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Exploitation minière : 157 morts dans les mines d’or à l’Est

Les éboulements de terre, noyades dans les lacs artificiels formés par les trous non refermés par les exploitants miniers sont à l’origine de cette tragédie, selon l’ONG Foder. Au-delà de ce lourd bilan humain, cette activité est aussi responsable de la destruction de l’environnement, de la pollution des sources d’eau et des nappes phréatiques.

Plus de 100 trous d’or abandonnés jalonnent la distance d’environ 7 kilomètres qui sépare le fleuve Lom et le chantier « Chaloupe ». Une localité située au quartier Longa Mali à environ 3 kilomètres du centre-ville de Bétaré-Oya, l’une des plus anciennes zones d’exploitation minières au Cameroun dans la région de l’Est. Le chantier « Chaloupe », (NDLR : puisqu’il faut traverser le fleuve Lom dans un chaloupe pour y arriver), né après la découverte d’un gisement minier n’a portant que six mois d’existence selon les exploitants artisanaux d’or rencontrés sur ce site en début du mois de mai 2021. Contrairement au chantier « Chaloupe » où aucune perte en vie humaine n’a été enregistrée depuis la découverte de ce gisement, l’exploitation minière sur le lit du fleuve Kadey dans le département éponyme entraine des conséquences dramatique sur les la vie des populations riveraines, la flore, la faune et des vastes étendues de terres. Au niveau de Kambélé 2 à Batouri, les populations n’ont plus de l’eau à boire et ne peuvent plus mener les activités de la pêche parce que l’eau de la Kadey est polluée. C’est le cas du village Dogba sur le pont de la Kadey, situé sur l’axe Bertoua-Batouri où les conséquences de cette exploitation minière qui se déroule en amont sont palpables. Ici, les populations se plaignent du fait que l’eau qu’elles consomment est complètement boueuse. Par ricochet la pêche n’est plus praticable à cause des produits chimiques déversés en amont et qui tuent les poissons et rendent l’eau du fleuve imbuvable. De façon générale, la destruction de l’environnement est l’une des conséquences les plus criardes de l’exploitation anarchique et sauvage des produits du sous-sol dans la région de l’Est. Déjà au cours d’une tournée dans les zones minières en août 2019, le ministre des Mines, de l’industrie et du développement technologique Gabriel Dodo Ndoké s’est rendu compte de cette évidence. Que ce soit à Garoua-Boulaï, Bétaré-Oya, Ngoura, Ouli, Kétté et Batouri.

Au niveau du chantier « Popom » appartenant à Jérôme Mining à Ouli, la situation était tout simplement catastrophique. L’on pouvait perçoit des montagnes de sable issus du lit du fleuve Kadey dévié et exploité sur plusieurs kilomètres. « C’est très grave. C’est une catastrophe écologique ici », avait observé un membre de la délégation du ministre. Dans la foulée, le maire de la commune d’Ouli, Lévy Abah, s’inquiète du fait que ses populations ne pourront plus consommer le poisson « Mbenguo » qui provenait du fleuve Kadey et n’auront plus l’eau à boire alors que l’exploitation en question n’apporte rien à sa commune. A Kambélé 3 à Batouri, le chef du village, Baba Bell explique que « nous sommes victimes de l’exploitation à travers des titres fictifs qui ne tiennent pas compte de l’intérêt des riverains depuis 1952 ». En effet, selon un récent rapport de mission d’inspection environnementale de la délégation régionale de l’Environnement et de la protection de la nature dont copie est parvenue à notre rédaction, «aucune règle environnementale n’a été respectée dans tous les sites miniers à Bétaré-Oya, Ngoura Colomine dans le département du Lom-et-Djerem ou à Batouri, Kambélé, Kétté et Ouli dans la Kadey », principales zones d’exploitation minière à l’Est.

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Illégalité et corruption

Selon l’un des inspecteurs d’environnement « on ne peut jamais parler d’un investissement dans le secteur des mines dans ces localités sur le plan environnemental ». Pour lui, la cause de cette anarchie provient du fait que les Camerounais, détenteurs des autorisations d’exploitation artisanale de l’or qui bradent leurs titres d’exploitation aux ressortissants Chinois sont de la haute administration, les députés et les hautes autorités militaires. Ces derniers se croient au dessus de la loi. Par ailleurs au mois de mars 2017, six opérateurs économiques miniers d’origine camerounaise et chinoise ont été inculpés pour « exploitation illégale » et « violation des règles de sécurité, d’hygiène et de protection de l’environnement » par le parquet du Tribunal de première instance de Bertoua et écroués à la prison centrale. Dans la même lancée, lors de la clôture du projet Mines-environnement-santé et société (Promess) en décembre 2018, Justin Kamga, chargé des programmes à l’Ong Foder avait décrié les fléaux qui persistent dans le secteur. Il s’agit entre autres des « difficultés d’accès aux informations minières, l’absence de transparence, la non-rétrocession des redevances aux collectivités territoriales décentralisées et aux communautés comme appui au développement, le non respect des droits des communautés riverains, l’absence d’un contrôle environnemental des activités minières par les services de l’Etat, la fraude et la corruption généralisées, l’attribution désinvolte de titres miniers et la recrudescence des décès dans les trous non réhabilités après exploitation ».

