Entrepreneuriat : quand les investisseurs snobent le « Made in Cameroon »
Les inventeurs camerounais ont de la suite dans les idées et rivalisent de créativité. Leurs œuvres très souvent porteuses de promesses pour la promotion de l’inventivité camerounaise quoiqu’embryonnaire, restent en proie au défaut de financements du fait aussi du manque d’engouement des industriels camerounais à mettre la main à la patte.
Au sortir des journées portes ouvertes de l’Institut universitaire de technologie (IUT) de Ngaoundéré, tenues les 27 et 28 avril derniers à Yaoundé, le Pr Steve Carly Desobgo, qui a conduit les travaux de recherche de ses étudiants ayant abouti à la mise au point des bières 100% camerounaises à base de manioc et de mil, a lancé un appel à l’endroit des « instances étatiques » et des « opérateurs économiques », aux fins de susciter leurs accompagnements dans la promotion de leurs œuvres. L’enseignant-chercheur a clairement exprimé le souhait de céder la licence de leurs produits, une fois que les formalités y relatives aboutiront, au « Groupe Kadji », la deuxième industrie brassicole du pays. Un appel du pied vers ce capitaine d’industrie qu’il voit comme un potentiel investisseur capable de soutenir financièrement un projet là où l’Etat n’a pas une grande marge de manœuvre, pour contribuer ainsi à la promotion du savoir-faire camerounais.
Lire aussi : Industrie brassicole : de la bière 100% camerounaise brassée à Ngaoundéré
Emboitant le pas au Prof Desobgo, le recteur de l’Université de Ngaoundéré, Uphie Chinje Melo, a eu le nez creux en pensant aux industriels qu’elle a conviés à ces journées portes ouvertes de l’Iut, toujours dans l’optique de leur forcer la main. « L’objectif de notre visite ici à Yaoundé, c’est pour montrer aux décideurs et aux industriels de quoi nous sommes capables et leur proposer d’accompagner ces projets. On a invité le Gicam (Groupement inter-patronal du Cameroun, Ndlr) et le Gfac (Groupement des femmes d’affaires du Cameroun, Ndlr), les banquiers, le ministère des Pme, pour qu’ils prennent connaissance des œuvres des futurs étudiants de l’IUT de Ngaoundéré, et qu’ils réalisent que leur formation ne réside pas seulement dans la théorie mais davantage dans la pratique », avait-elle déclarée.
Financement participatif
l est clair qu’en adoptant cette démarche, l’Université de Ngaoundéré s’est rendue à l’évidence que la plupart des inventions camerounaises faisaient long feu du fait du faible engouement chez les décideurs à porter un intérêt aux œuvres locales. Et pourtant, ils constituent, bien plus que l’Etat d’ailleurs, le facteur X de la promotion du « made in Cameroon ». L’Etat pour sa part a beau affiché sa volonté de promouvoir l’inventivité locale à travers quelques mécanismes à l’instar du Plan Triennal Spécial jeunes (PTS-jeunes), du Programme d’appui à la jeunesse rurale et urbaine (Pajet-U), ou encore en accordant diverses facilités (à l’exception des financements), il ne peut pas tout seul réussir sur ce chantier. Les investisseurs doivent pouvoir se risquer au pari des financements des produits « made in Cameroon », surtout lorsque ceux-ci bénéficient déjà de reconnaissance des instances étatiques.
Lire aussi : Secteur automobile : leurres et lueurs d’une filière embryonnaire
Les jeunes porteurs de projets restent confrontés à l’implacable réalité du manque de financements, et développent des solutions alternatives pour continuer à donner du sens à leur invention. Pour la plupart, ils ont opté pour le financement participatif ou « sociofinancement », grâce à la méthode de crowfunding qui permet à travers une plateforme internet de collecter des fonds auprès de contributeurs pour accompagner financièrement un projet identifié. Au Cameroun, les expériences comme celles de Kiro’o Games d’Olivier Madiba ou encore le Cardiopad d’Arthur Zang, renseignent à suffisance l’efficacité du financement participatif, même s’il semble encore à la traine dans notre pays. Le gouvernement encourage tout de même cette option, conscient de sa marge de manœuvre réduite.
Lire aussi : L’Etat veut insérer 30 000 jeunes camerounais dans les métiers du numérique
«Nous nous devons d’apprivoiser ce mode de financement, de le maitriser et de l’organiser à notre profit en vue d’en tirer le meilleur parti, afin d’en faire un atout véritable pour les acteurs du système économique national, notamment les PME. Il s’agira de multiplier les opportunités qu’offre le Crowdfunding dans l’optique d’une transformation substantielle de notre tissu économique national », préconisait le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, au cours de l’atelier national de Crowdfunding en 2020.