La Socapalm accusée de pratiques néocoloniales dans ses plantations
La filiale du groupement Palmcam (Palmeraies du Cameroun) est sur le gril des organisations non gouvernementales de défense de la nature, et de la presse hollandaise, lesquelles l’accuse d’exploitation abusive et accaparement des terres aux communautés villageoises, d’intimidation, de pollution de l’environnement, de travail forcé sous contrat, de déforestation et même de trafic d’influence dans le cadre de ses activités.
La Société camerounaise de palmeraies (Socapalm) a rendu publics au mois d’avril dernier ses états financiers au titre de l’exercice 2020. Ceux-ci ressortent les chiffres de l’entreprise avec un bénéfice net après prélèvement des impôts de 11,5 milliards de F, même s’il est en baisse de 684,4 millions de F en comparaison à l’exercice 2019. Ces belles performances sont pourtant l’arbre qui cache la forêt sur les activités peu orthodoxes dans les plantations de la filiale du groupement Palmcam (Palmeraies du Cameroun). L’entreprise est en effet depuis le mois de mars dernier, sur le gril des organisations de défense de l’environnement, et de la presse hollandaise, lesquelles l’accuse d’exploitation abusive et accaparement des terres aux communautés villageoises, d’intimidation, de pollution de l’environnement, de travail forcé sans contrat, de déforestation et même de trafic d’influence.
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L’Ong hollandaise « Milieudefensie », engagée dans la défense de l’environnement et des droits des communautés, sonne le tocsin dans un rapport rendu public le 4 mars dernier et intitulé : « Palm Oil Certification: Not ‘Out of the Woods’ ». Le rapport d’une trentaine de pages, résultant d’une enquête menée entre décembre 2020 et janvier 2021, passe sous les fourches caudines le processus de certification des plantations et usines de production d’huile de palme des sociétés du grand groupe belgo-luxembourgeois Socfin implanté dans plusieurs pays sur le continent, et précisément au Cameroun à travers la Socapalm et la Safacam (Société Africaine Forestière et Agricole du Cameroun). La certification RSPO (Roundtable on Sustainable Palm Oil) réputée durable, exigeante et reconnue, entamée par la Socapalm, est mise en doute par l’Ong qui dénonce plusieurs dysfonctionnements et manœuvres de l’entreprise ayant entaché le processus.
Abus néocoloniaux
La presse néerlandaise s’en est tout de suite fait l’écho, et a entrepris d’en savoir un peu plus. Le quotidien « De Volkskrant », l’un des plus vieux des Pays-Bas, a entrepris de mener une enquête dans les plantations de la Socapalm, notamment à Mbongo, pour tenter de corroborer les dénonciations préalables « Milieudefensie ». L’article paru le 30 mai dernier sur son site et avec pour titre : « Retour à l’époque coloniale : l’huile de palme du Cameroun est certifiée durable, mais la population est exploitée ». Dans cet article, la Socapalm et son propriétaire Socfin, l’un des plus grands acteurs mondiaux avec 187.000 hectares de plantations d’huile de palme et d’hévéa en Asie et en Afrique, est accusée d’intimidation, travail forcé sous contrat, déforestation, pollution de l’environnement et surtout accaparement des terres.
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A travers cette alerte, l’Ong « Milieudefensie » appelle par ailleurs l’attention des investisseurs qui soutiennent financièrement le groupe Socfin. En l’occurrence le groupe ING, une institution financière internationale de bancassurance basée aux Pays-Bas, réputée parmi les prêteurs majeurs de la holding Socfin en 2019. Depuis les nouvelles dénonciations, « De Volkskrant », citant un membre de « Milieudefensie » révèle que la banque a indiqué à travers un de ses porte-paroles qu’elle stoppait ses prêts à l’endroit du groupe Socfin, jusqu’à l’aboutissement du processus de certification RSPO de ses plantations en Afrique, et également jusqu’à ce qu’il prouve qu’il n’est pas coupable des griefs qui lui sont reprochés.
