Secteur bancaire : l’Etat injecte 47 milliards pour sauver NFC Bank et UBC de la faillite
Dans une correspondance adressée le 18 février 2021 au Secrétaire général des Services du Premier ministre et dont EcoMatin a pu obtenir copie, le ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence de la République se fait le relais de nouvelles prescriptions du Président sur le dossier National Financial Credit Bank SA (NFC-Bank) et Union Bank of Cameroon (UBC). En proie à des graves difficultés depuis plus d’une décennie, les deux banques seront recapitalisées par le gouvernement à hauteur de 29,126 milliards de Fcfa pour NFC-Bank et 17,681 milliards de Fcfa pour UBC. Le Cameroun évite ainsi de s’attirer le courroux de la Cobac qui avait fixé au 28 février dernier la date limite pour mettre en œuvre le plan de restructuration des deux banques.
Comme annoncé par EcoMatin dans son édition du 18 mai 2020, l’Etat du Cameroun va payer la facture pour restructurer la National Financial Credit Bank SA (NFC-Bank) et la Union Bank of Cameroon (UBC). Les deux banques traversent depuis 2009 une zone de turbulence et font l’objet d’un plan de sauvetage depuis lors. Dans une correspondance adressée le 18 février dernier au Secrétaire général des services du Premier ministre, et dont EcoMatin a pu obtenir une copie, le Ministre d’Etat, Secrétaire Général de la Présidence de la République se fait le relais de nouvelles prescriptions du Président sur ce dossier. « J’ai l’honneur de vous faire connaître que le Président de la République autorise la prise en charge par l’Etat du coût de la restructuration à concurrence d’un montant ne pouvant excéder 29,126 milliards de FCFA pour la National Financial Credit Bank SA (NFC-Bank) et 17,681 milliards de FCFA pour Union Bank of Cameroon (UBC) » écrit Ferdinand Ngoh Ngoh. Cumulé, le montant à injecter par l’Etat pour relever ces structures, qui risquent une mise en liquidation de par leur situation financière préoccupante, s’élève à 46,807 milliards de FCFA.
L’aléa moral
Selon les sources de EcoMatin, la décision du Président de la République tombe à point nommé car la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) avait donné à l’Etat jusqu’au 28 février dernier pour mettre en œuvre le plan de restructuration de ces deux banques qui avaient été placés sous administration provisoire en 2009. Ce plan transmis à la Cobac en 2019 prévoit une reconfiguration du capital des deux établissements. « Pour UBC par exemple, Ecobank, qui avait repris les parts du Nigerian Oceancic Bank International dans le capital de UBC (54% des parts, ndlr) va payer un ticket de sortie. L’Etat va y injecter des fonds (17, 681 milliards), au titre de rachat des créances douteuses, prendre ainsi une partie du bilan et le nettoyer. La SRC (Société de recouvrement des créances, ndlr) pourra ensuite procéder au recouvrement forcé desdites créances ». S’agissant de NFC-Bank qui était sous administration provisoire avant de revenir à la normale, le plan de restructuration prévoit un rachat d’actions et de créances douteuses, la rationalisation de la gestion avec signature d’un contrat de performance, la recherche d’un repreneur et la cession des parts. Un modus operandi que l’Etat a déjà expérimenté par le passé avec Commercial-Bank Cameroun(CBC) et qui s’est soldé par un succès relatif. « Le gouvernement est convaincu, et avec raison, de la rentabilité de ces banques. Car pour l’instant c’est seulement leur solvabilité qui est cause. De plus, le gouvernement entend surtout protéger les épargnants. C’est cette double logique qui guide ses actions depuis que l’état critique des deux banques a été révélé par la Cobac», explique un responsable au ministère des Finances.
Prêts improductifs
Si la volonté du chef de l’Etat est de protéger les épargnants de ces banques, il n’en demeure pas moins que l’Etat pourrait y laisser des plumes. En plus d’apporter des actifs, l’Etat rachète les passifs (créances douteuses, prêts improductifs…) de l’entreprise et se charge de les recouvrer. Un exercice qui n’est pas toujours aisé. Pour le cas de la CBC, par exemple, un gros portefeuille de prêts improductifs avait été transféré par le biais d’un contrat entre le ministère des Finances et la banque, mais le ministère n’a pas encore chargé la Société de recouvrement des créances (Src) de gérer et de recouvrer ces prêts improductifs. « Sans mandat, la SRC n’entreprend pas de recouvrer les prêts improductifs et leur valeur diminue au fil du temps» s’inquiète le FMI.
