Dans le cadre de ses missions, la Commission Amélioration de l’Environnement des Affaires du GICAM a réalisé du 05 mars au 29 mai 2020 une collecte pluri-dimensionnelle des données auprès des entreprises qui lui ont permis :d’apprécier le poids du GICAM dans l’économie ;
d’établir le baromètre 2019 des entreprises camerounaises; de déterminer les facteurs-clés du climat des affaires ; d’identifier les obstacles au commerce intra-africain ; d’évaluer la situation de la trésorerie des entreprises ; d’évaluer la situation des délais de paiement des entreprises ; d’appréhender la situation d’accès au financement des entreprises ; d’évaluer le degré de digitalisation des entreprises du GICAM ; d’évaluer le degré de normalisation des entreprises du GICAM ; d’évaluer la gouvernance des entreprises membres du GICAM ; d’évaluer la satisfaction des entreprises membres du GICAM.
S’agissant du poids du GICAM dans l’économie, 70% des recettes fiscales proviennent des entreprises du GICAM et représentent 40% au Budget de l’Etat. Le GICAM est ainsi le premier contributeur au Budget de l’Etat. Par ailleurs, les entreprises du GICAM ont ensemble un effectif de plus de 220 000 employés permanents représentant une masse salariale de près de FCFA 1 100 milliards. En 2019, les entreprises du GICAM ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé de près de FCFA 9 900 milliards représentant 77% du chiffre d’affaires des entreprises modernes et près de 65% du chiffre d’affaires des entreprises et établissements tels que définis et recensés lors du deuxième Recensement Général des Entreprises (RGE-2).
Graphique 1. Répartition du Budget de l’Etat en 2019
Concernant le baromètre des entreprises camerounaises, au cours de l’année 2019, plus de 57% des entreprises ont connu des difficultés. Pour près de la moitié d’entre elles, les difficultés rencontrées étaient importantes au point de menacer leur survie. En revanche, 25% des entreprises ont connu une croissance parmi lesquelles près de 5% ont connu une croissance forte. D’une manière générale, les soldes d’opinion relative à l’évolution des principaux indicateurs de performance des entreprises (chiffre d’affaires, effectif employé, commandes, bénéfice, stock, investissements) ont été négatifs indiquant une tendance à la baisse de l’activité économique en 2019 par rapport à 2018.
Graphique 2. Soldes d’opinion relative à l’évolution
des indicateurs de performance de 2018 à 2019
S’agissant des facteurs clés du climat des affaires au Cameroun, les obstacles les plus sévères à la croissance des entreprises se révèlent être de de deux ordres :
- La situation politique et socioéconomique marquée par l’insécurité dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest (74%) et les régions du Grand Nord (61%) ;
- La fiscalité caractérisée par l’instabilité du système fiscale et des motifs des redressements fiscaux (72%), les pénalités et amendes fiscales (66%), le taux d’imposition fiscale (61%), et la multiplicité des contrôles de l’administration fiscales (59%).
L’insécurité dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest affecte plus de 88% des entreprises. Toutes les entreprises, indépendamment de leur taille sont affectées : 90,3% chez des grandes entreprises ; 90% chez des moyennes entreprises ; et 82,6% chez des petites entreprises.
Par ailleurs, une entreprise sur trois éprouve des difficultés pour payer le minimum de perception au titre de l’IS. La durée moyenne entre une demande de remboursement d’un crédit de TVA en son paiement est estimée à 172 jours soit près de six (06) mois. Plus de 80% des contentieux fiscaux entre les entreprises membres du GICAM et l’administration fiscale sont liés au redressement fiscal. Ce taux est de 93% chez les grandes entreprises. En 2019, le montant des redressements fiscaux ayant fait l’objet d’un contentieux fiscal entre une entreprise membre du GICAM et l’administration fiscale est estimé à 121,7 milliards de FCFA soit 5,93% des recettes fiscales versées par le GICAM à l’Etat.
Encadré : Méthodologie de construction de l’indice de Sévérité des Obstacles à la Croissance des Entreprises En utilisant les proportions des entreprises suivant les obstacles et leur degré de sévérité, on construit un indice de sévérité en attribuant les poids 0, 1, 2, 3 et 4 respectivement à « pas un obstacle », « obstacle mineur », « obstacle moyen », « obstacle majeur » et « obstacle très sévère ». L’indice de Sévérité est la somme des produits des poids et des proportions que l’on divise par 4. On obtient un indice normalisé qui varie de 0 « pas un obstacle » à 1 « obstacle très sévère ».
