Investiture : les priorités du nouveau septennat de Paul Biya
Le Cameroun vient de s’engager pour un nouveau septennat dit de « grandes opportunités ». La prestation de serment de Paul Biya le 6 novembre dernier inaugure en effet son nouveau bail de 7 ans à la tête de l’Etat du Cameroun. Dans son discours d’investiture, le président élu a évoqué l’opportunité de développer les secteurs de notre économie qui pourront réduire sensiblement nos importations de biens et services. « Cette politique présentera l’avantage de nous permettre de rééquilibrer notre balance commerciale chroniquement déficitaire », a indiqué Paul Biya. Pour ce dernier, l’objectif de l’émergence doit être érigé en grande cause nationale qui mobilise tous les citoyens.
L’industrie pour relancer la croissance
Parmi les grandes lignes du programme économique pour ce septennat des « grandes opportunités », figure en bonne place l’industrialisation. « Une économie moderne ne saurait se concevoir sans l’existence d’un secteur industriel performant », a reconnu Paul Biya dans son discours d’investiture. Le développement industriel apparait donc comme le principal facteur de relance de la croissance économique, de création d’emplois particulièrement pour les jeunes et par conséquent d’amélioration du pouvoir d’achat. Et le cadre qui devra guider les actions du gouvernement reste le plan directeur d’industrialisation qui définit les contours et le contenu d’un projet d’envergure. « Sa réalisation sera une des tâches prioritaires du septennat », indique le chef de l’Etat. Ce qui n’est pas gagné d’avance, au regard du fossé entre les objectifs et l’état des lieux actuel du secteur. En effet, le plan directeur d’industrialisation intitulé « le Cameroun, usine de la nouvelle Afrique industrielle » stipule que pour atteindre le statut de Nouveau pays industrialisé et de pays émergent, le Cameroun doit pouvoir transformer plus de 40% de ses matières premières et le secteur industriel devait contribuer à au moins 24% au PIB.
Or, l’économie camerounaise est depuis les années 90 marquée par une diminution structurelle du poids en volume du secteur secondaire dans l’économie au profit du tertiaire et par un secteur primaire quasi stable. Si le pays est doté d’importantes ressources agricoles, forestières, minières et touristiques qui font de lui la première puissance économique de la sous-région d’Afrique centrale, le taux de transformation de ses matières premières reste très faible. La contribution du secteur secondaire est de l’ordre de 28% dont 5,3% pour le pétrole. Les exportations manufacturières sont peu développées, et représentent moins de 10% de l’ensemble des exportations. Il est donc urgent de rompre avec ce décrochage industriel et de s’arrimer à la nouvelle donne stratégique mondiale à travers le plan directeur d’industrialisation. Sept plans de développement agroindustriel sont ciblés dans ledit plan. Les six premiers (coton, cacao-café, huile de palme, sucre, caoutchouc et riz) visent la réalisation des technopoles aux fins de l’atteinte des objectifs majeurs agroindustriels. Le septième plan vise l’accompagnement pour désenclaver les grands bassins de production agricole, d’abord l’Est et le Sud, puis septentrion, avec pour objectif de desservir les grandes zones frontalières.
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Agriculture : l’urgence de la transformation
Pour les sept prochaines années, le président s’est engagé à révolutionner l’agriculture. « Nous allons réaliser une véritable « révolution agricole » en modernisant nos moyens de production et en transformant davantage nos produits agricoles. Cela devrait aller de pair avec la mise à disposition de nouveaux équipements, magasins de stockage et route d’accès », a martelé Paul Biya. Il convient de dire que la politique agricole jusque-là basée sur les petites exploitations familiales a montré ses limites, à cause des équipements rudimentaires, une faible transformation et le manque de voies de communication pour acheminer les produits vers les marchés. L’agriculture de seconde génération tant vantée par les autorités tarde à se mettre en place. La conséquence étant la difficulté pour le Cameroun à maintenir son autosuffisance alimentaire sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, le statut de grenier de l’Afrique centrale semble de plus en plus difficile à assumer, puisque le pays importe désormais certains produits tels que l’huile de palme du Gabon.
