Protection sociale : 12 300 milliards de Fcfa à mobiliser sur dix ans
Sécurité sociale, transferts sociaux, action sociale, etc. le gouvernement veut renforcer la présence sociale de l’Etat. Le secteur social qui est le cadre d’intervention en vue de l’amélioration du capital humain verrait la part du budget qui lui est allouée augmenter de 20,3% en 2019 à 29,0% en 2030.
Ramener la part des dépenses de santé supportée par les ménages de près de 70% actuellement à moins de 20% en 2029 et porter le pourcentage de la population qui bénéficie d’une assurance ou d’une couverture santé de 22% (2018) à plus de 50% en 2029. Dans la perspective de renforcer la fonction sociale de l’Etat et de promouvoir le bien-être des populations notamment les plus vulnérables, le gouvernement entend, à travers la Stratégie nationale de développement 2020-2030 (SND30) consolider les acquis et élargir le champ de protection sociale au plus grand nombre, en intégrant progressivement l’ensemble des catégories sociales jusqu’ici en marge du système. Pour ce faire, il s’agira d’une part, de mettre en place la Couverture Santé Universelle (CSU) et, d’autre part, de dynamiser le système d’assurance volontaire à travers sa promotion et son élargissement aux personnes actuellement non couvertes notamment les petits agriculteurs, éleveurs, travailleurs du secteur informel.
Concernant la Couverture Santé Universelle, l’objectif est de garantir à l’ensemble de la population, une protection financière contre le risque maladie et une couverture équitable en soins et services de santé de qualité. Ainsi, le gouvernement travaillera à la mise en œuvre progressive de ce dispositif de protection sociale. En perspective de la réduction du financement issu du partenariat au développement, l’accent sera mis sur la mobilisation optimale des ressources internes et la gestion efficiente et rationnelle des ressources existantes. Selon les simulations de la SND30, le Plan de protection sociale, y compris la CSU nécessite un financement de 12 320 milliards de Fcfa sur le période 2021-2030.
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Besoin de financement
Pour le lancement de la CSU, le groupe technique national mis à cet effet avait estimé dans son rapport qu’il faut environ 1300 milliards de Fcfa. Ce coût fait ressortir un besoin de financement, quel que soit le scénario de couverture. La SND30 ne donne aucune indication sur l’impact budgétaire de la CSU et les mécanismes de financement de ce surcroit des dépenses. Néanmoins, l’économiste Francis Ghislain Mgomba Bodi apporte une première contribution à cette problématique, dans une étude sur le « financement de la couverture santé universelle et impact sur le budget de l’Etat».
Dans son étude, le chercheur part du scénario de base suivant : les cotisations seront de 6% du salaire pour les employés du secteur formel et 3% pour les pensionnés, 50 000 FCFA/an pour les employés de l’informel, 35 000 FCFA/an pour les dépendants adultes et 25 000 Fcfa pour les dépendants enfants (moins de 10 ans) ; les cotisations du secteur informel ont été fixées en rapport avec la moyenne de 35 000 Fcfa /an de dépenses de santé par tête en 2014. Dans cette configuration, plus le nombre de personnes couvertes augmente (pour atteindre 100% en 2028), le gap entre les revenus et les dépenses de la structure technique de gestion de la CSU s’accroît. A terme, en 2028, le gap se situera à 750 milliards de FCFA environ. Mais il peut arriver que ce besoin de financement soit consistant, de l’ordre 2 437 milliards Fcfa sur les 10 prochaines années.
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Transferts sociaux
En vue de réduire les dépenses directes des ménages, en attendant la prise en charge de certaines pathologies par la CSU, le gouvernement a décidé de continuer à promouvoir la gratuité ciblée ou la subvention de la demande de certaines populations, à travers notamment le Chèque santé, les kits obstétricaux et les mutuelles de santé.
Dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique de protection sociale, les pouvoirs publics ont engagé un nombre croissant de programmes de transferts sociaux comprenant les transferts monétaires directs, les transferts indirects, les transferts en nature, les interventions d’urgence humanitaire. Toutefois, ces programmes se caractérisent par une coordination insuffisante, une faible cohérence d’ensemble et une absence d’exhaustivité sur toutes les populations nécessiteuses.
