Harcèlement sexuel, licenciements abusifs : les dossiers qui entachent la gestion de Frédric Debord, DG de Orange Cameroun
Le patron de cette compagnie de téléphonie mobile a été assigné en justice, au même titre que la structure qu’il dirige, pour licenciement abusif d’une ancienne cadre de la maison, au motif de détournement d’une modique somme de 9554 FCFA. Dans le cadre de cette affaire, il est accusé de « dénonciation calomnieuse, de diffamation et entrave à la liberté de travail ». Aussi, M. Debord est englué dans des affaires de mœurs, notamment des faits de harcèlement sexuel passés sous silence ces dernières années, et qui ont considérablement contribué à détériorer le climat social au sein l’entreprise durant son magistère.
Le lundi 28 juin 2021, au Tribunal de première instance de Douala-Ndokoti, statuant en matière correctionnelle, parmi la panoplie d’affaires inscrites au rôle, il y en a une qui captive l’attention du reporter d’EcoMatin. Celle-ci se rapporte à une citation directe d’une ancienne cadre de l’entreprise Orange Cameroun contre la structure et son Directeur général Frédéric Debord pour licenciement abusif. L’affaire est appelée pour la première fois devant la cour. Mais ce jour-là, seul l’avocat de la partie civile est présent. Les prévenus, Orange Cameroun et le sieur Frédéric Debord entre autres, ne se sont guère présentés à l’audience, et n’ont pas daigné se faire représenter. Pour ces raisons, l’affaire est renvoyée au 26 juillet 2021. Dès lors, EcoMatin a entrepris d’investiguer autour de cette affaire qui engage tout de même la responsabilité de cette grosse entreprise cotée en bourse pour essayer d’en avoir les tenants et les aboutissants.
Détournement de 9.554 FCFA
Dans une copie de la citation directe dont EcoMatin a pu se procurer, il apparaît qu’il s’agit en effet d’une rupture de contrat entre la nommée Marie Agathe Sidonie Ngo Mbong, épouse Njock, alors Senior manager chargé des Relations avec les Institutions, et son employeur Orange Cameroun, par les soins de son directeur général Frédéric Pierre Maurice Debord, pour un détournement présumé d’une somme d’environ 10.000 FCFA. « La requérante dénonce par les présentes, les agissements de la société Orange Cameroun S.A. et ses représentants légaux qui, usant de manœuvres frauduleuses, sont parvenus à rompre les relations contractuelles de travail qui la liait à la société Orange Cameroun S.A., sous le fallacieux motif qu’elle aurait détourné la somme de 9.554 FCFA ‘neuf mille cinq cent cinquante-quatre Francs CFA) », lit-on dans ce document datant du 4 juin 2021.
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En effet, Marie Agathe Njock a été notifiée le 17 mai dernier de sa lettre de licenciement datée du 30 avril 2021 et signée du Dg d’Orange Cameroun, dans laquelle celui-ci évoque, outre le détournement présumé susmentionné, une incompatibilité d’humeur, arguant que son comportement ne sied pas au code éthique prôné au sein de l’entreprise.
Transaction « piège » ?
Les faits remontent au 8 mars 2021. Le compte Orange Money de Marie Agathe Njock est provisionné d’un montant de 264.500 FCFA par l’agence Orange de Bafoussam, vraisemblablement pour couvrir les dépenses courantes du mois de mars 2021, alors que cette prérogative ne lui est pas prioritairement dévolue, ce d’autant plus qu’elle n’a jamais eu à tenir la caisse de la société. C’est du moins ce qu’elle reçoit comme réponse des services compétents de l’entreprise. Visiblement pas convaincue par cette réponse, elle décide de rembourser l’intégralité de cette somme, flairant sans doute des desseins inavoués derrière cette transaction. Le 12 avril 2021, elle se voit servir une demande d’explication du directeur général, dans laquelle celui-ci exige des explications sur les dépenses de la somme de 9554F, qu’elle aurait utilisée pour des achats « personnels » de produits ménagers (Ariel, lessive et soupline), et deux tickets de restaurant menu enfant. Corroborant ainsi les accusations portées contre sa personne deux jours avant par la Directrice des Ressources Humaines de cette entreprise, Fleurine Grâce Ernestine Yombo.
