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Conjoncture

Aménagement du territoire : l’arrondissement de Deuk coupé du Cameroun

Alors qu’il a chaviré depuis le 19 juillet dernier, le bac du fleuve Nchia-Yang, reliant les arrondissements de Deuk et de KonYambetta dans le Mbam et Inoubou, n’a toujours pas été remplacé. Pourtant, le Ministre des travaux publics avait annoncé en grande pompe l’installation d’une nouvelle infrastructure en vue d’assurer le maintien de la circulation sur ce tronçon quelque peu enclavé. 4 mois après, la situation est au point mort, les populations continuent de recourir à des méthodes peu sécurisées pour partir d’un point à l’autre.

Du courage, il en faut une bonne dose à qui emprunte une pirogue pour traverser le fleuve Nchia-Yang dans le département du Mbam et Inoubou, région du Centre. Ce cours d’eau qui sépare les arrondissements de Deuk et de Kon-Yambetta, est porteur de plusieurs anecdotes. « Ça fait deux mois, une pirogue en pleine traversée a chavirée sous nos yeux. Heureusement il n’Ya avait que son conducteur qui savait nager ; et là encore il a eu besoin qu’on vienne le secourir sinon on aurait frôlé le pire » raconte d’un ton apeurée Antoinette Kegoue. Cette commerçante s’est spécialisée dans l’achat des vivres dans la ville de Deuk qu’elle transporte ensuite pour revendre à Bafia, chef-lieu du département du Mbam et Inoubou. Une activité à priori sans risque qui, pourtant est devenue depuis quelques mois, un véritable calvaire pour cette commerçante, obligé d’emprunter une pirogue pour rallier d’un bout à l’autre et de motos, pour conduire sa marchandise au points de vente. « Quand le bac s’est coupé j’ai d’abord arrêté avec le commerce mais puisque rien ne bouge, je suis obligé de passer par la pirogue pour transporter mes marchandises » justifie-t-elle.

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Comme Antoinette, commerçants et passagers qui empruntent l’axe Lable-Ngoro se retrouvent dans l’obligation de sacrifier au rituel. Au bord du fleuve, 5 pirogues équipées chacune d’un moteur sont prêtes à vous faire traverser pour la modique somme de 500 FCFA. A l’observation, aucune mesure de sécurité n’est prise par les transporteurs, tous des jeunes de la contrée, qui visiblement sont les heureux bénéficiaires de la situation présente. La pirogue en bois qui sert de moyen de transport est loin d’afficher fière allure. Malgré la vétusté de leur moyen de transport, les piroguiers transportent au moins une dizaine de personnes par passage ; et ce n’est pas tout. Bananes plantains, sacs de Cacao, animaux… tout y passe, à condition de payer le prix.

Depuis le naufrage du bac, plus l’ombre d’un véhicule ne passe sur l’axe reliant les deux arrondissements du Mbam et Inoubou. Il faut s’y rendre à bord d’une moto, laquelle sera également transportée dans la pirogue pour rallier l’autre bord avant de poursuivre le chemin jusqu’à Deuk. Un véritable parcours de combattant pour les populations qui pourtant nourrissaient l’espoir d’un retour à la normale.

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Promesses non tenues

Sur la rive de Kon-Yambetta, le bac a complètement disparu ; emporté par les eaux nous apprends-t-on. Cet équipement de franchissement de près de 40 tonnes avait chaviré sous la pression des eaux, le 19 juillet dernier, interrompant ainsi le trafic sur l’axe Lable-Ngoro.

Quelques jours plus tard (30 juillet) c’est une forte délégation venue de Yaoundé et conduite par le Ministre des Travaux publics (Mintp), qui est venu toucher du doigt la situation. «Nous sommes venus apprécier la situation créée par le chavirement de ce bac, d’ordre de Monsieur le Président de la République qui a été saisi de cette catastrophe par les populations concernées » avait alors relevé Emmanuel Nganou Djoumessi. Le membre du gouvernement avait alors dans la foulée rassuré les populations quant-au rétablissement de la situation dans un délai relativement court. «Nous avons déjà un bac qui va y être installé en ce même lieu d’ici une trentaine de jours. Vous noterez que je suis là avec l’ingénieur industriel concerné. Ses éléments seront acheminés ici pour que le bac soit à nouveau fonctionnel pour relier cette rive de Kon Yambetta à celle de Deuk dans les trente prochains jours» avait-il martelé. Une annonce qui avait alors laissé en joie les populations des deux arrondissements.

Par ailleurs, Emmanuel Nganou Djoumessi avait instruit la mise en place d’une commission d’enquête technique pour révéler dans un délai de 10 jours les causes de la chute de ce bac. L’euphorie des populations fût cependant de courte durée, puisque un mois après la situation n’avait pas évolué d’un centimètre. Aujourd’hui encore, elles attendent, désespérés, le fameux bac qui n’arrive toujours pas.

