Formation-emploi : le Gicam dénonce la formation professionnelle
A l’origine de ce désamour, l’organisation patronale estime avoir été écartée lors de l’élaboration de la politique gouvernementale.
Après le 14 mars 2019, le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle (Minefop) est de retour devant le plus important groupement patronal du pays. La session de travail d’Issa Tchiroma Bakary dans la capitale économique portait sur deux centres d’intérêts: la présentation de la politique nationale de l’emploi (PNE) et son plan d’actions prioritaires (PAP), suivi de la vulgarisation et l’appropriation de la loi n°2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun et ses textes d’application. Ce, à travers un atelier national et régional. Une loi dont le processus d’élaboration a été lancée en 2008 et structuré sur 55 articles. D’après Mme Mbenoun, Conseiller technique n°1 au Minefop, l’ancien texte régissant l’emploi et la formation professionnelle au Cameroun datait de 1976: « il fallait le toiletter et l’adapter aux réalités actuelles», a clarifié la cadre du Minefop.
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Dans son allocution, le ministre Issa Tchiroma Bakary a insisté sur l’approche concertée et tripartite qui a soutenu l’élaboration de la loi du 11 juillet 2018. «Qui mieux que le secteur privé et le patronat pour mettre en application et la mise en œuvre des dispositions pertinentes de la loi du 11 juillet 2018. Le législateur a par ailleurs prévu dans l’Article 12 au profit du secteur privé et des investisseurs dans la formation professionnelle des mesures d’incitation et d’encouragement appropriées conformément aux priorités nationales en même temps qu’il instaure des mécanismes de financement avec le concours du secteur privé et des partenaires techniques et financiers » a-t-il précisé.
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Sur la politique nationale de l’emploi (PNE) et son plan d’action prioritaire, Issa Tchiroma Bakary a exposé la vision du président de la République de faire du Cameroun d’ici 2027, une nation où chaque citoyen en âge de travailler, quel que soit son sexe, son statut ou sa confession, puisse accéder à un emploi décent dans un environnement de croissance économique forte, fiable, inclusive et favorisant le dialogue social effectif. Au Ministère de l’emploi et de la formation professionnelle, le PNE qui vise le ciblage de l’emploi décent dans l’économie, est une véritable panacée. D’où les quatre axes stratégiques déclinés dans le PNE: la promotion de l’emploi dans le cadre macroéconomique et les politiques publiques, l’accroissement de la création et la promotion des TPE, PME, PMI, de l’entrepreneuriat et des organisations paysannes, l’améliore de l’employabilité de la main d’œuvre, l’amélioration de la gouvernance sur le marché du travail.
Le PNE est adossé sur un plan d’actions prioritaires qui cible environ 3.000.000 d’emplois à l’horizon 2023, pour un coût de 109 milliards de FCFA (87 milliards de FCFA issus du Budget d’investissement public (BIP) et 21 milliards de FCFA par les partenaires techniques et financiers).
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La pomme de discorde
A sa prise de parole le président du Gicam, Célestin Tawamba n’ira pas de main morte pour marquer son insatisfaction vis-à-vis de la nouvelle loi présentée par le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle. La réforme législative du 11 juillet 2018 fâche en effet le secteur privé sur plusieurs points, tant sur la forme que le fond.
Célestin Tawamba accuse le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle d’avoir élaboré la nouvelle loi sans concertation préalable avec le secteur privé: «Cette loi est assortie de 18 décrets d’application qui impliquent une vingtaine de départements ministériels. Malgré toutes les propositions effectuées dans le cadre du Covid-19, nous n’avons rien reçu. Nous refusons désormais d’être des faire-valoir. Le secteur privé reste le parent pauvre de notre pays», s’est indigné le président du Gicam.
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Ce dernier relève par ailleurs qu’aucune garantie n’est prévue dans la loi n°2018/010 du 11 juillet 2018 pour permettre à l’entreprise de rentabiliser les investissements dans la formation des employés, ni ne dispose clairement que les entreprises contribuent au financement de la formation professionnelle de façon directe, mais laisse la porte ouverte à la possibilité de légiférer sur de nouvelles sources de financement.
Le Gicam est également déçu que la loi régissant la formation professionnelle au Cameroun ne prévoie aucune mesure incitative pour les entreprises, «alors même que le contrat d’apprentissage ouvre la voie aux aides de l’Etat à l’employeur dans d’autres contextes et que l’offre de formation professionnelle est essentiellement privée», ajoute le président du plus important groupement patronal du pays.
En réponse au chapelet de critiques apportées par le Gicam sur loi n°2018/010 du 11 juillet 2018 régissant la formation professionnelle au Cameroun, le Ministre de l’emploi et de la formation professionnelle sera peu disert, réaliste toutefois «le président du Gicam a été fidèle à son franc parler. Les contributions du Gicam sont à l’évidence fondées et pertinentes. Aucune loi n’est figée sur du marbre. Ces amendements pourront être intégrés dans une seconde lecture. Je vous promet de revenir vous voir dans les prochains mois», a situé Issa Tchiroma Bakary.
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Réactions
«Il s’agit d’un texte révolutionnaire… »
Cette rencontre avec le secteur privé a été l’occasion idoine pour une appropriation de ces instruments fondamentaux dont dispose notre pays, en matière de formation professionnelle et d’insertion socioéconomique des chercheurs d’emploi.
Il s’agit d’un texte révolutionnaire qui nous oblige à faire bouger les lignes. Cette loi engage la communauté des acteurs, Etat, collectivités territoriales décentralisées, partenaires des milieux socioprofessionnels, secteur privé etc… à travailler en étroite collaboration dans le cadre d’une synergie d’actions, pour trouver des solutions concrètes, vigoureuses, efficaces et pérennes à la problématique de l’emploi qui constitue une cause nationale.
«Il subsiste de nombreux points d’incompréhension»
Faire du Gicam la première étape de la campagne de promotion du nouveau cadre institutionnel, témoigne du rôle majeur que le gouvernement camerounais reconnaît à notre groupement dans l’élaboration des politiques de formation et d’emploi, et de la priorité qu’ensemble nous leur accordons. Mais il subsiste de nombreux points d’incompréhension. Le Gicam fonde l’espoir que ses réflexions et recommandations permettront non seulement d’éclairer les entreprises, mais par ailleurs de d’identifier et de mettre en œuvre des mécanismes qui donnent la possibilité d’éviter aux entreprises de nouvelles contraintes pénalisantes.
En nous déployant avec raison pour une meilleure appropriation du nouveau cadre institutionnel de la formation professionnelle au Cameroun, veillons à ce que ce dernier encourage les entreprises dans leur perception de la formation professionnelle comme d’un investissement stratégique.