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Marie Agathe Njock répond à sa demande d’explications le 22 avril 2021 et dans la foulée, est reçue le même jour au siège de l’entreprise à Douala par M. Debord, lequel l’informe de son licenciement, arguant que « quand on occupe un aussi grand poste de responsabilité, il faut savoir éviter les pièges », rapporte la citation directe. Au demeurant, les conseils de la requérante croient savoir que « Les comportements des responsables de la société Orange Cameroun S.A. sont constitutifs des infractions de dénonciation calomnieuse, diffamation et entrave à la liberté du travail ». Des griefs qui sont apparus aussi bien dans les agissements de Frédéric Debord que de Grâce Ernestine Yombo, laquelle s’est rendue coupable de dénonciation calomnieuse. Pour ce faire, la plaignante réclame dans le cadre de cette procédure, que des dommages et intérêts lui soient payés en réparation du préjudice subi, et dont le montant sera fixé à la barre.
Accusations de harcèlement sexuel
Le 10 mai dernier, EcoMatin est saisi d’un cas de harcèlement sexuel et moral au sein de cette même compagnie. Dans une des correspondances transmises dans le dossier parvenu à notre rédaction, on peut lire des révélations compromettantes de Madame Evelyne Enguelé, ancienne Directrice des Ressources Humaines, adressée au Directeur général d’Orange Middle East and Africa, avec copie au siège d’Orange basé en France. Ladite correspondance met en lumière les indicateurs de la dégradation des rapports entre la DRH et le DG de Orange Cameroun. Madame Evelyne Enguelé décrit dans sa correspondance une panoplie de mesures de rétorsion et un ensemble de brimades qui lui sont infligées par Fréderic Debord, contribuant à accréditer la thèse d’un acharnement et d’une « haine viscérale ».
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La correspondance de la DRH, lorsqu’elle parvient au Dg d’Orange Middle East and Africa, évoque aussi clairement une « plainte pour harcèlement moral et sexuel ». On y apprend qu’au courant du premier trimestre 2019, « L’ex-DRH d’OCM » avait décidé de saisir les juridictions territorialement compétentes au Cameroun et en France » de cette « affaire ». Une source interne et fiable au sein de l’entreprise de téléphonie nous confirme que ces rumeurs insistantes sur « les mœurs peu catholiques de M Frédéric Debord » circulaient déjà au sein de l’entreprise fin 2018. «… Elles sont parties de Douala, le siège d’Orange Cameroun. Alerté, prenant l’exacte mesure de ce qui pourrait être un véritable scandale, le Dg a d’abord envisagé de prendre des mesures pour que la presse ne s’en saisisse pas, ou mieux qu’elle n’en fasse pas état. Dans la panique, les premiers éléments de la « stratégie » s’orientaient vers l’achat des espaces publicitaires, procédé commode pour « tenir » la presse. Mais ce scénario sera finalement abandonné. Du moins, provisoirement », nous laisse entendre notre source. « Par la suite une entente aurait été trouvée avec Mme Evelyne Enguelé qui aurait dans un premier temps été affectée à Orange Normandie en France, avant d’être redirigée vers une autre multinationale grâce à des recommandations de Fréderic Debord.
Les entraves à l’enquête
En sus de la procédure pendante en justice contre le Dg d’Orange Cameroun, EcoMatin avait été alerté bien avant par une affaire de mœurs impliquant Frédéric Debord. Dans sa démarche habituelle de recoupements et soucieux du principe d’équilibre des sources d’informations, la rédaction d’EcoMatin a entrepris de contacter le patron de cette compagnie de téléphonie mobile pour tenter de démêler l’écheveau. Trois demandes d’informations lui ont été formellement envoyées, dont deux portant sur des accusations de harcèlement sexuel et une autre se rapportant à l’affaire de licenciement de l’ancien Senior manager chargé des relations avec les institutions. M. Debord n’a jamais daigné y répondre, en dépit des multiples relances de la rédaction. Le DG d’Orange Cameroun s’est plutôt illustré par une attitude ostentatoirement méprisante à l’égard de notre rédaction.
Par contre, Fréderic Debord a choisi d’envoyer trois fois de suite un de ses collaborateurs,
le nommé Stéphane Moukouri, public relations officer chez Orange Cameroun, au siège du journal, pour tenter de dissuader le Directeur de Publication de publier ces enquêtes. Lesquelles selon lui, n’étaient d’aucune pertinence pour le journal. A aucun moment, ce dernier n’a apporté des éléments contraires aux accusations portées contre son patron. EcoMatin a par ailleurs appris des sources internes généralement bien informées, que Frédéric Debord est sur le départ du Cameroun et qu’il a d’ailleurs offert un dîner dans la soirée du lundi 12 juillet à ses plus proches collaborateurs en guise d’au revoir, alors que le même jour dans la matinée, le collaborateur en question s’évertuait à nous convaincre de repousser la publication de cette enquête promettant de nous donner enfin leur version des faits dans les jours à venir.