Graphique 3. Indice de Sévérité des Obstacles à la Croissance des Entreprises
Pour ce qui est des échanges commerciaux et obstacles au commerce intra africain, la proportion des entreprises exportatrices vers la CEEAC ayant enregistré une baisse de leurs exportations entre 2018 et 2019 est de 56% alors que celles ayant connu une hausse est de 33%. Ce qui induit un solde d’opinion négatif de -22 points indiquant que la majorité des entreprises exportatrices estiment que les exportations vers la CEEAC sont en baisse. De même, la proportion des entreprises exportatrices vers l’Union européenne ayant connu une baisse de leurs exportations entre 2018 et 2019 est de 67% alors que celles ayant enregistré une hausse n’est que de 20%. Ce qui entraine un solde d’opinion négatif de -47 points indiquant que les entreprises exportatrices estiment pour la plupart que les exportations vers l’Union européenne sont en baisse. La tendance des exportations vers l’Union européenne et la CEEAC semble être en baisse en dépit de l’Accord de Partenariat Economique entre le Cameroun et l’Union européenne entré en vigueur en 2016.
En revanche, la proportion des entreprises importatrices de l’Union européenne ayant enregistré une hausse de leurs importations entre 2018 et 2019 est de 39% alors que celles ayant connu une baisse est de 21%. Ce qui induit un solde d’opinion positif de +18 points indiquant que la majorité des entreprises importatrices estiment que les importations de l’Union européenne sont en hausse. De même, la proportion des entreprises importatrices de la Chine ayant connu une hausse de leurs importations entre 2018 et 2019 est de 33% alors que celles qui ont enregistré une baisse est de 25%. Ce qui entraine un solde d’opinion positif de +8 points signifiant que la plupart des entreprises importatrices estiment que les importations de la Chine sont en hausse.
Seulement 14% des entreprises exportatrices exportent vers le Nigéria et 9% exportent vers le reste de l’Afrique (hormis la CEEAC et Nigéria). Les principaux obstacles au commerce du Cameroun avec le reste de l’Afrique sont par ordre d’importance :
- Les tracasseries routières (55%) ;
- L’insécurité (49%) ;
- Les tarifs douaniers (48%) ;
- Les coûts de transport (44%) ;
- La disponibilité des infrastructures (41%).
Le Tchad est le premier pays (plus préféré) avec lequel les entreprises camerounaises souhaitent avoir les échanges commerciaux, ou s’y rendre pour les fora. La France vient en 7ème position, la Chine en 9ème position, les Etats-Unis en 10ème et la Côte d’Ivoire en 15ème position.
S’agissant de la trésorerie des entreprises, rappelons que l’état de la trésorerie d’une entreprise est un indicateur critique de sa santé financière, garant de sa pérennité. En effet, les problèmes de trésorerie qui se traduisent par des déficits de recettes sur les dépenses, peuvent être cause de cessations de paiement susceptible de mettre en péril les activités de l’entreprise.
La majorité des entreprises (69%) ayant participé à l’enquête a eu des problèmes de trésorerie en 2019. Les PME sont plus nombreuses à connaitre ces problèmes que les grandes entreprises. Trois PME sur quatre ont eu des problèmes de trésorerie contre une grande entreprise sur deux.
La principale cause des problèmes de trésorerie chez les PME est liée aux retards de paiements de leurs clients, et pour les grandes entreprises, à la chute inattendue des ventes. Ces problèmes se sont vraisemblablement accentués en 2020 avec la pandémie Covid-19.
Pour pallier les problèmes de trésorerie, outre la relance des clients en cas de retard de paiement, la majorité des entreprises renégocie les délais de paiement (83%) ou sollicite un découvert (75%). L’affacturage est encore faiblement offert par les institutions financières et par suite peu utilisé par les entreprises (18%), en tant que palliatif en situation de tensions de trésorerie.
Ainsi, pour accompagner les entreprises dans la gestion de leur trésorerie, l’Etat pourrait fixer un délai de paiement plafond aux entreprises, et instituer la pénalisation des retards de paiement.
Concernant les délais de paiement des entreprises, rappelons qu’il s’agit de la durée entre la livraison ou la facturation d’un bien, d’un service par le fournisseur ou le prestataire, et le paiement par le client. Il y a retard de paiement lorsque le client n’a pas payé son fournisseur avant le délai de paiement. L’étude a aussi estimé la moyenne des délais de paiement fournisseur et client.
On constate que les fournisseurs offrent en moyenne 45 jours à leurs clients pour payer. Toutefois, ces délais ne sont pas respectés par les clients qui payent en moyenne après 60 jours.
Pour 70% des entreprises, les retards de paiement des clients ont eu un impact négatif très important sur leur santé financière. Cette proportion est plus élevée chez les PME (83% chez les moyennes et 68% chez les petites entreprises) que chez les grandes entreprises (59%).
La majorité des entreprises (75%) souhaite que les paiements au-delà de 45 jours soient pénalisés. Par rapport à l’opinion généralement admise, les grandes entreprises sont plus nombreuses (79%) à être favorable à la pénalisation des retards de paiement que les petites entreprises (65%).
