Finances publiques: le rappel à l’ordre du DG du Trésor aux comptables publics
« Unilatéralisme », « discrétion », « cloisons inutiles », etc. le registre de langue choisi par le Directeur général du Trésor, de la coopération financière et monétaire pour s’adresser à certains de ses collaborateurs en dit long sur la gravité du « dossier » qu’il a sur sa table. Dans une « lettre-circulaire relative à la communication de la situation de la Trésorerie aux Ordonnateurs », signée le 16 mars 2021 et dont EcoMatin a eu copie, le Dgtcfm, Moh Tangongho Sylvester, semble littéralement agacé par le comportement des comptables publics et des receveurs municipaux au sein des entités publiques.
« L’unilatéralisme », « discrétion », « cloisons inutiles », etc. le registre de langue choisi par le Directeur général du Trésor, de la coopération financière et monétaire (Dgtcfm) du ministère des Finances pour s’adresser à certains de ces collaborateurs en dit long sur la gravité du « dossier » qu’il a sur sa table. Dans une « lettre-circulaire relative à la communication de la situation de la Trésorerie aux Ordonnateurs » signée le 16 mars 2021 et dont Ecomatin a eu copie, le Dgtcfm, Moh Tangongho Sysvester, semble littéralement agacé par le comportement des comptables publics et des receveurs municipaux au sein de entités publiques.
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Dans sa missive, le Dgtcfm fustige « l’unilatéralisme et la discrétion qui caractérisent la gestion de la trésorerie dans les postes dont vous avez la charge. » Selon les informations qui lui parviennent régulièrement certains comptables publics et des receveurs municipaux, sous le prétexte du respect de la séparation des fonctions entre l’ordonnateur et le comptable, « s’arc-boutent sur leurs fonctions en créant des cloisons inutiles avec les services des ordonnateurs, qui pourtant devraient concourir avec les vôtres, à l’atteinte des mêmes objectifs. » Concrètement, souligne le Dgtcfm, « ces derniers refusent surtout de communiquer aux ordonnateurs et en temps réels, les informations sur la trésorerie disponible, pourtant nécessaires à la planification des dépenses des structures auprès desquelles vous êtes placés. »Toutes choses qui amènent Moh Tangongho Sysvester à apporter des précisions sur la relation entre les Ordonnateurs et les comptables publics dans les entités publiques. Consacré par le droit public financier du Cameroun, le principe de séparation de fonction entre l’ordonnateur et le comptable, « vise fondamentalement l’indépendance du comptable dans les contrôles qu’il effectue en matière des dépenses et les recettes », rappelle-t-il à ses collaborateurs; Avant de les sommer de « mettre instamment fin à de telles attitudes, qui compromettent gravement l’accomplissement des missions assignés à ces différentes entités publiques et suscitent de ce fait des tensions avec les ordonnateurs. »
Suivez le guide
Dans les couloirs de la Dgtcfm, l’on reconnait sous cape la réalité du problème. « Le directeur général reçoit régulièrement de la part des Ordonnateurs un nombre important de plaintes contre les comptables publics et les receveurs municipaux..», indique sous anonymat un cadre à la Dgtcfm. Ici, on ne cache pas sa surprise face à la récurrence et l’ampleur du phénomène. Ce d’autant plus que « le directeur général porte au ministre des Finances chaque matin une fiche de Trésorerie. Ce qui permet au ministre de n’instruire aucune dépenses sans s’assurer de la disponibilité de la liquidité », explique notre informateur ; ajoutant que « si le directeur général, premier comptable de la République, rend compte au ministre des Finances de la situation de la Trésorerie, ce qui suppose une remontée d’informations de tous les postes comptables à travers le pays, cela suppose les comptables publics peuvent, eux aussi, faire de même auprès des Ordonnateurs».