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Ce qui coince

« Nous avons l’impression d’être abandonnées à notre propre sort. Deuk est une commune qui, pendant les élections offre toujours plus de 100% au RDPC ; mais nous ne comprenons pas pourquoi nous sommes ainsi lésés. Nous avons l’impression d’avoir été trompés par le ministre » commente Kegoe Kegoe Dieudonné. Ce commerçant qui souffre dans sa chair de l’absence d’un moyen sécurisé de transit peut sembler excessif. Mais sa hargne est bien justifiée puisque jusqu’ici, la promesse du membre du gouvernement est loin d’être tenue. La raison, nous explique-t-on sur place, les lenteurs observées dans la passation du marché. « Le ministre avait donc donné un délai de 30 jours, et jusqu’ici, nous sommes à plus de 30 jours. Seulement, le ministre une fois rentré a pris des dispositions règlementaires afin d’encadrer sa promesse. Il fallait naturellement qu’un marché soit passé, il venait de recevoir l’autorisation du ministre des marchés publics, pour passer le marché de gré à gré, l’entreprise a déjà été sélectionnée, nous attendons la signature de contrat pour que l’entreprise se remobilise sur le terrain comme elle avait anticipé » explique Michel Tamaoum Zintché, maire de la commune de d’arrondissement de Deuk.

Pourtant, au moment de la survenue du drame, une entreprise, avait été choisie pour installer dans les délais, un nouveau bac. « Après le passage du ministre l’entreprise a débarqué avec des pièces d’assemblage du nouveau bac de franchissement mais faute d’avoir passé le marché, elle a préféré mettre la pédale douce » nous souffle une source locale. Au ministère des travaux publics, règne une relative opacité sur les raisons du blocage de ce chantier dont l’urgence ne fait plus l’ombre d’un doute. « Les travaux vont démarrer le plus tôt possible et vous serez informés. Sachez qu’il y’a des procédures qui ne dépendent pas que du Mintp. Vous serez informés en moment opportun» réagit un responsable au Mintp.

Visiblement, les travaux ne démarreront pas si tôt ; vue qu’aucune date de redémarrage des travaux n’est annoncé. Au niveau des autorités locales, l’on reste tout de même optimiste. « Nous osons croire que d’ici le mois de mars, le bac reprendra le trafic » lance le maire de la commune d’arrondissement de Deuk. En attendant, le calvaire se poursuit pour les populations, qui ne demandent qu’un chemin pour vaquer paisiblement à leurs activités.

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Comment l’absence du bac de franchissement freine l’activité économique

Située dans le département du Mbam et Inoubou, région du Centre Cameroun, l’arrondissement de Deuk s’étend sur une superficie de 1 555 km2. Il est situé à environ 161 km de Yaoundé la capitale politique du Cameroun. Créée par décret présidentiel du 24 avril 1995, l’arrondissement de Deuk est relié par la proximité de la nationale N°4 desservant l’Ouest et la régionale N°25 desservant le département du Noun. Il est limité à l’Est par Ngoro, au Sud par Bafia, au Nord par Ngambe Tikar et à l’Ouest par l’arrondissement de Massagam.

L’agriculture, reste la principale activité de revenue dans la zone et les principales cultures sont la banane plantain, les céréales, les légumineuses (Arachide Soja), les cultures maraichères (oignon, tomate, légumes) et les cultures de rente telle que le Cacao, le café et les palmiers à huile. Compte tenu de l’étroitesse de son marché, les produits issus de cette activité sont pour la plupart destinés à la vente dans les villes voisines.

Ainsi, chaque jour, des revendeuses font des navettes pour s’approvisionner à des coûts, plus ou moins abordables. Compte tenu de la richesse de sa production agricole et l’étendu de l’approvisionnement qu’elle apporte à ses voisins, l’arrondissement de Deuk est considéré à juste titre comme le « grenier du département du Mbam et Inoubou».

Seulement, depuis le 30 juillet dernier, l’activité économique est devenue peu lucrative à cause du chavirement du bac de franchissement ; unique voie de transit directe entre Deuk et ses voisins. En raison de à cause de l’absence de ce moyen de passage, difficile d’acheminer les produits agricoles vers l’extérieur. Les revendeuses ont recours à la pirogue, qui en plus de son lots de danger s’avère beaucoup plus coûteux. « Pour faire sortir les marchandises de Deuk c’est devenu extrêmement compliqué pour nous. Nous devons emprunter les motos, sur de longs trajets ; et comme si ça ne suffisait pas, lorsque vous arrivez sur la rive, vous devez payer au moins 1000 F par tour pour le chargement de vos marchandises. C’est lent c’est couteux et c’est pénible pour nous » avoue Chanceline, une revendeuse. La conséquence de cet état de fait, c’est que de moins en moins de revendeurs (ses) sollicitent l’arrondissement de Deuk pour s’approvisionner en produits agricoles. Résultat des courses, les populations se retrouvent dans l’obligation de vendre leurs marchandises à des prix extrêmement dérisoires. « Parfois le kg de cacao se vend à Bafia à 1000 F mais à Deuk, vous retrouverez le même cacao à 700F tout simplement parce que l’acheminement vers la ville est extrêmement difficile. Pourtant quand le Bac était fonctionnel, la marge n’était pas aussi élevée » explique le maire de la commune d’arrondissement de Deuk.