La Socapalm déploie ses arguments de défense
La Société camerounaise de palmeraies a mal à son image en ce moment, avec ces accusations de l’Ong hollandaise, amplifiées par le journal hollandais « De Volkskrant », au sujet de ses activités, alors qu’elle est engagée dans un processus de certification de ses plantations. L’entreprise n’est pas restée de marbre face à tout ceci, et dans un communiqué publié le 8 juin dernier sur son site internet, ayant valeur de mise au point, elle tente autant que faire se peut de battre en brèche l’ensemble de ces accusations. A propos des conflits fonciers avec les communautés, la Socapalm reconnait subrepticement qu’il en existe et indique que « depuis plus de deux ans, afin de clarifier la situation foncière, objet de certaines tensions, et d’éviter tout malentendu, un état des lieux de la concession a été lancé en collaboration étroite avec l’État ».
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Egalement accusée de violations de droits de l’homme, et dans certains cas de harcèlement sexuel dans ses activités, l’entreprise rétorque qu’elle a mis en place une politique de tolérance zéro concernant le harcèlement, les violences faites aux femmes, et que « cette problématique a fait l’objet d’un audit spécifique de la part des auditeurs de SCS Global Services lors des audits de certifications des deux premières plantations ; durant cet audit spécifique, aucun élément n’a pu démontrer ces allégations ».
Au sujet des manœuvres visant à influencer le travail de la mission d’audit, la Socapalm reconnaît en partie avoir offert des facilités aux auditeurs SCS Global Services notamment concernant leur logement, mais nie avoir mis à leur disposition des moyens de locomotion pour les conduire dans leurs plantations. « L’équipe d’experts consultants disposait de son propre moyen de transport, il ne s’agissait pas d’un véhicule appartenant à la Socapalm. Les experts ont élaboré leur programme sans consulter la Socapalm, en toute indépendance », argue l’entreprise au capital social de 45,7 milliards de F.
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Certification : Controverse autour de la Certificat RSPO
Dans son rapport son rapport « Palm Oil Certification: Not ‘Out of the Woods’ » publié le 4 mars dernier, l’Ong « Milieudefensie » épingle le Groupe Sofcin, engagé dans un processus de certification de ses plantation au Cameroun, en Côte d’Ivoire au Nigeria et en Sierra-Leone. Dans le cas du Cameroun où opèrent ses filiales Socapalm et Safacam, le rapport relève plusieurs entorses au processus de certification, et dénonce par conséquent un travail bâclé. Le groupe Socfin a choisi l’entreprise SCS Global Services, l’un des grands réseaux de certification au monde, pour mener cette mission. L’Ong déplore cependant sa capacité à vérifier les conflits fonciers complexes, son manque d’approche proactive pour associer la société civile durant son inspection, et remet en doute son objectivité et son indépendance. Les auditeurs en mission au village Mbongo dans la région du Littoral, se seraient laissés influencer par l’entreprise en acceptant des facilités à eux accordées par celle-ci.
« Au Cameroun, l’auditeur est arrivé avec un chauffeur de Safacam et l’agent de développement social et communautaire, qui est parti quand la réunion a commencé.
Dans l’un des villages, les gens ont demandé à l’équipe d’audit de partir en raison de leur incapacité à répondre à des questions telles que « pourquoi un auditeur qui vient examiner les activités de Safacam est hébergé par Safacam ? » et « pourquoi un vérificateur […] utilise-t-il de l’équipement Safacam ? », relève « Milieudefensie ».
Son objectivité ainsi remise en question, SCS Global Services a réagi à travers un communiqué dans lequel elle reconnait la complexité de sa mission, et apporte quelques clarifications sur les griefs qui sont reprochés à ses auditeurs par ailleurs. A propos des conflits fonciers entre la Safacam et les communautés, SCS Global Services indique qu’elle ne dispose pas d’informations au sujet d’un conflit entre la Safacam et les communautés. Elle dément par ailleurs avoir emprunté les véhicules de l’entreprise dans le cas de ses missions.