Activité économique : le business du mois de ramadan
La forte demande enregistrée de certaines denrées alimentaires comme le riz, la farine et le sucre durant cette période a favorisé l’apparition des marchés dits de circonstances qui disparaîtront avec l’aïd dès la fin du jeûne.
Ce mardi 27 avril 2021, c’est le quatorzième jour de jeûne du mois de Ramadan. Dans le deuxième arrondissement de Yaoundé, il est 18 heures. Les rayons de soleil s’éteignent progressivement. Les ménages musulmans s’activent à dresser les tables. Dans les quartiers Briqueterie, Ecole de police et Tsinga à Yaoundé, la chaussée est prise d’assaut par des commerçants de circonstance. Du crépuscule jusqu’à tard dans la nuit, tabourets, tables bancs et comptoirs sont installés ici et là. Malgré le jeûne et la fatigue, il y a foule dans ces marchés d’occasions, rendant parfois difficile la circulation. Ces vendeurs proposent aux passants et autres habitants, des pâtisseries de divers ordres, notamment des beignets traditionnels de riz, maïs et farines de blé, des faveurs du septentrion, mais aussi des spécialités d’autres régions. Des boissons froides et chaudes telles que la bouillie de riz meublent également les comptoirs. Ces mets sont particulièrement appréciés en cette période de privation et pour certains, incontournables lors de la rupture de jeûne. Pour de nombreux commerçants, c’est le bon moment pour arrondir la fin du mois, surtout à l’approche de la célébration de l’Aïd.
Dans la famille Dadjo au quartier Manguier dans la commune de Yaoundé 1er, un trio mère et filles se livrent, à la même période, à la commercialisation des beignets maïs, farine mais aussi des « pancakes », depuis près de six ans déjà. La communication de cette petite entreprise familiale se fait par le biais du bouche-à-oreille, ciblant ainsi ménages et lieux de prières. «Nous faisons dans la vente des spécialités de chez nous dans le grand Nord. Il s’agit des beignets de riz et de farines de blé mais aussi des « pancakes ». On vend seulement pendant le mois de Ramadan parce que nous enregistrons généralement une forte demande. Pour ce mois de Ramadan 2021, nous avons des commandes de l’ordre de 70%. C’est légèrement en hausse comparée à l’année dernière. Ceci s’explique du fait qu’on a des personnes qui passent des commandes pour livrer dans les mosquées, afin que les gens puissent rompre le jeûne avec ces aliments», indique Fadimatou Dadjou, élève au Lycée bilingue de Nkol-Eton. «J’espère faire plus de bénéfices à la fin de ce mois, afin d’investir plus tard dans une autre activité », poursuit la jeune lycéenne.
Un coup œil sur les recettes engendrées par ces activités montre qu’elles sont non négligeables. Pour un investissement de 15 000 Fcfa pour l’achat de la matière première, les bénéfices réalisés sont de 20 000 à 25 000 Fcfa. «J’ai toujours fait de la vente de la pâtisserie mon gagne pain. Pendant le mois de Ramadan, j’ajoute la vente de boissons telles que le Bissap, parce qu’il y a plus de demande. Je peux faire des bénéfices de plus de 20 000 Fcfa par jour», explique Aissatou, une commerçante.
Du côté des consommateurs, c’est un gain de temps. Pour des personnes aisées comme pour les classes populaires, les ménages préfèrent acheter du prêt à consommer. «Ces commerces rendent la tâche facile aux jeûneurs, parce que très souvent, on n’a pas le temps de faire ces différentes pâtisseries dans la nuit. Ces vendeurs stationnaires ou ambulants sont des solutions alternatives. La proximité joue aussi un rôle important. A côté de cela, ils participent aussi à l’ambiance de ce mois particulier », explique Hassan, 25 ans, venu faire ses courses à l’Ecole de police, dans la commune de Yaoundé 2, pour la rupture du jeûne.
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Le planning
Les petits métiers qui apparaissent durant ce mois de jeûne sont légion. Des activités que l’on peut décrire comme métiers de survie et qui disparaissent à la fin de la période de jeûne. L’alimentation est certes l’activité qui génère le plus de revenus en ce temps. En plus de la vente de ces denrées alimentaires en journée, certaines commerçantes optent pour les prolongations dans la nuit, généralement à 3 et 4h du matin pour la vente cette fois-ci des repas chauds tels que les bouillons de viandes. « J’ai une forte clientèle pendant la nuit. Très souvent, ce sont des célibataires qui, avant d’entamer le jeûne, prennent le repas du matin. Même si c’est difficile, ça va me permettre d’avoir une plus grande marge de bénéfices à la fin du mois de jeûne et je peux bien préparer la fête », explique Khadidja, une vendeuse. Il ne reste plus que 15 jours supplémentaires pour maximiser les profits.