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En plus de cela, les prix des produits de grande consommation importés en direction de Deuk connaissent une forte augmentation de leur coût. Savon, huile, boisson et autres sont beaucoup plus chers lorsqu’on se situe de ce côté du fleuve Nchia-Yang. Une situation difficile à vivre pour les populations qui espèrent un retour à la normale. En plus de la réhabilitation de leur bac elles émettent le vœu de voir se multiplier les ouvrages de franchissement afin de dynamiser l’activité économique de leur localité. « Les principaux problèmes auxquels font face les populations locales sont l’absence d’un pont sur le Mbam, l’insuffisance d’ouvrages de franchissement, la présence des bourbiers sur certains tronçons surtout en saison de pluies, les chaussées glissantes, l’insuffisance et l’inefficacité des comités d’entretien des routes, l’absence de gare routière… » énumère un agriculteur.

« Cette situation crée un coup dur l’économie »

Michel Zintche Tamoum, maire de la commune d’arrondissement de Deuk.

Quel est à ce jour l’état d’avancement du projet de remplacement du bac de Nchia-Yang après le chavirement ?

Le Bac sur le fleuve Nchia-Yang avait chaviré le 19 juillet 2020. Le 30 juillet 2020, le ministre en charge des travaux publics et une forte délégation se sont rendus sur le terrain pour toucher du doigt le drame qui nous est arrivé. Le ministre avait donc donné un délai de 30 jours, et jusqu’ici, nous sommes à plus de 30 jours. Seulement, le ministre une fois rentré a pris des dispositions règlementaires afin d’encadrer sa promesse.

Il fallait naturellement qu’un marché soit passé, il venait de recevoir l’autorisation du ministre des marchés publics, pour passer le marché de gré à gré, l’entreprise a déjà été sélectionnée, nous attendons la signature de contrat pour que l’entreprise se remobilise sur le terrain comme elle avait anticipé. C’est d’ailleurs ce qu’avait demandé le ministre, mais comme elle n’avait pas assez de moyen, elle a préféré arrêter les travaux. Nous osons croire que d’ici le mois de mars, le bac reprendra le trafic.

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Quel est l’impact de cette situation sur l’activité économique de votre commune ?

Depuis cet incident, les commerçants sont bien obligés d’emprunter des pirogues qui portent la marchandise d’une rive à l’autre. Ça crée un coup dur l’économie. Tenez par exemple, le prix du cacao est Bafia est devenu de très loin plus cher que celui de Deuk. Parfois le kg de cacao se vend à Bafia à 1000 F mais à Deuk, vous retrouverez le même cacao à 700F tout simplement parce que l’acheminement vers la ville est extrêmement difficile. Pourtant quand le Bac était fonctionnel, la marge n’était pas aussi élevée. Par ailleurs, les marges de bénéfices des opérateurs qui font dans le petit commerce est relativement réduit. Un bidon d’huile acheté à Bafia coûtera beaucoup plus cher quand vous le revendez à Deuk car il faut inclure les charges de transport qui entre temps ont augmenté. Le prix de vente des produits qui entrent à Deuk en provenance de Bafia et Yaoundé ont, de manière globale connu une hausse, alors que les produits qui vont de Deuk pour Bafia connaissent sont en baisse.

Quelles alternatives s’offrent, dès lors, pour le transit de ces marchandises ?

Il y’a bien entendu une alternative mais disons qu’elle est plutôt fastidieuse. Pour le« Cette situation crée un coup dur l’économie ».moment, il faut emprunter le bac sur le fleuve Guerrima, dans l’arrondissement de Ngoro. Seulement, le transport est très couteux, et comme si ça ne suffisait pas, est très mauvaise, ce qui fait qu’on y prend une voire deux heures de plus qu’en passant par pirogue.

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Quel message souhaitez-vous passer aux autorités centrales ?

Je dirai merci au chef de l’Etat S.E Paul Biya qui a jeté son dévolu sur notre peuple en lui donnant un pont pour effectuer la traversée. Nous sommes conscients que partout au Cameroun, les voies d’accès sont particulièrement difficiles mais nous disons merci parce que dès que le drame est survenu, le président a instruit son ministre de descendre sur le terrain et des dispositions ont été prises. Nous disons également merci parce que dans la dotation de l’Etat aux CTD, Deuk a eu la plus grande enveloppe avec plus de 4 millions de FCFA.

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