Scandale foncier : 300 hectares de terrain divisent la communauté Bonanjo

Le Chef supérieur du Canton Bell (Njo Njo) Sa Majesté Jean Yves Eboumbou Douala Manga Bell est sorti de sa réserve suite au grand tollé ambiant au sein de son territoire coutumier. Grand tollé relevant d’un présumé bradage de terres au profit de sujets non-autochtones Njo Njo. Au total, plus de 300 hectares de terre dans les villages Essengue, Dinde, Youpwè, limitrophes à la zone portuaire de Douala et constituant la première zone foncière du Cameroun. La notabilité a passé en revue la situation foncière de ces trois villages du Canton Bell sans assiette depuis 1952: «Dès la prise de mon règne, j’avais identifié et fait du foncier une de mes priorités. Je m’étais rendu compte que depuis 1952, le village Bonanjo particulièrement, n’avait pas immatriculé un seul centimètre carré. J’avais de ce fait entrepris de consolider les droits fonciers de ma communauté par immatriculations, de manière à constituer une véritable réserve foncière pour nos enfants et petits-enfants. Pour asseoir ma politique foncière, j’avais dès 2014 et 2015 nommé comme Chefs de quartiers à Essengue Me Manga Njoh Richard, à Youpwè M. Samuel Bébé et au Bois des singes M. Émile Ntou Mouelle», a précisé S.M Jean Yves Eboumbou Douala Manga Bell.

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Si le patrimoine foncier de Dinde et Essengue connaissent une relative saine gestion, d’après Le Roi des Bell, celui de Youpwe est l’objet de vives tensions entre la chefferie supérieure et le chef de quartier Samuel Bébé. «Il a fait de Youpwe un secteur autonome et indépendant du Canton Bell. Il gère ce quartier à son gré et ne rend plus compte, ni à la communauté qui l’avait proposé à cet endroit, ni même à moi qui est son supérieur hiérarchique». Un comportement que le Roi des Bell qualifie d’«insubordination caractérisée», malgré le rappel à l’ordre de la Préfecture du Wouri et le recadrage du Conseil des notables de cette chefferie.

Le chef de quartier du village Youpwe est par ailleurs accusé d’avoir trempé dans le projet de construction d’un débarcadère dans cette zone riche en poissons et autres produits halieutiques. Youpwe, Essengue, et Dinde (Bois des singes), petites bourgades poissonneuses en bordure du fleuve Wouri respectivement entendues sur une superficie de 130 hectares, 100 et environ 100 hectares sont en effet devenues la proie de convoitises insoupçonnées. De nombreuses entreprises de location d’engins utilitaires, d’agro-alimentaires, magasins de stockages etc….sont implantées dans cette zone en pleine expansion. D’où des appétits fonciers répétitifs débouchant sur des conflits. Nous apprendrons du Chef supérieur du Canton Bell que Samuel Bébé a engagé plusieurs immatriculations de terres en son nom au Bois des singes, un village voisin de Youpwe où il est chef de quartier. Le Bulletin régional des avis domaniaux et fonciers du Littoral de Décembre 2020 signé d’Ignace Evaga, le Délégué régional du cadastre des domaines et des affaires foncières pour le Littoral, fait ressortir une liste de 102 bénéficiaires d’immeubles à Dinde, dont le bornage d’immatriculation a été effectué. Le document ressort plus de 226 hectares au nom de Jean Yves Dieudonné Gaston Eboumbou Douala Manga Bell, le Chef supérieur du Canton Njo Njo. D’après ce dernier, il s’agit pour lui de consolider les droits fonciers du canton et veiller à ce que chaque famille et foyer Bell bénéficie d’une immatriculation.

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Chose que réfute Samuel Bébé: «Le roi a vendu des terrains au bois des singes à des personnes qui n’ont pas pu occuper ces terrains et leurs noms se retrouvent dans les terres de Youpwe. Au contraire de ce qu’il dit, tous les terrains d’Essengue et de Dinde ont été vendus. La plus grande partie des terres de Youpwe l’ont également été par les mêmes personnes. C’est de la braderie pure et simple. Les déclarations du Roi à mon endroit relèvent de la manipulation car il est englué dans les mêmes accusations de braderie à Essengue et aux Bois des singes. Il fait une sortie sur Youpwe pour manipuler l’opinion », a-t-il indiqué.

