Budget de l’Etat : 700 milliards gérés dans le flou
Malgré le régime financier de l’Etat, les gestionnaires publics restent accrocs aux procédures dérogatoires qui aggravent les risques budgétaires.
Décidément, les habitudes et surtout les mauvaises pratiques ont la peau dure en matière de gestion des finances publiques au Cameroun. Malgré la promulgation d’un nouveau régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, en juillet 2018, les gestionaires des deniers publics tardent à s’arrimer. C’est ce qui ressort du rapport d’exécution du budget de l’Etatpour2019 que vient de publier le ministère des Finances (Minfi).
Selon les analystes du Minfi, le recours aux avances de trésorerie, aux engagements provisionnels et les régies d’avance et autres disfonctionnements dans le circuit de certaines dépenses d’investissement et de fonctionnement sont autant de risques budgétaires réels qui peuvent affecter la bonne exécution du budget. Plus de 708 milliards de FCFA ont été mouvementés à travers les procédures dérogatoires en 2019.
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Ainsi, le volume des dépenses exécutées par le biais des procédures dérogatoires reste encore élevé. Au terme de l’exercice 2019, ces dépenses se chiffrent à 273,5 milliards de FCFA dont 51,7 milliards par régies d’évances, 48 milliards par engagement prévisionnel et 173,832 milliards par avance de trésorerie (hors frais de justice). Le montant engagé par procédures dérogatoire atteint 8,2%. Par rapport au plafond de 5% fixé dans le cadre du Programme Économique et Financier avec le FMI, ces dépenses sont en dépassement de 3,2 points.
Dans le détail, les avances de trésorerie correspondent aux décaissements effectués sans engagement préalable pour faire face à des situations urgentes exceptionnelles. Ces avances font l’objet d’une régularisation budgétaire à posteriori. En 2019, les décaissements effectués au titre d’avances de trésorerie s’élèvent à 182,4 milliards, dont 173,8 milliards de dépenses de fonctionnement et 0,2 milliard de dépenses d’investissement. Par rapport à 2018, ces décaissements augmentent de 46,2 milliards (+36,2%). Cette évolution s’explique par la nécessité de couvrir les dépenses urgentes liées à la sécurité et à l’organisation des élections de février 2020.
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Risques budgétaires
Dans leur conception, souligne-t-on au Minfi, les régies d’avances sont une modalité d’exécution du budget mise en place pour permettre aux gestionnaires de crédits de procéder au paiement des dépenses urgentes ne pouvant pas s’accommoder de la procédure normale d’exécution. Au titre de l’exercice 2019, le nombre de régies ouvertes est de 434, correspondant à un volume global de crédits réservés de 51,7 milliards. Par rapport à 2018, ce volume augmente de 2,8 milliards (+5,1%). Cette évolution s’explique par le reversement dans la sphère des régies d’avances, des travaux d’infrastructure en régie.
En 2019, les engagements prévisionnels concernent essentiellement les opérations relatives à la préparation du CHAN 2020 et de la CAN 2021. En tant que procédures dérogatoires, le recours aux engagements provisionnels doit être marginal afin d’optimiser la gestion de la trésorerie, en évitant de constituer des liquidités oisives pouvant être utilisées pour le règlement des dépenses effectives. Les engagements pris par le gouvernement en vue de la réduction de cette nature de dépense ont permis de les limiter en 2019 à 48 milliards (1,5% des dépenses globales hors service de la dette et financements extérieurs), contre 101,7 milliards (3,4%) en 2018.
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