projet de création d’une UFA fans la zone divise les populations de cette localité.
Depuis plusieurs mois, l’esplanade de la délégation régionale des Forêts et de la faune à Bertoua est envahie par une centaine de billes de bois. Sur son origine, Ombolo Tassi Engels Eding, délégué départemental du Lom-et-Djerem qui a supervisé les opérations de saisie affirme que « ces bois proviennent pour la plupart de l’exploitation illégale dans la localité de Mbitom. Et ils ne constituent qu’une partie des bois saisis. Une autre importante quantité se trouve au parc à bois du poste de contrôle forestier et de chasse de ladite localité ». En ce qui concerne la quantité exacte, le délégué départemental précise que « sur la cours, nous avons environ une centaine de billes de bois qui ont donné lieux à des procès-verbaux de constatation d’infractions contre divers acteurs qui n’ont pas de titres d’exploitation forestière ». Par ailleurs, indique-t-il, « ces bois saisis ces quatre derniers mois ont fait l’objet des cautionnements de l’ordre de 9.125.000F. Les dommages et intérêts que réclame l’Etat s’élèvent quant à lui à la somme de 559.880.490 F ». En plus, apprend-t-on, les bois débités et saisis au cours des différentes opérations dans la même localité ont été vendus aux enchères publiques à hauteur de 8.140.535 F. En dehors du bois, il y a aussi eu des saisies de matériel dont un bulldozer dans la localité de Mbitom, des tronçonneuses, des batteries et filtres à gas-oil d’engins. Pour les responsables locaux du ministère des Forêts et de la faune, « à travers ces opérations de saisies nous asseyons de faire reculer au maximum le phénomène d’exploitation illégale des forêts dans la zone. Mais on ne se contente pas de ces saisies de bois puisque notre souhait c’est que cela s’arrête ».
Forêts communautaires fictives
Selon les sources officielles et les populations locales, le canton Mbitom, situé dans l’arrondissement de Bétaré-Oya est reconnu comme le plus grand foyer d’exploitation forestière illégale dans la région de l’Est. « Dans cette localité, les prédateurs forestiers ont trouvé un stratagème pour prélever le bois coupé illégalement. Pour réussir leur plan machiavélique, ils ont sponsorisé la création de plusieurs forêts communautaires qui ne fonctionnent réellement pas. C’est ainsi qu’ils utilisent les lettres de voiture de ces forêts pour évacuer le bois coupé frauduleusement en violation totale des dispositions de la loi forestière de 1994 », affirme vigoureusement un observateur indépendant des forêts dans la région de l’Est. Une thèse qui se rapproche de la réalité au vue de la situation réelle des forêts communautaires dans le département du Lom-et-Djerem. En effet, selon un état des lieux établi par la délégation départementale des Forêts et de la faune dont EcoMatin a pris connaissance, le Lom-et-Djerem qui s’étant sur plus de 26 000 km2 compte 85 forêts communautaires pour une superficie totale d’environ 376 557 hectares. De ce nombre, seulement 18 étaient en activité en 2020. En attendant la mise à jour de la situation des forêts communautaires de 2021, la tendance ce que moins de ces forêts sont fonctionnelles. Nos recherches ont permis d’établir que, 10 de ces forêts crées il y a moins de deux ans sont encore en convention provisoire.
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De l’autre côté, le nombre insignifiant et décroissant au fil des années des forêts communautaires en activité est lié au fait que, la plupart d’entre elle, soit 57 ayant une convention provisoire révolues n’exercent plus à cause de l’épuisement de la ressource ligneuse pour certaines ou de l’absence d’un plan simple de gestion, qui est une condition sine-qua-none pour la relance des activités pour d’autres. Par ailleurs, une quarantaine de ces forêts ont été créées entre 2015 et 2020, autour du barrage hydroélectrique de Lom-Pangar dans les localités de Mbitom (23), Bétaré-Oya (8) et à Deng-Deng (9). A la faveur de la mise en eau dudit barrage en 2015, 18 d’entre elles, situées dans la retenue du barrage ont été ennoyées et ont par conséquent fait l’objet de coupes de sauvetage dans leurs zones d’ennoiement respectives. Les 22 forêts restantes, situées hors de la retenue n’ont jamais été exploitées parce qu’elles n’obéissent qu’à un mode d’exploitation classique à savoir en débités qui n’intéressent pas les partenaires, technico-financiers qui préfinancent les opérations d’exploitation. Curieusement, pour satisfaire les commandes des acheteurs notamment ceux qui commandent les bois rouges (pachyloba, iroko, tali, padouk), les exploitants véreux préfèrent extirper frauduleusement les bois en grumes dans les forêts communautaires de Mbitom qui officiellement ne sont pas en activité.
Martin Foula