Un pôle économique en gestation dans les zones d’ Essengue, Youpwe, Dinde

Le projet Sawa Beach reste incontestablement le projet-phare sur le territoire du Canton Bell, Arrondissement de Douala 1er. Lancé en 2004, il prévoyait pour un montant de 700 milliards de FCFA, la construction par des investisseurs américains, canadiens, italiens, émiratis, de 10.000 logements haut standing, résidences de moyen standing, des équipements collectifs, des centres commerciaux, bureaux, écoles, espaces de loisirs, de détente et d’affaires, hôtels, palais des congrès, centre culturel, une zone administrative, un port de plaisance, une base nautique, des espaces verts etc…Les études de faisabilité de ce projet couvrant 1000 hectares entre les quartiers Youpwe et Essengue avaient permis au Cabinet CIMA international/MBT international de proposer en 2014, sur instructions de Philémon Yang, Premier Ministre d’alors, trois scénarii d’aménagement du site. Ce, après 10 ans d’hibernation suite au départ en 2016 du grand artisan de ce projet, Edouard Etonde Ekotto du poste de Délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Douala.

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Le premier schéma portait sur la mise en valeur de Youpwe à hauteur de 1,7 milliard de FCFA. Avec pour objectif de faciliter son accessibilité, créer un centre commercial sur 85.000 m2, valoriser le bois des singes pour une enveloppe de 4,1 milliards de FCFA, et créer un pôle multifonctionnel à Bonapriso Sud. Le scénario 2 prévoyait la construction d’une station d’épuration à Essengué et l’aménagement du secteur de Dinde par un ensemble résidentiel. Le cabinet CIMA international/MBT international proposait pour le schéma 3, le développement d’une zone logistique aéroportuaire et une zone résidentielle sur le site. L’évolution de ce chantier reste malheureusement figée sur les études de faisabilité et les différents scénarii proposés. La Communauté urbaine de Douala envisage procéder à la relance définitive du projet Sawa beach, inscrit dans le plan d’actions quinquennal du Maire de Douala, le Dr. Roger Mbassa Ndine.

Le débarcadère de Youpwe figure également parmi les projets majeurs de cette zone poissonneuse. La convention de financement y relative a été signée le 12 décembre 2017 entre Louis Paul Motaze, le Ministre de l’économie de cette époque et Kunio Okamura, l’Ambassadeur du Japon au Cameroun. Il s’agit d’un don de l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica) d’un montant de 6,6 milliards de FCFA. Le projet reste, comme celui du Sawa beach, sur les starting-blocks depuis 2017. La dernière concertation sur ce dossier remonte au 28 décembre 2020 à l’occasion de la 2ème session du comité de coordination du projet. Étaient examinés, l’état d’avancement du projet, la mise à jour des dépenses éligibles à l’indemnisation, la levée de la suspension temporaire des travaux et l’identification des difficultés de mise en oeuvre du projet. Cet investissement nippo-camerounais prévoyait la construction d’un débarcadère et d’un marché à poissons modernes, dotés d’équipements de froid de dernière génération, des magasins de stockage, des boutiques, parkings etc. Des problèmes fonciers, de relocalisation et de synergie d’actions entre les différentes parties prenantes du projet seraient à l’origine des freins observés à son exécution.

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Autre projet, celui de la réfection du réseau routier des quartiers Dinde, Youpwe et Essengue. Ici également, une querelle foncière freine une avancée réelle des travaux. Essengue et Youpwe sont en effet points de conflit entre la communauté Njo Njo et le Port autonome de Douala. Les deux parties se disputent cette bande de terre. D’après le Canton Bell, plus de 400 hectares des quartiers Essengue et Youpwe sont convoités injustement par le Port autonome de Douala. Pour l’autorité portuaire, Ces deux quartiers relèvent des statuts juridiques particuliers: domaine national, domaine privé des particuliers, domaine privé de l’Etat, et domaine public fluvial. Le Port autonome de Douala a d’ailleurs engagé une vaste opération de sécurisation de son domaine foncier dans lequel figurent les quartiers Essengue et Youpwe. Des travaux de pose de pavés ont débuté sur plusieurs accès menant vers ces deux zones.

Essengue, Youpwe et Dinde sont ainsi en voie de subir une profonde transformation structurelle, devenir également l’un des pôles industriel dynamique et compétitif de la capitale économique. Le nombre d’entreprises recensées dans la seule zone de Youpwe s’élèvent à plus 340 unités, moins de 10 dans la zone Essengue. La zone abrite également un important tissu informel. Des activités autour de vente de produits de quincaillerie, les vêtements de seconde main, restaurants, bars, alcool frelaté etc. Hormis ce tissu économique formel et informel embryonnaire, la principale activité économique dans ces trois zones est dominée par la pêche. D’après des statistiques du Ministère des pêches et des industries animales, près de 40.000 pêcheurs (Camerounais, Nigérians, Nigériens, Soudanais) y exercent.

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