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Pour limiter le volume des prêts improductifs, le Fmi préconise au Cameroun de mettre en œuvre un système efficace de saisies. A cela s’ajoute la promulgation de la loi sur le non remboursement de crédit bancaire. Mais pour que ce dispositif soit opérationnel, il reste la création des tribunaux de commerce, compétents pour connaître des contentieux bancaires. En réorganisant, au mois d’avril dernier, la Société de recouvrement des créances, qui jouit désormais du privilège du Trésor, le chef de l’Etat s’alignait déjà sur ces recommandations. Mais en attendant, leur mise en œuvre complète, Paul Biya prescrit au premier ministre de « prendre les mesures appropriées, afin qu’au terme de la restructuration (de NFC-Bank et UBC, ndlr), l’Etat du Cameroun récupère la totalité des sommes investies pour sauver les deux banques », écrit le SGPR dans sa correspondance.
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Pour rappel, c’est depuis 2009, que NFC Bank et UBC sont dans de sales draps. A cela est venue s’ajouter la crise dans le Nord-ouest et le Sud-Ouest où ces banques ont une forte assise. Le 07 septembre 2017, le ministre des Finances, adressant une correspondance à la direction générale de NFC Bank, déplorait déjà l’instabilité dont faisait montre son agence Bamenda de NFC Bank. Et comme si ça ne suffisait pas, la banque a été frappée en juillet 2019 d’une amende d’un milliard de F CFA par la Beac. Motif : non rétrocession de devises collectées. S’agissant de UBC, ses difficultés remontent à l’année 2011. Après le rachat par le groupe Ecobank d’Oceanic Bank (qui détenait des parts à Ubc), l’établissement bancaire camerounais n’est pas sorti de la zone de turbulence.
La recette CBC
Le nuage qui, en 2009, avait assombri le ciel de la CBC s’est d’ores et déjà épaissi au point où cet établissement de crédit semble voir l’horizon sous de nouveaux auspices. A l’actif de ce redressement, le plan de restructuration du gouvernement mené avec succès. Avec NFC-Bank et UBC, l’Etat est plus conforté à rééditer cette expérience tant ses résultats avec la CBC sont aujourd’hui probants. Au 31 décembre 2019, la banque annonçait avoir réalisé un résultat positif de 2,5 milliards de FCFA, soit une hausse d’un milliard comparé à son résultat réalisé en 2017. Une performance satisfaisante qui renvoie aux calendes grecques la mauvaise gouvernance qui avait poussé l’Etat, en 2009, à mettre cet établissement de crédit sous administration provisoire.
Sorti de redressement en 2016, la banque s’était vue attribuer un cahier de charge dans le cadre d’un contrat de performance signé entre Léandre Djummo, son Directeur Général, et Louis Paul Motaze, ministre des Finances et représentant de l’Etat du Cameroun. Axé sur une période de 3 ans (2018-2020), l’objectif majeur de ce contrat de performance était d’ « asseoir dans l’établissement, un cadre de gouvernance conforme aux bonnes pratiques, parvenir à une consolidation de l’assise financière de la banque au regard des normes prudentielles en vigueur et préparer l’ouverture du capital de la banque au profit des investisseurs crédibles, conformément à l’engagement de l’Etat-actionnaire majoritaire.
Avec un résultat net positif de 2,5 milliards de FCFA et des fonds propres de 23 milliards de FCFA en 2019, CBC a largement dépassé les objectifs qui lui étaient assignés. Suffisant pour que la Banque envisage une augmentation de son capital de 12 à 16,5 milliards de FCFA. Dans son rapport sur la 5e revue de l’accord de facilité élargie de crédit, le Fonds monétaire international (FMI) affiche sa satisfaction de la restructuration de la banque «Les autorités ont bien géré la situation de banques en difficulté dans un passé récent, mais le processus pourrait être simplifié afin d’optimiser » précise l’institution de Bretton Woods.
Depuis lors, la CBC reste l’un des acteurs majeurs en termes de financement de l’économie au Cameroun et en Afrique Centrale. Pour preuve, elle figure au troisième rang des banques en matière de crédits à l’économie en 2019. D’après le rapport sur l’évolution des taux débiteurs pratiqués par les établissements de crédits dans la Cemac la banque a octroyé des crédits à hauteur de 481,57 milliards de F CFA, soit 10,47% de l’encours global.