Les nouvelles exigences du FMI au Cameroun
La résolution des problèmes liés à la dette à court terme de la Sonara, la révision de la structure des prix des carburants, l’inventaire des dettes croisées entre les entreprises publiques et l’État et l’achèvement des audits de quatre grandes entreprises publiques sont entre autres recommandations formulées par l’institution de Bretton Woods.
Le Cameroun se prépare à subir, ce mois de septembre 2020, la sixième (et dernière) revue du Programme Economique et Financier avec le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC) conclue en juin 2017. La clôture du programme initialement prévue le 25 juin dernier, a été repoussée en raison de « l’incertitude actuelle concernant la durée et l’ampleur de la pandémie de Covid-19 », explique le FMI dans un rapport publié en juin 2020. Dans une déclaration commune, M. Raghani, administrateur pour le Cameroun au FMI, M. N’Sonde, Conseiller principal de l’Administrateur, et M. Bah, conseiller de l’Administrateur soulignent que sur le plan des réformes structurelles, « les autorités ont appliqué sept mesures dans les domaines du budget, de la mobilisation de recettes, des finances publiques, de la gestion de la dette et de la réglementation des changes. Des progrès considérables ont également été accomplis sur les repères restants, avec notamment l’achèvement de l’audit des grandes entreprises publiques (Camair-Co, Camtel, PAD et Camwater)».
Si cette sixième évaluation est concluante, le pays bénéficiera d’un septième décaissement de près de 44 milliards de FCFA. Toutefois, « sur la base de données partielles et préliminaires, au moins la moitié des critères de performance et des objectifs indicatifs pour fin décembre 2019 ont été manqués », indique le FMI. Autant dire que la réussite de la prochaine revue est plus qu’un défi. Ce d’autant plus que le Fonds prescrit de nouvelles réformes au gouvernement. En effet, au terme de la cinquième revue, le FMI a formulé entre autres recommandations : la révision et la simplification de la structure des prix des carburants ; l’inventaire des dettes croisées entre les entreprises publiques et l’État, ainsi qu’entre les entreprises publiques ; l’adoption d’un plan d’apurement des dettes croisées entre les entreprises publiques et l’État ayant été auditées ; l’achèvement des audits de quatre grandes entreprises publiques (Camair-Co, Camtel, PAD et Camwater); la réduction des prêts improductifs ; la résolution en urgence des problèmes liés à la dette à court terme de la société nationale de raffinage (Sonara).
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Du nouveau à la pompe
Depuis l’incendie de la Sonara, le 31 mai 2019, l’unique raffinerie du Cameroun fonctionne non plus comme un producteur mais un distributeur de pétrole. Pour le FMI, il convient de réviser la structure des prix à la pompe pour tenir compte de cette nouvelle situation. Pour les analystes du Fonds, « la réforme de la structure des prix des carburants devrait favoriser l’ajustement de la Sonara. La flexibilité des prix des carburants permettrait de réduire la dépendance de la Sonara envers les subventions et d’assainir sa situation financière.» Au ministère des Finances, l’on indique que le gouvernement entend travailler avec les services du FMI et la Banque mondiale pour élaborer un plan assorti d’échéances destiné à mettre fin aux subventions aux carburants. La réforme comportera une campagne de communication visant à informer le public sur les avantages de la flexibilité des prix et des mesures d’atténuation pour dédommager les populations vulnérables. Le Fonds prescrit aussi de remédier au problème des arriérés de l’État et des dettes croisées avec les entreprises publiques.
Le gouvernement doit ainsi réaliser un inventaire des dettes croisées avec les entreprises publiques et entre ces dernières, et adopter un plan d’apurement des dettes croisées entre l’administration centrale et les entreprises publiques. De même, les autorités vont préparer un audit des arriérés de l’administration centrale accumulés avant 2019 et actuellement gérés par le Trésor, ainsi qu’un plan de remboursement. Les arriérés audités seront transférés à la Caisse Autonome d’Amortissement (CAA).
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Tribunaux de commerce
Sur le plan financier, le FMI déplore l’augmentation depuis quatre ans de la part des prêts improductifs dans le total des prêts bancaires. L’institution de Bretton Woods relève que la première évaluation du contrat de performance de la banque nationalisée en 2017 n’a pas encore été mise en œuvre. « En août 2017, un gros portefeuille de prêts improductifs a été transféré par le biais d’un contrat entre le ministère des Finances et cette banque, mais le ministère n’a pas encore chargé la Société de recouvrement des créances (SRC) de gérer et de recouvrer ces prêts improductifs », souligne l’institution. De plus, poursuit-elle, « un autre portefeuille de prêts improductifs transféré par une petite banque est également en attente d’un mandat. Sans mandat, la SRC n’entreprend pas de recouvrer les prêts improductifs et leur valeur diminue au fil du temps.
L’institution demande donc au gouvernement de « mettre en œuvre intégralement le plan national de réduction des prêts improductifs afin de freiner l’accumulation continue de prêts improductifs dans le système bancaire. » Dans cette perspective, insiste le FMI, il convient de mettre en place un système efficace de saisies afin de limiter les prêts improductifs. D’ailleurs, des dizaines de magistrats et de greffiers ont déjà été formés aux procédures de saisies bancaires. Malheureusement la loi établissant les tribunaux de commerce n’a pas encore été soumise à l’assemblée nationale. De même, le registre des sûretés mobilières qui est un élément fondamental du plan de réduction des prêts improductifs n’est que partiellement opérationnel. « Bien que le registre soit ouvert et contienne plus de 23 milliards d’entrées, une seule banque s’astreint à enregistrer ses sûretés», relèvent les analystes du FMI.
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Nouveau prêt
Le programme économique et financier conclu avec le FMI est soutenu par une Facilité élargie de crédit (FEC) couvrant la période 2017-2020 pour un montant équivalent à 175% de sa quote-part, soit 483 millions de DTS (ou environ 415 milliards de FCFA) à décaisser en sept tranches. Il vise à permettre au secteur privé de prendre le relais en tant que moteur de développement, le renforcement de la stabilité du secteur financier et de l’élargissement de l’accès au crédit. Le succès de la sixième revue conditionne le septième décaissement. Selon le conseil d’administration du FMI, ce décaissement permettra une nouvelle demande du Cameroun à hauteur de 60% du quota autorisé, pour ce qui est de la Facilité de crédit rapide (FCR). C’est un instrument utilisé par les pays pour obtenir des financements visant à lutter contre la crise du Covid-19.