« Indépendance de l’Ambazonie » : un voile idéologique sur un juteux business
Et si la lutte pour l’instauration d’un Etat Ambazonien n’était qu’un écran destiné à masquer un business model extrêmement lucratif ? Dans les régions anglophones, les signes qui peuvent laisser y croire se multiplient. Ce qui pourrait compliquer la solution de cette guerre qui perdure depuis 5 ans par la force.
Le 1er septembre 2020, le général de brigade Valère Nka, commandant de la 5e région militaire interarmées, annonçait avoir neutralisé avec ses troupes au moins 17 séparatistes dans la région du Nord-Ouest, dans l’une des opérations les plus meurtrières depuis le déclenchement de la crise anglophone. Les fruits de cette incursion menée pendant 6 jours dans le département du Boyo, un fief sécessionniste, a donné le ton à l’implémentation de l’opération Bamenda clean qui visait à débarrasser la capitale régionale du Nord-Ouest des bandes armées qui en avait fait leur base arrière.
Les jours et les semaines qui ont suivi cette première annonce, les autorités militaires ont multiplié les victoires sur le front de guerre. Face à la pression des forces de défense et de sécurité, de nombreux « généraux » ambazoniens ont été défait les uns après les autres. Mad dog, bush rambo, Boby, Mbatu et bien d’autres figures de ces groupes n’ont pas pu résister à la puissance de frappe de l’armée camerounaise.
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Mais alors que les observateurs croyaient le mouvement affaibli, la résurgence des attaques et de leurs lots de victimes en ce début d’année 2021 fait constater que cette opération n’a pas réussi à enrayer le cycle de violence qui se perpétue dans cette zone. Les groupes séparatistes ambazoniens continuent de démontrer leur capacité de nuisance, en multipliant les assauts contre les forces de défense dont le nombre de victimes est sans cesse croissant. A bien observer, cette détermination trouverait son explication dans les rentes que tirent les combattants armés de la situation de crise qui paralyse les régions anglophones.
Une ingénierie financière remarquable
Les milices se réclamant de l’Ambazonie ont en effet bâti, grâce à l’assise territoriale, un système économique autosuffisant et diversifié qui repose sur un large éventail d’activités commerciales, de subventions externes et de trafic de contrebande. De la drogue aux denrées agricoles en passant par les armes, la promesse d’une indépendance est vraisemblablement passée d ‘un projet de société, ou d’une terre promise à une stratégie d’affaires savamment élaborée, fondée sur le grand banditisme pour accumuler des richesses en un temps record. Les groupes armés affichent une grande maîtrise des canaux de financement possibles en combinant diverses sources.
Si les données réelles des flux financiers qui ont cours dans cette nébuleuse sont difficiles à retrouver, ceux qui apparaissent au grand jour donnent le tournis. L’on sait ainsi que dans les premières années de la crise, au moins 400 millions de francs CFA (800.000 dollars) ont été collecté par la diaspora pro-séparatiste pour arroser les groupes armés de matériels de guerre et pour financer le lobbying de la cause aux Etats Unis, dans le cadre de l’opération « My Trip to Buea ». Cette campagne n’a cependant pas prospérer, les comptes bancaires des initiateurs de cette collecte ayant été bloqués à la suite du déclenchement des poursuites judiciaires à leur encontre pour financement du terrorisme.
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Dans sa toute première évaluation nationale des risques (ENR) de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme, qui a bénéficié de l’appui technique de la Banque Mondiale, les autorités camerounaises indiquent que les activistes sécessionnistes de la diaspora se sont alors tournés vers l’usage de la crypto monnaie. Selon ces derniers, près de 160 milliards de FCFA dédiés aux terroristes ont migré par ce canal pour la période 2018. « Il ressort des rapports des services de renseignement les groupes armés sécessionnistes des régions anglophones dont les comptes bancaires avaient été bloqués à la suite du déclenchement des poursuites judiciaires à leur encontre pour financement du terrorisme, utilisent désormais le réseau de crypto monnaie “ambacoin” pour apporter leur soutien à ces bandes armées. (31 000 unités avaient déjà été achetées à fin septembre 2018.», révèle ledit rapport.
Business des kidnappings
Au fil des années, les subventions externes se sont progressivement amenuisées et les groupes armées ont eux-mêmes créé des sources d’approvisionnement sur le terrain. Depuis 2019, les kidnappings avec demande de rançon ont explosé dans les régions anglophones. Selon une source sécuritaire, les sommes exigées pour la libération d’un otage vont de 50.000 francs Cfa à 50 millions de francs Cfa dépendant de l’importance et de la notoriété de l’otage. « Lorsqu’ils vous prennent, il communique un numéro de téléphone auquel vous allez faire un versement dans le compte mobile. Très souvent ces comptes appartiennent à des personnes décédées dont ils disposent des cartes d’identité, ce qui complique leur traçabilité », explique un membre des forces de défense.
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Aucun chiffre de ce trafic n’est disponible. Selon des sources sécuritaires cependant, ce business serait tellement lucratif que des bandits de grand chemin ne connaissant rien de l’idéologie ambazonienne auraient rejoint les brousses pour s’y exercer. A côté de ces demandes de rançons, les groupes séparatistes collectent un effort de guerre qu’ils imposent par les menaces de représailles. Cet impôt frappe notamment les transporteurs, et les ressortissants anglophones qui souhaitent procéder à des inhumations dans les villages. « Nous leur avons donné 150 000 francs pour faire enterrer notre défunte maman à Ndu, rapporte Anne Mary, une habitante de Bamenda. Si vous ne le faites pas, ils vont vous kidnapper lorsque vous viendrez au village ou ils vont brûler votre maison. Personne n’y échappe. Même pas les grands qui viennent de Yaoundé».
En alliant des pratiques issues du crime organisé, du terrorisme, des sectes et du domaine militaire, les Amba boys ont réussis à poursuivre l’expansion d’un mouvement sans territoire physique. Ce qui amène de nouvelles difficultés à lui appliquer une réponse militaire efficace, et relance l’hypothèse de négociations suivies d’une réintégration comme ultime recours de sortie de crise.
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