L’une des pistes de solution consiste donc à moderniser l’appareil de production et mettre l’accent sur la transformation. Il faudra donc permettre aux producteurs de s’approprier les nouveaux équipements à l’instar des tracteurs fabriqués depuis quelques années à Ebolawa mais difficilement accessibles, à cause du manque de moyen ou de formation. Les programmes existants tels que Acefa (Amélioration de la compétitivité des exploitations familiales agropastorales) et Agropoles dans les ministères sectoriels devraient intensifier la formation et l’accompagnement des entrepreneurs agricoles afin de développer des unités de transformation et de maîtrise des chaînes de valeur pour des produits tels que le cacao. Tout ceci n’est possible que grâce à un bon mécanisme de financement. La banque agricole créée il y a quelques années avec un crédit de départ de 10 milliards FCFA tarde pourtant à sortir des terres et jouer pleinement ce rôle.
L’on ne pourra tirer profit du développement agricole sans les routes pour acheminer les produits. Il est donc urgent de développer les infrastructures routières qui font cruellement défaut. Ceci permettrait de relier les grands centres de production aux marchés et à la sous-région et conforter ainsi le statut de grenier de l’Afrique centrale.
Encore de l’énergie à fournir
Le développement de l’industrie et de l’agriculture exige un apport d’énergie stable et suffisant. Des efforts importants ont été entrepris dans ce secteur ces derniers temps. « Les barrages et les centrales que nous avons construits devraient nous permettre, à plus ou moins brève échéance, de répondre pleinement aux exigences de notre économie et aux préoccupations de nos populations », a relevé Paul Biya le 6 novembre dernier. Deux jours plus tard, le Cameroun représenté par le ministre des Finances a conclu la signature des « accords engageants et définitifs » du projet d’aménagement hydroélectrique de Nachtigal avec EDF et la société financière internationale du groupe de la Banque Mondiale. Le cout global du projet s’élève à 1,2 milliards d’euro, soit environ 786 milliards FCFA. Le projet hydroélectrique de Nachtigal (420 MW) comprend aussi la construction d’une ligne de transport d’électricité de 50 km jusqu’à Nyom. Selon les experts, il permettra d’augmenter les capacités de production d’électricité du Cameroun de 30%.
Ce projet vient ainsi s’ajouter aux investissements consentis dans d’autres barrages hydroélectriques depuis quelques années. A l’instar des centrales de Lom Pangar, Yassa et Kribi qui alimentent déjà le réseau électrique. La centrale thermique de Yassa mise en marche en décembre 2009 fournit 86 MW. L’achèvement et la mise en eau du barrage de Lom Pangar à l’automne 2015 a augmenté la capacité installée de 120 MW et le potentiel de développement de nouvelles centrales électriques sur le fleuve Sanaga de 40%, selon la Banque Mondiale. Une centrale à pied devra produire 30 MW supplémentaires. La centrale à gaz de Kribi entrée en production au mois de mai 2013 nécessite des travaux d’extension. La puissance de cette infrastructure d’une capacité de 216 MW devrait être portée à 330 MW.
Malgré tous ces efforts beaucoup reste à faire. Le programme du sous-secteur énergétique prévoit de porter la capacité de production à 3 000 MW à l’horizon 2020. Alors que la capacité installée à ce jour est de 1200 MW, pour une demande qui évolue annuellement entre 6 et 8%, selon les statistiques officielles. Les centrales telles que Song Mbengue encore en recherche de financement. Partiellement réceptionné le 8 février dernier, le barrage de Memve’ele, d’une capacité de 211 MW, n’injecte pas encore sa production dans le réseau électrique national. En effet, la construction de la ligne de transport d’électricité longue de 300 km qui va relier Memve’ele à Yaoundé en passant par Ebolawa n’est pas totalement achevée. L’ambition des autorités exprimée par le chef de l’Etat est de faire du Cameroun un grand producteur d’électricité dans le continent. A côté de l’énergie hydroélectrique, le solaire constitue une source encore sous-exploitée au Cameroun. Et l’engagement a été pris de doter les zones rurales progressivement de centrales solaires.