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Règlementation des changes : les patrons de la Cemac font reculer la Beac

Face au risque de pénurie brandi par les opérateurs économiques, la banque centrale a décidé de suspendre la mesure de rejet des transferts de devises pour défaut d’apurement.

« Célestin Tawamba peut-il faire reculer la Beac ? ». L’interrogation qui barrait, lundi 24 mai dernier, la une de l’édition N°432 du journal EcoMatin semble avoir trouvé quelques éléments de réponse. Ce jeudi 23 juin 2021, le Directeur de la Beac national du Cameroun a adressé une correspondance aux Directeurs Généraux de banques du pays avec pour objet « Suspension de la mesure de rejet des transferts pour défaut d’apurement ».

« J’ai l’honneur de vous informer qu’à compter de ce jour, le sort réservé à une demande d’autorisation de transfert, pour le compte d’un donneur d’ordre n’est plus tributaire de l’apurement des précédents dossiers » écrit Blaise Eugène Nsom. De manière pratique, la banque centrale va désormais autoriser les transferts de devises à l’étranger même pour les agents économiques n’ayant pas  apuré leurs précédentes opérations ce qui n’était plus le cas depuis l’entrée en vigueur de la nouvelle règlementation des changes en décembre 2018.  Cette mesure concerne également les demandes de transfert qui, jusqu’ici avaient  été l’objet de rejet pour défaut d’apurement. L’institut d’émission monétaire exige que ces dossiers lui soient transmis via l’application « eTransfert, avec des ordres de transfert datant de moins de 15 jours » peut-on lire.

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Pour bien comprendre, il faudrait savoir qu’en vertu de la nouvelle règlementation des changes, les importateurs de biens et services implantés dans la zone Cemac sont tenus de fournir les pièces matérialisant que les devises mises leur disposition ont été effectivement utilisées pour des besoins économiques pour lesquels elles ont été sollicitées. Il s’agit en l’occurrence la facture définitive, la note de débit ou note de frais, le procès-verbal de recette provisoire ou définitive et le rapport d’étude. Ces documents doivent être fournis à la banque domiciliataire dans un délai de 3 mois pour les biens et 1 mois pour les services. Si la Beac ne justifie pas cet assouplissement, d’aucuns y voient le plaidoyer et le lobbying mené depuis quelques mois par les hommes d’affaires de la sous-région.

La première « victoire » des patrons

A fin mars 2021, les transferts sortants de la Cemac se sont élevés à 1 922,62 milliards contre 1 500,99 pour les transferts entrants, soit un déficit de près de 500 milliards. Fort du constat relatif à l’évolution anormale des transferts sortants, le Gouverneur de la Beac va édicter, le 08 avril 2021, une circulaire dans laquelle il rappelle les règles applicables en matière d’apurement et conditionne l’autorisation de transfert à l’apurement préalable et ce, dans les délais réglementaires. « Outre l’application des pénalités en vigueur en cas de non apurement d’un dossier de transfert, l’agent économique contrevenant est enregistré dans la liste des agents économiques non autorisés à effectuer des règlements en devises » écrivait alors Abbas Mahamat Tolli.

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Une décision jugée « économicide » par les hommes d’affaires de la sous-région. Dans un communiqué signé le 12 mai, les membres de l’Union  des Patronats d’Afrique Centrale (Unipace), estiment que les blocages de transferts devaient occasionner une pénurie des produits et denrées alimentaires sur le marché avec le risque de rupture de stock des matières premières et intrants, des fournitures et pièces de rechange des industries. « Il importe de préciser que pour de nombreuses entreprises, le seuil de rupture sera atteint à la fin du mois de mai 2021. Ceci expose la sous-région à un arrêt complet d’activités économiques dans certains secteurs importants dont l’industrie agroalimentaire », écrivent-t-il alarmistes. Amenés par Célestin Tawamba, leur président, les patrons de la sous-région vont interpeller les Etats et solliciter de la Beac un sursis de 6 mois. S’ils n’ont pas obtenu de sursis, les importateurs ne verront pas cependant leurs opérations être interrompus, quoi qu’il en soit. « On ne peut que s’en féliciter car la situation devenait intenable pour les entreprises et les risques de voir apparaître des pénuries de produits de première nécessité sur le marché ne cessait de croître » commente Aline Mbono, la Directrice exécutive du Gicam.

Comme le roseau plie sans toutefois rompre

A la Beac, cette décision n’est pas perçue comme un recul, mais un changement de stratégie. « Ce n’est pas une reculade, mais un changement de stratégie pour qu’on ne continue pas d’accuser la BEAC de créer la pénurie de produits essentiels» commente un cadre de la banque centrale sous anonymat. Si elle autorise  désormais les transferts pour les dossiers non apurés, la Beac promet d’être plus rigoureuse quant à l’application des sanctions. « La Beac engagera des procédures de sanction à l’encontre des banques et opérateurs économiques pour défaut d’apurement des dossiers de transfert financés sur la période allant de 2019 à mars 2021 » écrit Eugène Nsom. Au cours de cette période (2019-mars 2021) seuls 17 159 dossiers d’apurement ont été reçus à la Beac contre 47 719 dossiers attendus, soit 30 560 dossiers encore non transmis et pour lesquels les acteurs sont passibles de sanctions. « Les banques domiciliataires qui n’auront pas transmis les dossiers d’apurement figurant dans les listes mises à leur disposition, ou les copies de lettres de mise en demeure adressés à leurs clients recevront des lettres de constats. De même, les agents économiques qui n’auront pas apuré totalement les dossiers d’importation, suite à la mise en demeure de leurs banques recevront par le canal de celle-ci, des lettres de constat pour défaut d’apurement et plus tard, le cas échéant des mises en demeure de la banque centrale de payer les pénalités y afférentes » poursuit le directeur de la Beac nationale.

Lire aussi : Fuites des capitaux : alerte autour d’un déficit sur les réserves de change de la Beac

Selon l’article 159 du règlement portant réglementation des changes, le défaut de domiciliation par un agent économique des opérations d’importation de biens ou services est puni d’une amende de 10% du montant de la transaction. Les banques qui affichent un défaut d’apurement sont quant à elles sommées de payer 5% du montant de la transaction.

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