Pour gagner en efficacité, le gouvernement annonce la mise en place d’un système national de transferts sociaux ainsi que le renforcement et l’expansion des mécanismes de transferts indirects concernant les mesures de gratuité des services et des subventions ciblées au profit des pauvres ou vulnérables. Concrètement, il s’agit de la distribution des manuels scolaires aux élèves, en particulier ceux issus des familles en situation de pauvreté chronique ; la distribution gratuite de certains matériels de santé notamment les moustiquaires imprégnées et les suppléments nutritifs ; l’extension du champ matériel des transferts aux personnes âgées, enfants de moins de cinq ans, personnes vivant avec un handicap, etc. ; le renforcement et l’extension des programmes de cantines scolaires dans les écoles primaires notamment en milieu rural ; l’extension progressive des transferts monétaires à tous les ménages en situation de pauvreté chronique.
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Couverture santé universelle : les femmes et les enfants d’abord
Ce n’est pas encore la sensibilisation tout azimut ni l’enrôlement de la population, premières actions annoncées par Jacqueline Mekongo, la directrice générale du Santé universelle Cameroon S.A. (Sucam S.A), la société de projet en charge de la mise en œuvre de la couverture santé universelle (CSU) au Cameroun. Mais déjà, les questions fondamentales du processus commencent à trouver réponse.
« Quels sont les services offerts ; Qui est couverts comment ? », se demandaient-on jusque-là. A la direction de la promotion de la santé au ministère de la Santé publique, l’on explique que « la première phase devrait s’étendre de 2021 à 2025. Elle concernera les enfants de 0 à 5 ans, les femmes enceintes, les patients couverts par les programmes de santé publique tels que la tuberculose, le paludisme, etc. La deuxième phase est devrait couvrir la période 2026-2030. Elle va inclure dans le dispositif les enfants de 5 à 15 ans, les personnes âgées. La troisième phase, elle, va intégrer toute la population», sans plus de détails. Sur la base des statistiques démographiques du Bureau Central des Recensements et des Etudes de la Population (Bucrep), la population cible est estimée à un peu plus de sept millions de personnes.
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Du reste, le groupe technique national interministériel créé en 2015 pour plancher sur le projet de la CSU a proposé un panier de soins et services de santé de base comprenant 185 affections et interventions de santé publique pour le démarrage, avec 101 sous-interventions. « Le panier de base est l’ensemble des soins, préventifs et curatifs, des médicaments et des dispositifs médicaux considérés comme fondamentaux et prioritaires et dont la prise en charge collective sera garantie par le système national », précise Point focal national CSU au Ministère de la santé publique, Dr Elise Virginie Owono Longang. Ainsi, la CSU devra satisfaire les divers domaines de la médecine interne, la chirurgie, la gynécologie obstétrique, la pédiatrie, la stomatologie, l’otorhinolaryngologie, la vaccination et divers services communautaires.
Pour l’instant, une autorisation d’engagement de 15 milliards de FCFA est inscrite dans le budget 2020 du ministère de la Santé publique pour la « mise en place des préalables pour le déploiement de la Couverture Santé Universelle (CSU) ». Ces préalables portent sur la construction, la réhabilitation et l’équipement des formations sanitaires, y compris les logements d’astreintes pour le personnel de santé ; l’acquisition des tricycles/motos ambulances ; l’organisation des activités de la réforme hospitalière en prélude à la CSU.
Reste encore attendu pour le démarrage effectif de la CSU, une loi portant sur une stratégie nationale du financement de la santé [dont l’avant-projet est transmis à la primature depuis 2018, Ndlr], une proposition de soutenabilité budgétaire et une définition de l’architecture du système.
Sucam S.A. bénéficie d’un contrat de partenariat sur 17 ans. Elle est chargée du financement, la conception, la construction, l’exploitation et la maintenance du système de mise en œuvre de la CSU. Ainsi que la réalisation de toutes les opérations commerciales et financières y afférentes. Sucam S.A. a été créée après la désignation par le Premier ministre, le 16 juin 2020, de New Tech Management Cameroon (Ntmc) comme adjudicataire du contrat de partenariat relatif à la CSU. Ntmc est détenue par trois entités, notamment High Tecth Telesoft Cameroon (société de droit camerounais), GK Engineering & Developpment (Société de droit coréen) et New Tech Management Malta.
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