Secteur public : 18 directeurs généraux hors la loi
Les lois du 12 juillet 2017 sur les établissements publics et les entreprises publiques fixent de manière stricte la durée du mandat des dirigeants des entités publiques. Quatre ans après, certains établissements publics et entreprises publiques ne se sont pas encore conformés au nouveau cadre règlementaire.
Camille Moute à Bidias, 31 ans; Adolphe Moudiki, 28 ans; Bernadette Mbarga, 21 ans; Marie claire Nnana, 19 ans; Yao Aïssatou, 18 ans. Voilà le Top 5 des directeurs généraux qui affichent la plus grande longévité à la tête d’une entreprise publique ou d’un établissement public au Cameroun. En effet, c’est en 1990 que Camille Moute à Bidias a été porté à la tête du Fonds national de l’emploi (FNE); Adolphe Moudiki y est à la Société nationale des hydrocarbures (SNH) depuis 1993; Bernadette Mbarga est arrivé au Bureau central des recensements et des études de populations (Bucrep) en 2000 alors que Marie claire Nnana est à la Société de presse et d’édition du Cameroun (Sopecam) depuis 2002 et Yao Aïssatou, à la Société nationale d’investissements (SNI) depuis 2003.
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Dans l’étude : “Réforme des entités publiques : quel bilan quatre ans après ?” publiée le 12 juillet 2021, le Pr Viviane Ondoua Biwole, enseignant chercheure et experte en gouvernance publique, recense 18 entités publiques dont les directeurs généraux ont des mandats cumulés supérieurs à neuf ans. Il s’agit du FNE (31 ans), la SNH (28 ans), le Bucrep (21 ans), la Sopecam (19 ans), la SNI (18 ans), le Feicom (16 ans), l’Antic (15 ans), l’INS (15 ans), l’Onnc (14 ans), la Cnps (13 ans), Alucam (12 ans), les ADC (12 ans), l’API (12 ans), l’Anafar (11 ans), l’Anor (11 ans), l’Ispm, (11 ans), Kpdc (10 ans), l’Irad (10 ans).
En outre, il y a six entités dont la durée des mandats est égale à 09 ans et dont les mandats arrivent à terme au cours de l’année 2021. Il s’agit de : l’Armp ; la CDC ; le CFC ; Mekin Hydroelectric Development corporation ; la Magzi et Maetur. Une telle durée à la d’une entité publique est, à coup sûr, le signe de la confiance dont ces dirigeants bénéficient de la part du président de la République. Le hic, c’est que le maintien de ces gestionnaires à leur poste se fait en totale violation de la loi.
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Les lois du 12 juillet 2017 sur les établissements publics et les entreprises publiques fixent de manière stricte la durée du mandat des dirigeants ces entités publiques soit 3 ans renouvelable deux fois pour le directeur général. Selon l’article 70 alinéa 3 de la loi de 2017 sur les entreprises publiques, “les mandats cumulés du directeur général (DG) ou du directeur général adjoint (DGA) ne peuvent excéder neuf ans.” Plus grave, l’alinéa 4 stipule que “les actes pris par le directeur général ou le directeur général adjoint au-delà de la durée prévue à l’alinéa 3 ci-dessus, sont nuls et de nul effet.”
Pour le Pr Viviane Ondoua Biwole, enseignant chercheure et experte en gouvernance publique “ce changement implique que les dirigeants dont les mandats cumulés étaient de 9 ans au moins avant les lois de 2017 doivent être immédiatement remplacés et la durée de ceux dont les mandats sont en cours est comptée comme faisant partie du cumul des 9 ans, prescrit par les lois. Désormais les directeurs généraux atteints par la limitation de mandat courent le risque de voir leurs actes de gestion frappés de nullité en cas de violation du mandat.”
Le maintien des dirigeants à la tête des entités publiques bien au-delà de la durée normale de leur mandat n’est pas sans conséquences sur l’orientation marchande des entités publiques dont la contribution au budget de l’État est désormais un impératif. A date, l’objectif d’économies de coûts (établissements publics) et de contribution au budget de l’État (pour les entreprises publiques) n’est toujours pas atteint.