Graphique 4. Faut-il pénaliser les retards de paiement
y compris avec l’Etat ?
S’agissant de l’accès au financement des entreprises, relevons que celles-ci disposent aujourd’hui de divers modes de financement que l’on peut classer en deux grands groupes : le financement par les institutions financières traditionnelles ou classiques (banques, établissements financiers, EMF, etc.), et le financement alternatif (crédit-bail, capital-risque, fonds d’investissement, crowdfunding, marché financier plus récemment, etc.).
En 2019, 44% des entreprises enquêtées ont sollicité un crédit auprès d’une institution financière. La majorité de ces entreprises (81%) a été satisfaite. Près de la moitié d’entre elles estiment que les conditions de crédit se sont durcies. Pour l’autre moitié, les conditions sont restées inchangées.
Dans 50% des cas, le crédit a été accordé contre des garanties supérieures celles que les institutions financières exigeaient avant. Dans 20% des cas, le crédit a été accordé mais à un taux d’intérêt jugé élevé. Dans 30% des cas, le crédit a été accordé pour un montant moins élevé que celui demandé.
Hormis le crédit-bail, sollicité par 34% des entreprises enquêtées, les autres modes de financement alternatif notamment le crowdfunding, le capital-risque et le marché financier, n’ont presque pas été sollicités par les entreprises ayant participé à l’enquête.
Les investissements des entreprises sont essentiellement financés sur fonds propres. En moyenne, le financement des investissements des entreprises est composé à 77% de leurs fonds propres, 18% du crédit auprès des institutions financières, et 5% des autres sources de financement.
Ainsi, pour encourager les entreprises à accroitre leurs investissements, l’Etat pourrait réduire les taxes et impôts sur le bénéfice qui constitue la principale source des fonds propres, le marché des capitaux étant encore très peu développé.
Pour ce qui est de la digitalisation des entreprises du GICAM, près de 54% des entreprises ayant participé à l’enquête estiment avoir entamé leur transformation digitale. Environ 65% et 60% respectivement des grandes et moyennes entreprises, contre 45% des petites entreprises, se sont déjà engagées dans ce processus.
Les activités de bureau, finance et comptabilité sont digitalisées dans presque toutes les entreprises ayant pris part à l’enquête. Toutefois, 70% de ces entreprises disposent d’un logiciel de gestion des ressources humaines, seulement 39% d’un logiciel de marketing et ventes, et 28% d’un logiciel de gestion des projets.
Par ailleurs, la majorité des entreprises enquêtées disposent d’un site internet (81%), et utilisent les réseaux sociaux pour communiquer (85%). La disposition d’un site internet varie selon la taille de l’entreprise. Les grandes entreprises sont plus nombreuses à avoir un site internet que les PME. En revanche, l’utilisation des réseaux sociaux ne varie pas en fonction de la taille de l’entreprise.
Concernant la normalisation des entreprises du GICAM, on a constaté que 31% des entreprises disposent d’une certification ISO ou de tout autre. Cette proportion est plus élevée chez les grandes entreprises (55%). 51% des entreprises sont engagées dans une démarche qualité. 43% des entreprises ont certifiées leurs produits par l’ANOR. Cette proportion est de 42% chez les grandes entreprises, 43% chez les moyennes entreprises et 18% chez les petites entreprises.
S’agissant de la gouvernance des entreprises membres du GICAM, 72% des entreprises tiennent régulièrement une Assemblée Générale. 62% des entreprises discutent de leur Vision et stratégie de développement lors des Assemblées générales. Dans 81% des entreprises, les actionnaires ont accès aux informations relatives aux comptes et les rapports des commissaires aux comptes. 59% des entreprises disposent d’un Conseil d’Administration ou d’un équivalent. 32% des entreprises disposent d’un système d’évaluation des administrateurs et des dirigeants. Dans 78% des entreprises, les membres du Conseil d’administration perçoivent une rémunération ou des indemnités. Dans une entreprise sur deux, il existe des critères établis de rémunération des administrateurs.
Enfin, concernant la satisfaction des membres du GICAM, près de 70% des entreprises sont satisfaites des actions du GICAM. Cependant, seulement 30% des entreprises ont déjà sollicité un service du GICAM. Les formations prioritaires sont : la stratégie d’entreprise ; la gestion budgétaire simplifié ; la gestion financière ; la gestion des ressources humaines ; et les relations clients. Les sujets de plaidoyer prioritaires sont : la fiscalité ; la sécurité ; l’organisation et l’assainissement des marchés ; l’accès au financement ; et la sécurité juridique et judiciaire.
Secrétariat Technique assuré par Nacisse Palissy CHASSEM, Ingénieur Statisticien Economiste, Représentant Régional Centre – Sud – Est du GICAM