Politique économique : les enjeux de la baisse des dépenses en capital sur le secteur privé
Contraint par le FMI à réduire son déficit budgétaire et à ralentir son rythme d’endettement, gouvernement est obligé d’opérer des coupes sèches sur ses investissements. Le secteur privé va certainement en pâtir et la relance économique espérée ne sera probablement pas au rendez-vous.
Le budget 2018 est donc sur les rails. Après le niveau central, le lancement au niveau des régions a eu lieu le 10 janvier dernier. L’analyse des différentes rubriques permet de noter une augmentation de l’enveloppe dédiée aux dépenses courantes à 2195 milliards de FCFA (+75,8 milliards de FCFA) et une baisse des dépenses en capital à 1291,5 milliards de FCFA (-295,39 milliards). En d’autres termes, pendant que l’on attend que l’Etat se mette à la diète, le gouvernement a décidé d’appliquer sa cure d’amaigrissement ailleurs que sur le train de vie de l’Etat. D’une manière générale, le budget d’investissement public est en chute libre. Les plus fortes baisses s’enregistrent dans les ministères des Travaux Publics (-136,141 milliards), le ministère de l’Eau et de l’Energie (-60,525 milliards), le ministère de l’Habitat et du développement urbain (-46,852 milliards), le ministère de la Santé publique (-44,119 milliards), le ministère de l’Agriculture et du développement rural (-34,684 milliards) et le ministère des Postes et Télécommunications (-6,242 milliards). Cette baisse des dépenses d’investissement affecte donc particulièrement les activités sociales et économiques.
Ainsi, il semble plus facile d’agir (réduire) sur les dépenses d’investissement dans les infrastructures que sur le service de la dette ou sur le traitement des fonctionnaires comme en témoigne la contraction de l’investissement public durant la période d’ajustement structurel. Mais il faut craindre un « retour de balancier » puisque, soulignent les économistes, «la mauvaise dépense chasse la bonne», à savoir la dépense en capital qui permet à la fois de stimuler le potentiel de croissance et, par conséquent, d’améliorer les perspectives de financement des dépenses publiques à plus long terme. En effet, dans un article publié en 2007 dans la revue Afrique contemporaine, l’économiste togolais Kako Nubukpo rappelle que « les résultats obtenus par les théoriciens de la croissance endogène montrent l’impact généralement positif des dépenses publiques d’investissement, notamment dans les infrastructures de transport, de santé et d’éducation, sur la croissance économique. » Les amputations des dépenses d’investissement risquent de porter un coup dur au développement du pays pour autant qu’elles se concentrent sur des activités socio-économiques stratégiques.
Pour l’année écoulée, le gouvernement reconnait plus de 414 milliards de dépenses non réalisées à fin septembre 2017. L’information est contenue dans une note de synthèse de l’exécution budgétaire au 3e trimestre 2017, publiée le 02 janvier 2018 par le ministère des Finances (Minfi). Le document indique que durant cette période, sur les 3170,2 milliards de FCFA de dépenses budgétaires prévues, seules 2755,9 milliards ont été exécutées, soit un taux d’exécution de 86,9%.Une fois de plus, ce sont les dépenses d’investissement pâtissent le plus. Elles représentent plus de la moitié du volume des dépenses non réalisées.
Ainsi, faute de vouloir réduire le train de vie luxueux de l’administration, rationaliser le parc automobile de l’État et s’attaquer véritablement à la corruption endémique, le gouvernement est condamné à tailler dans les dépenses en capital physique et humain. Finalement, le gouvernement n’a pas résisté (sous la pression du FMI ?) à la tentation de renouer avec la politique des coupes claires dans les dépenses en capital menée dans le cadre du programme d’ajustement structurel. Mais une solution durable au marasme économique du Cameroun passe certainement par des réformes structurelles efficaces que le gouvernement hésite à mettre en œuvre : réforme de l’administration publique (baisse de la masse salariale, réforme de des pensions des fonctionnaires, etc.