Administration douanière : la protection des droits des contribuables renforcée
Les nouvelles dispositions font sauter le droit à la confidentialité, le secret professionnel et le secret bancaire. En revanche, les assujettis peuvent désormais se faire assister par un expert douanier lors des missions de contrôle et faire recours devant une Commission d'arbitrage des litiges douaniers et le Président du conseil des ministres de l’Ueac.
Les frontières camerounaises sont réputées poreuses en matière de commerce transfrontaliers. Cette idée déteint sur l’image de l’administration douanière. Mais les résultats de cette dernière tendent à démontrer le contraire ou à tout le moins appellent à mettre un bémol. La dernière session (140e) de la commission d’approbation des dossiers contentieux tenue le 2 décembre 2020 à Yaoundé va dans ce sens. Les commissaires ont passé en revue les opérateurs et commissionnaires agréés en douane contrevenants, ainsi que les grandes saisies entre le 03 novembre et le 1er décembre 2020. Les délibérations ont porté sur 635 dossiers reçus au secrétariat technique.
Au terme des travaux, il en ressort que « les droits compromis ou éludés (DC-DE) passent de 7 006 206 373 de Fcfa à 9 514 046 464 de Fcfa. Les amendes passent de 8 650 443 708 de Fcfa à 11 680 684 567 de Fcfa», lit-on dans la lettre d’information de la direction générale de la Douane (DGD). En clair, la comparaison du cumul des onze premiers mois de l’année 2019 à celui de l’année 2020 laisse apparaître une évolution positive des montants des droits compromis ou éludés et des amendes. Bien plus, la croissance des indicateurs liés aux droits compromis ou éludés et amendes (+35,79%) contraste avec la baisse du nombre de dossiers enregistrés (-5,6%). ce qui laisse penser à une amélioration de l’efficience des contrôles douaniers en 2020, souligne-t-on à la direction générale de la Douane à Yaoundé.
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Efficacité renforcée
Dans le détail, apprend-on, les secteurs des douanes du Littoral I (296 dossiers), du Nord (113 dossiers) et du Littoral II (87 dossiers) forment le trio de tête au classement des unités en termes de nombre dossiers enregistrés pour cette session. Les services centraux ont transmis 16 dossiers contentieux. Les secteurs des douanes du Sud II, du Centre, du Sud I et de l’Adamaoua ont également participé à la production contentieuse. En termes de droits compromis ou éludés, le duo de tête est composé du Littoral I et des services centraux qui représentent 66,3%. En termes d’amendes, les services centraux arrivent en tête avec 648 000 000 de Fcfa. Ils sont suivis du Littoral I (289 600 000 de Fcfa) et du Sud II (78 650 000 de Fcfa).
Les infractions les plus commises sont le défaut de Rapport sur la Valeur et le Classement Tarifaire (RVC, 137 cas), la fausse déclaration de valeur (107 cas), l’importation en contrebande (107 cas) et l’inexécution des engagements souscrits dans les acquis-à-caution et soumissions (46 cas). L’infraction ayant généré le montant le plus élevé de droits compromis ou éludés est la fausse déclaration de valeur avec 155 463 228 FCFA, suivie de la fausse déclaration d’espèce avec 66 739 195 FCFA. Le défaut de RVC a généré le montant le plus élevé d’amendes avec 168 650 000 FCFA.
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Sur les neuf premiers mois de l’année, le chef de la division de la législation et du contentieux à la DGD, Yves Patrick Tchami, fait état de 6404 dossiers de contentieux douaniers représentant 9 861 449 543 Fcfa de DC-DE et de 10 307 417 567 Fcfa d’amendes. Dans ce total, les services centraux y ont contribués pour 1276 dossiers pour une valeur de 5 384 459 983 Fcfa de DC-DE et 5 731 858 256 Fcfa d’amendes. Ils sont suivis par le secteur des douanes du Littoral I avec 3256 dossiers représentant une valeur de 3 415 144 769 Fcfa de DC-DE et 3 495 853 983 Fcfa d’amendes.
La prochaine session de la commission d’approbation des dossiers contentieux devrait se tenir avant la fin de l’année.
