Cacao : un potentiel économique en péril dans la région de l’Est
La culture du cacao fait face à plusieurs contraintes dans la région de l’Est qui impactent négativement sur le rendement. « Etant fonctionnaire avec des salaires bas, j’ai pensé au cacao comme source alternative de revenu. C’est dans cette optique qu’avant ma retraite, j’ai créé un champ de près de 5 hectares au quartier Koumé-Koffi à Bertoua en 2008. Après quelques années, ma première récolte était décevante. Je n’avais que récolté 2 sacs, soit 200 kilogrammes », se lamente Faustin Messing, fonctionnaire à la retraite qui a voulu refaire sa vie dans la culture du cacao. Ce dernier précise que, « je me retrouve dans le cacao parce que mon père était un grand planteur à Mayos dans l’arrondissement d’Angossas, département du Haut-Nyong. En tant que chef du village, il organisait les planteurs. Quand les ZAPI-Est (Zone d’Actions prioritaires intégrés) sont venues après l’indépendance, ils se sont installés dans cette localité pour promouvoir l’agriculture. C’est ainsi que le cacao est devenu la principale culture de rente qui a permis à nos parents de nous envoyer à l’école.
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Pour notre interlocuteur, au-delà de ce faible taux de rendement enregistré dans son champ de 5 hectares, « la dégradation avancée de la route qui mène dans mon champ m’a découragé de continuer puisque je ne pouvais pas évacuer la production». En plus, reconnaît-il, « un agronome avait aussi constaté que j’avais trop embrassé en créant 5 hectares de cacao alors que c’est une culture qui nécessite un suivi permanent des plantes ». L’expérience troublante de Faustin Messing est pratiquement celle des milliers de producteurs de cette spéculation dans la région de l’Est. Selon un état des lieux de la filière dressé par la Délégation régionale de l’Agriculture et du développement rural (MINADER), « malgré les atouts favorables à la production du cacao à savoir, climat et sols favorables, disponibilité des terres, situation géographique stratégique (zones frontalières), de nombreux fonctionnaires, travailleurs et déplacés internes du Nord-Ouest, Sud-Ouest et les réfugiés centrafricains qui sont en train d’acquérir ces deux dernières années, des vastes étendues de forêts et s’y investissent dans la culture du Cacao. Mais la production reste faible ».
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D’après les statistiques du MINADER, en 2019, environ 85 496 agriculteurs étaient engagés dans la production du cacao sur une superficie de 95 240 hectares. A la fin de la campagne, seulement 41 550 tonnes ont été récoltées. Pourtant selon les estimations des experts du MINADER, « un hectare du cacao bien cultivé doit produire 1000 kilogrammes du fève du cacao comme c’est le cas en Côte d’Ivoire ». En 2019 par conséquent, les 95.240 hectares cultivés devraient produire environ 95,2 millions de tonnes au lieu de 41 550 tonnes. « L’objectif de 1000 Kg/hectare envisagé par les experts est difficilement attient. La production oscille seulement entre 400 et 500 kg/hectare », explique un technicien en service à la Délégation régionale de l’’Est.
Contraintes et faiblesses
A l’origine de ce décalage, de nombreuses contraintes et faiblesses sont observées dans la filière. Il s’agit de l’enclavement des bassins de production, de la faible connaissance et application des techniques culturales, de l’insuffisances quantitative et qualitative des semences, de l’origine douteuse des cabosses semencières, des attaques des maladies ravageurs et les feux de brousses incontrôlés qui déciment les champs. En février 2016 par exemple, les plantations de plus de 200 cultivateurs du cacao avaient été ravagées par les feux de brousse pendant une longue sécheresse à Gbakombo, une grande zone de production agricole située à environ 10 kilomètres de Bertoua. Ajouté à ces contraintes liées à la production, la filière cacao souffre d’un autre fléau au niveau de la commercialisation. Il s’agit des acheteurs clandestins qui arrachent le produit auprès des producteurs appauvris à vil prix. « Nous avons créé les brigades mobiles dans les départements présidés par les Préfets pour veiller à ce que la production ne se vende pas dans des circuits clandestins », rassure un responsable de la brigade de contrôle à la délégation régionale du Commerce. En fin de compte, l’objectif du gouvernement de lutter contre la pauvreté en milieu rural à travers la promotion des cultures de rente comme le cacao n’est toujours pas atteint.
Initiatives
Pour sauver la filière, le Projet d’Appui au développement du cacao (PAD-CACAO) a été créé. Par décision No 00026 du 17 février 2020, le ministre de l’Agriculture et du Développement Rural a procédé à la restructuration des projets et programmes financés par le budget d’investissement public (BIP) et le Fond de développement du café-cacao (FODECC). Ce nouveau projet se veut être l’un des outils opérationnels du MINADER pour le développement de la chaîne de valeur cacao au Cameroun. « Nous travaillons pour augmenter la production quantitative et qualitative à travers l’accroissement des superficies, la limitation des pestes et la recherche des variétés améliorées. Pour atteindre ces objectifs, nous avons actuellement plus de 40 pépinières dans les arrondissements de la région. A côté de cela, il y a aussi la société de développement du cacao (SODECAO) et les pépiniéristes formés par le MINADER pour la production des plantes de qualité », affirme Joseph Woumké, coordonnateur du PAD-CACAO à l’Est. Il ajoute que, la sensibilisation des producteurs sur le respect des normes en matière de fermentation et séchage ainsi que la structuration de la filière à travers la création des coopératives des corps de métier (producteurs, transformateurs, transporteurs) sont les actions à mener pour rentabiliser la filière cacao à travers l’augmentation de la production et la productivité.
« Il faut ouvrir les pistes de collecte dans les bassins de production »
Mboble Dob, président régional de la plateforme nationale des organisations professionnelles agro-sylvo-pastorales et halieutiques du Cameroun
La région de l’Est est composée en majorité de paysans et le ministère de l’Agriculture et du développement rural fait beaucoup pour le développement agricole. On citera sans être exhaustif, les multiples projets et programmes tels que PCP-ACEFA, PCP-AFOP qui font des preuves sur le terrain. Et particulièrement, la reformulation du Projet d’appui au développement du cacao, seul projet qui a consulté les producteurs pour une amélioration du processus de sa mise œuvre. Si les recommandations qui ont été faites sont prises en compte notamment avec la création du guichet de producteurs, vous aurez amorcé à ce niveau, la victoire dans le processus de développement de la filière cacao, il ne restera plus que l’épineux problème de la création et de l’ouverture des pistes de collecte dans les basins de production à ne pas confondre avec les pistes rurales.
Martin FOULA
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