En effet, selon la loi cadre du 96/12 du 5 août 1996, relative à la gestion de l’environnement, « toute activité économique est précédée par une étude d’impact environnemental ». La même loi précise qu’une somme d’un million de Fcfa doit être déposée dans un compte séquestre avant la délivrance de toute autorisation. Cette somme sera utilisée pour restaurer l’environnement après exploitation. Malheureusement, dans les zones d’exploitation, une confusion règne dans les esprits dans la mesure où certains exploitants affirment que cette somme est régulièrement versée par les Chinois et autres exploitants alors qu’au niveau des délégations départementales de l’Environnement à Bertoua où à Batouri, c’est un autre son de cloche. Ici, l’on réfute catégoriquement cette allégation en justifiant que « l’on ignore les mouvements d’installation et départ des Chinois à Ngoura, Bétaré-Oya, Kambélé où à Kétté ».Conséquences, dans plusieurs sites visités et déjà exploités, aucune prescription environnementale n’a été respectée. « Regardez comment ils ont tout enlevé et dévasté nos terre. Ils sont tous partis sans fermer les trous. Vraiment c’est malheureux », regrette Sa Majesté Justin Bello. Même décor de désagréments à Colomine, localité située à 30 kilomètres de Ngoura. « Ils détruisent les arbres et prétendent que ce sont les propriétaires des titres d’exploitations qui doivent les fermer. Ils sont actuellement en train de dévier le lit du fleuve Kadey », affirme à son tour Symphorien Haïto, Chef de troisième degré de Colomine. La conséquence immédiate de cette situation, c’est la destruction de la flore et la faune, la dévastation des vastes étendues de terres et la pollution du fleuve Kadey, principal cour d’eau dans la zone en question.

Pourtant, et selon les riverains, l’activité n’apporte presque rien aux populations riveraines. Elles ne bénéficient pas des retombées liées à cette activité minière notamment les infrastructures sociales de base que sont les écoles, les hôpitaux, les forages entre autres. A l’origine de cette situation déplorable, l’on note la présence incontrôlée des entreprises étrangères sur le terrain qui mènent en toute violation des dispositions réglementaires en la matière. En effet, selon la loi camerounaise, les titres miniers sont délivrés exclusivement aux nationaux. Malheureusement, l’on constate sur le terrain que certains compatriotes obtiennent des vastes étendues de terres et par la suite les bradent aux ressortissants étrangers sous prétexte que se sont leurs partenaires technico financiers qui ont des moyens et le matériel adéquate pour l’exploitation minière.

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Décès en série

Depuis 2014, l’organisation Foder qui travaille dans la région de l’Est dans le cadre du projet Mines-Environnement-Santé et Société (PROMESS) a pris soin de tenir un fichier des décès dans les chantiers miniers de la région de l’Est. A la date du 30 avril 2021, cette organisation a dénombré exactement 157 morts dans les sites miniers. On note par les victimes, 69 artisans miniers et 38 enfants dont 17 sont en âgés de 0 à 8 ans. Dans le classement, le département du Lom-et-Djerem vient en tête avec 120 décès de 2014 à avril 2021. Selon le fichier du Foder, l’arrondissement de Ngoura a perdu 62 personnes dont 31 à Ngoengoe et 22 à Colomine. L’arrondissement de Garoua-Boulaï dans le même département a perdu 4 personnes depuis 2014. Dans le département de la Kadey, les sites miniers de Batouri, Kambélé Kétté et Ouli ont perdu 29 personnes. Enfin dans la Boumba-et-Ngoko, un élève a perdu sa vie dans un trou d’or dans l’arrondissement de Gari-Gombo pendant la période en revue. A l’origine de ces décès selon Foder, 24 éboulements de terre, 12 noyades dans les lacs artificiels formés par les trous béants.

Le document du Foder conclu que l’on n’a pas pu déterminer les causes des 78 autres décès. Dans ce contexte, c’était avec des larmes aux yeux que Sa Majesté Justin Bello, chef du Canton Gbaya-Banginda qui nous a servi de guide pendant notre enquête à Ngoura a présenté des images et vidéos des 9 personnes mortes dans la nuit du 29 au 30 décembre 2017, suite à un éboulement de terrain survenu dans l’un des chantiers du campement Caillé. Les corps des victimes avaient été retrouvés et extraits le 02 janvier 2018. Les premiers éléments de l’enquête ouverte indiquaient que cet incident produit au village Ngoengoe était consécutif au non restauration des trous d’or abandonnés après exploitation. « Ce sont ces chinois qui refusent de restaurer les sites. Ils ont abandonné des trous un peu partout. On a déjà enterré plus de 40 personnes mortes dans ces trous dans le Canton », déplore le Chef de Canton. D’après Justin Landry Chekoua, chef du projet Promess qui s’exprimait dans un mini-documentaire réalisé par le Foder après une série de décès en 2017, « les principales causes de décès dans les sites miniers de l’Est sont constituées de noyade (56%), éboulements de terre (26%) et braquage à main armée (11%).

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Les mesures de Dodo Ndoké

C’est sur un ton ferme que le ministre des Mines, de l’industrie et du développement technologique, Gabriel Dodo Ndoké avait demandé au commandant de la compagnie de gendarmerie de la Kadey de sceller le chantier « Popom » à Ouli avec tout le matériel après avoir constaté les dégâts causés par les exploitants véreux. « Que cette exploitation soit fermée avec tout le matériel jusqu’à ce que la lumière soit faite », a déclaré Gabriel Dodo Ndoké lors d’une tournée. Dans tous les sites d’exploitation qu’il a visitée, Dodo Ndoké a répété cette phrase 

« force reviendra à la loi, le ministère des Mines prendra ses responsabilités pour que les sites soient restaurés ». Depuis son arrivée au ministère des Mines de l’industrie et du développement technologique, l’actuel ministre, originaire de l’arrondissement de Kétté, l’une des zones d’exploitation minière se bat comme il peut pour remettre les pendules à l’heure. En début de cette année 2021 il a suspendu l’exploitation de l’or dans les permis de recherche. Ceci après avoir suspendu l’exploitation dans les cours d’eau en 2020.

Martin Foula

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