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La demande de sucre, riz, huile et farine de blé en hausse
Rendu au quatorzième jour de jeûne, les ventes de sucre, riz, farine de blé ou encore huile ne baissent pas dans les boutiques et grandes surfaces à Yaoundé. Cette forte demande est soutenue par l’utilisation de ces produits par les familles musulmanes dans la préparation de certains aliments tels que la bouillie ou encore des pâtisseries, très prisées pendant cette période de privations. Les grossistes, comme les détaillants, ont pris des dispositions conséquentes pour satisfaire la demande en hausse de ces aliments. Dans la boutique de la famille Adamou, au quartier Briqueterie, dans le deuxième arrondissement de la capitale, le jeune Ousmane effectue depuis le matin la vente de presque les mêmes aliments. « Le mois de Ramadan, c’est une période pendant laquelle on réalise un important chiffre d’affaires sur les aliments comme le riz, le sucre, la farine de blé ou encore d’huile», fait savoir Ousmane, gérant de la boutique famille. « Comme c’est un mois de partage, les familles musulmanes achètent beaucoup pour pouvoir en faire le « sadakat » [aumône, Ndlr] comme on dit chez nous », poursuit le jeune vendeur.
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Sucre
Vendus en détail et en gros, les prix du sucre varient de 700 Fcfa le kilogramme à 3500 Fcfa pour le pack de 5 paquets ou encore 17 000 Fcfa pour le carton. Dans la boutique de la famille Adamou, l’on s’est approvisionné d’une vingtaine de cartons de sucre pour satisfaire la demande. Ces vendeurs observent une hausse de la demande d’ordre de 20 à 25% en glissement annuel. « L’année dernière, les gens avaient fait des réserves par rapport au confinement, ce qui fait qu’on n’a pas vraiment eu une forte demande, mais cette année quand même les ventes sont encourageantes», indique le vendeur. Les bénéfices réalisés sont de 15 000 à 20 000 Fcfa la semaine.
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Riz
Cette céréale est nécessaire dans la confection de la bouillie de riz et dans la préparation des faveurs pâtissières du septentrion. Le riz pendant le mois de Ramadan se vend plus en sac qu’en détail. Les prix varient entre 9700 et 12 000 FCFA pour les sacs de 25 kilogrammes. Pour ceux de 50 kilogrammes les prix oscillent entre 17500 et 26 000 FCFA en fonction de la qualité. Les commerçants ont enregistré un pic de la demande, lors de la première semaine du mois de Ramadan, d’ordre de 30%. Une situation qui se reproduira également à la fin du mois de jeûne, notamment avec les donations qui se font pendant ce moment. Les vendeurs se sont constitués un stock d’environ 50 sacs de 25 kg et une vingtaine de sacs de 50 kg. Les bénéfices escomptés à la fin du mois sont de 200 000 Fcfa.
Farine de blé
Pour cette denrée selon les informations de certains vendeurs, on note une hausse de la demande de 10 à 15% en comparaison à l’année dernière. Vendus en détails ou en sacs, les ventes s’opèrent plus en détail. Pour un kilogramme de farine de blé, il faut débourser la somme de 400 FCFA, pour un demi-kilogramme l’on parlera de 200 F. Dans la boutique de Saliou, au quartier Tsinga, dans la commune de Yaoundé 2, ce dernier s’est approvisionné d’une dizaine de sacs de farine de blé. Les bénéfices journaliers peuvent être de 2000 F voire plus lors de la vente au détail.
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Huile
Denrée quasi incontournable dans la cuisine, la demande d’huile pendant la période du jeûne du mois de Ramadan est de 45 à 50%. Les prix vont de 1000 F à 5700 Franc CFA. Au début du mois de jeûne, plusieurs familles se sont approvisionnées en grande qualité de cette denrée. Pour l’heure, c’est plus la vente au détail qui est pratiqée. « À la fin du mois de Ramadan l’on peut, avec tous ces aliments, faire un chiffre d’affaires qui avoisine le million de Fcfa. Avec ce gain, on se prépare généralement pour la fête », confie Ousmane, le sourire en coin.