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Taxes sur les téléphones : pourquoi le pouvoir a reculé

Le président de la République, Paul Biya, a finalement demandé, le 19 octobre 2020, au Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute de « faire surseoir à la mise en œuvre de la collecte par voie numérique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés ; (et de) soumettre à sa haute sanction un mécanisme plus approprié de recouvrement desdits droits de douane et autres taxes». Plus que les faiblesses techniques du dossier, des raisons politiques sont à l’origine du rétropédalage de l’exécutif camerounais.

Le président de la République, Paul Biya, a finalement demandé, le 19 octobre 2020, au Premier ministre, chef du gouvernement, Joseph Dion Ngute de «faire surseoir à la mise en œuvre de la collecte par voie numérique des droits de douane et taxes sur les téléphones et terminaux importés ; (et de) soumettre à sa haute sanction un mécanisme plus approprié de recouvrement desdits droits de douane et autres taxes», selon les termes d’une correspondance du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, au secrétaire général des services du Premier ministre, Séraphin Magloire Fouda. L’exécutif recule donc, mais il faudra attendre une ordonnance présidentielle ou, plus probablement, une introduction lors de la session du Parlement d’octobre 2020, d’un projet de réécriture de cette loi (cet article) par le gouvernement, pour savoir jusqu’où il a décidé de se corriger, et ce que le Parlement l’autorise de faire en cette matière.

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Cette instruction du chef de l’Etat au chef du gouvernement, dans laquelle il lui demande de surseoir (encore) à la mise en œuvre de cette disposition et qui n’aurait pas dû se retrouver sur la place publique n’eussent été les vives rivalités qui opposent des lieux formels et informels de pouvoir et qui ont émaillé et même parasité la mise en place de cette réforme, soulève déjà quelques questions : le rôle du gouvernement n’est-il pas d’appliquer les lois, et notamment la loi de Finances de la République du Cameroun pour l’exercice 2019, laquelle précise les modalités de prélèvement de ces droits et taxes de douane ?

 Mieux, peut-il, ce gouvernement, décider du délai qu’il se donne pour appliquer les dispositions d’une loi de Finances, dont l’un des principes est justement l’annualité ? Le fait que depuis deux ans, la non application par l’exécutif de cette réforme n’ait provoqué aucune protestation publique des Parlementaires en dit long sur l’intérêt qu’ils accordent eux-mêmes aux lois qu’ils votent et peut, en partie, expliquer pourquoi le caractère impératif desdites lois ne relève pas de l’évidence pour tous les membres de l’exécutif. Reste maintenant à savoir pourquoi le gouvernement a décidé de calmer le jeu.

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A l’analyse, plusieurs facteurs y ont concouru. Il y a d’abord les faiblesses techniques du dossier: la conformité largement querellée de cette réforme des modalités de collecte des droits et taxes de douanes sur les téléphones et autres terminaux importés avec les instruments juridiques communautaires, l’insuffisante coordination des acteurs impliqués et dont les dissensions lors et dehors des cadres de travail mis sur pied ont empêché, deux ans durant, la mise en place de la fameuse plate-forme numérique qui devait servir de support technique à la réforme ; une communication sur le changement si lacunaire qu’elle a fini par faire le lit de toutes sortes de manipulations de l’opinion publique (notamment par de puissantes entreprises du secteur de l’économie numérique dont l’activité allait être directement menacée par la réforme) laquelle s’est rapidement constituée contre la réforme, et en a fait un problème politique. Et on touche là du doigt, le ressort qui, mieux que les limites techniques du dossier, a contraint l’exécutif à modifier sa démarche. Il faut, pour le comprendre, se souvenir que la séquence politique dans laquelle le Cameroun se trouve reste particulièrement préoccupante : malmenée par les tracas financiers d’une rentrée scolaire travaillée par la Covid-19 qui a fait progresser la pauvreté dans le pays, particulièrement divisée au sujet des suites que le gouvernement a décidé de donner aux marches politiques (jugées insurrectionnelles par le pouvoir) organisées fin septembre par les dirigeants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), l’opinion publique nationale est, à l’analyse, en état de surchauffe.

Qui peut dire, sans risque de se tromper, dans quel état l’aurait laissée cette réforme fiscale contre laquelle elle s’était déjà, faute d’une communication et d’une pédagogie appropriées de la part du gouvernement et de l’administration, mobilisée, notamment sur Internet et les réseaux sociaux ? Le maintien de cette réforme, signe selon elle d’un entêtement et d’une absence de compassion du gouvernement, n’aurait-il pas eu raison de sa patience et ne l’aurait-il pas transformée en alliée objective du MRC contre le gouvernement ? Paul Biya, qui dispose en cette matière d’une réelle «force de l’expérience», a, mieux que les membres de son gouvernement qui pilotaient la réforme, compris que son périmètre d’implémentation l’avait rendue hasardeuse, et a décidé d’attendre-et même de la remettre sur le métier-une bien meilleure fenêtre d’opportunité… Il n’est pas exclu que certains entrepreneurs politiques, ayant très tôt compris que dans un ciel aussi nuageux, une pression populaire-même virtuelleassez importante ferait reculer le gouvernement, se soient publiquement engagés contre cette réforme, sans vraiment en comprendre tous les contours et en utilisant souvent des méthodes purement politiciennes, pour ensuite revendiquer la paternité de son échec et en tirer des dividendes politiques. Encore une fois, sur une question aussi technique, l’agenda politique a dicté sa logique.

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