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C’est sans doute dans cet esprit que Moh Tangongho Sylvester demande à ses collaborateurs placés auprès des entités publiques, de « mettre de façon hebdomadaire, à la disposition des Ordonnateurs et/ou à leur demande, l’ensemble des informations sur la trésorerie disponible et prévisionnelle ». Non sans insister sur le devoir d’une franche et étroite collaboration avec les différents Ordonnateurs, « dans le strict respect des compétences dévolues à chaque acteur dans la chaine de financière ».
Ordonnateurs-comptables publics : meilleurs ennemis
Sur les quelque 500 entités publiques recensées au Cameroun, les collectivités territoriales décentralisées (CTD) que constituent les régions (10), les communautés urbaines (14), les communes d’arrondissement (45) et les communes (315) représentent plus de 75%. C’est donc un échantillon suffisamment représentatif des rapports entre les Ordinateurs et les comptables publics. Ce d’autant plus qu’avec l’approfondissement et l’accélération de la décentralisation, les CTD ont désormais un rôle de premier plan à jouer pour apporter une plus-value au développement socioéconomique, culturel, sanitaire, éducatif et sportif au sein des populations à la base. En supprimant le principe de l’exercice concurrent par l’Etat des compétences transférées aux CTD, ces dernières en conservent désormais l’exclusivité, pour plus d’efficacité et d’efficience. Ce qui commande une saine collaboration entre tous les responsables, notamment entre les Ordonnateurs et les comptables publics.
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En effet, l’Etat est engagé depuis quelques années dans l’amélioration de la gestion de sa trésorerie et celle de ses démembrements dont les CTD, à travers l’institutionnalisation du Compte Unique du Trésor qui centralise l’ensemble des ressources publiques dont font parties les ressources des CTD. Les réformes engagées à cet effet ont abouti à la création d’un comité de Trésorerie, organe de pilotage impliquant diverses administrations, la systématisation du Plan de Trésorerie comme outil de gestion et le recours au financement des besoins de trésorerie par l’émission des titres publics. Malgré l’existence de ces réformes, il apparait que le principe de la centralisation des opérations des CTD demeure une réalité peu connue dans la mesure où le suivi de leur trésorerie est en cours d’organisation. La visibilité sur un horizon lointain reste encore faible compte tenu de la grande volatilité de leurs opérations, indique-t-on au ministère des Finances (Minfi).
Le nerf de la guerre
De fait, explique le Conseiller Technique N°1 au ministère de la décentralisation et du développement local, Nnoke Ngwese Anthony, entre le maire et le receveur municipal, les conflits portent surtout le nerf de la guerre. Ces conflits se manifestent, assez souvent, par le souci du maire, lorsqu’il veut exceller dans l’opacité et le manque de transparence, de « contourner les procédures, à travers des recettes parallèles, d’imposer au receveur municipal des procédures non orthodoxes, voire de procéder au déblocage des fonds sans base juridique régulière et sans la présentation des liasses réglementaires y afférentes ». Entre les deux, d’autres conflits existent, « du fait notamment du souci du receveur municipal de se soustraire au contrôle du maire qui, de son avis, n’est pas son patron ».
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En termes de conséquences, souligne l’expert, ces conflits entre le maire et le receveur municipal sont, assez généralement, sources de dysfonctionnements dont : le non-paiement à temps des salaires du personnel, de même que des prestations des partenaires ; le détournement des ressources destinées au financement du développement de la commune ; pour ne citer que ces deux cas.
Il en est des CTD comme des autres entités publiques. Le rapport 2019 sur la situation des entreprises publiques et des établissements publics publié par la Commission Technique de Réhabilitation des Entreprises du secteur public et parapublic révèle une aggravation de la défaillance de ces organismes publics dans la production de l’information financière dans les délais légaux.
Heureusement depuis 2014, la direction générale du Trésor, de la coopération financière et monétaire (Dgtcfm) multiplie ainsi les formations sur les techniques et enjeux de la gestion de la trésorerie des CTD à l’intention des Ordonnateurs et des receveurs municipaux. « La vulgarisation du droit, mais surtout de l’ensemble des principes qu’il véhicule, doit constituer une piste majeure de remédiation à emprunter », suggère Nnoke Ngwese Anthony en guise de piste de solution.
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