Protection renforcée des droits des contribuables
Le projet de loi de finances 2021 vient d’être adopté par l’Assemblée nationale. Au titre des mesures d’amélioration du climat social et de l’environnement des affaires, le texte prévoit trois nouveaux articles qui consacre le « renforcement de la protection des droits des contribuables à travers d’une part, le réaménagement des mécanismes d’exercice des voies de recours, et d’autre part, l’institution d’une deuxième instance indépendante d’examen desdits recours », selon le ministre des Finances, Louis Paul Motaze.
L’article septième traite des modalités de mise en œuvre des contrôles douaniers différés et à posteriori. On retient que « les dispositions des articles cinquième de la loi de finances pour l’exercice 2004 et sixième de la loi de finances pour l’exercice 2008 relatives aux contrôles douaniers différés et a postériori sont abrogées ».
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Aucun secret n’est toléré
Dans le cadre des contrôles douaniers différés et a posteriori, les membres des missions de contrôles douaniers peuvent solliciter et se faire présenter, contre décharge et pour examen, tous documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission, y compris la documentation relative aux prix de transferts ; procéder à toute vérification des écritures financières, comptables et commerciales ; se faire présenter l’ensemble du courrier et des correspondances de l’entreprise, sans qu’il ne soit possible de leur opposer la confidentialité, le secret professionnel et le secret bancaire.
Sauf disposition expresse de la loi ou autorisation spéciale du ministre chargé des finances ou du directeur général des Douanes le cas échéant, sont et demeurent interdites « la superposition d’équipes de contrôles auprès d’un même contribuable ; la programmation de plus d’un contrôle a posteriori au sein d’une entreprise, sur le même objet, au cours de la même année ; la reprise d’un contrôle pour une période ayant été soumise à une vérification antérieure sanctionnée par un procès-verbal régulier. » De même, « la durée d’une mission de contrôle a posteriori auprès d’une société ne peut excéder trois mois, pour compter de la date de signature du procès-verbal d’ouverture d’enquêtes».
Désormais, « les responsables des entités contrôlées sont tenus d’assister aux travaux de la mission de contrôle, et peuvent se faire assister, le cas échéant, par un expert douanier de leur choix. » Ou entre, les responsables de l’entité contrôlée sont tenus d’apporter une réponse, point par point, aux constatations contenues dans les procès-verbaux intermédiaires. L’entité contrôlée dispose d’un délai de huit jours francs pour présenter aux vérificateurs, par correspondance laissant trace écrite, les arguments et preuves qu’elle entend opposer sur chaque infraction ou manquement relevé dans ledit procès-verbal.
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Répression et accompagnement
Au terme du contrôle, les vérificateurs sont tenus de rédiger un rapport général d’enquêtes qui indique les manquements relevés, les forces et les faiblesses de l’entreprise en lien avec les aspects douaniers.
Quant aux conditions d’exercice des voies de recours en douane prévues à l’article huitième, il ressort que le recours doit, sous peine de forclusion, être adressé directement au directeur général des Douanes dans un délai de 30 jours francs à compter de la notification du procès-verbal querellé et de l’amende éventuelle; le recours doit être accompagné d’une soumission contentieuse dont le montant correspond, soit à la totalité des droits et taxes de douane contestés lorsqu’il s’agit des constatations des « unités de première ligne » ou des « contrôles différés », soit lorsqu’il s’agit des contrôles a posteriori, de 20% du montant des droits et taxes de douane éludés contestés ou de 20% de l’amende fixée quand il n’existe pas de droits et taxes éludés.
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En cas de rejet, l’entité contrôlée peut, sous peine de forclusion, introduire un nouveau recours auprès de la Commission d’arbitrage des litiges douaniers, dans un délai de 30 jours. Présidée par un responsable désigné par le ministre en charge des Finances, cette Commission d’arbitrage est fondée à recevoir tout type de recours en douane découlant des contestations des constatations des contrôles immédiats, différés ou a posteriori. Lorsqu’un redevable conteste une décision de la Commission d’arbitrage des litiges douaniers, il saisit le Conseil des ministres de l’Union Économique des États de l’Afrique Centrale (Ueac) dans un délai de 30 jours francs à compter de la date de notification de la décision. Toutefois, stipule le projet de loi, « cette saisine n’a pas d’effet suspensif ». Ainsi, « les instances judiciaires ne sont compétentes à statuer que si toutes les voies de recours ci-dessus n’ont pas abouti ». L’article deuxième (16) de la loi de finances pour l’exercice 2018 relatives aux conditions d’exercice des recours contentieux en douane sont abrogées.