Limogeage programmé des dirigeants de la Banque des PME
Dans le cadre de la restructuration de cet établissement public dans le rouge, le gouvernement veut bien injecter des fonds pour la remise à flot de la Banque, mais des voix s’élèvent pour exiger le départ au moins, de la DG, Agnès Ndoumbe, selon des sources très proches de l’actuel ministre des finances.
Agnès Ndoumbe, la DG de la Banque camerounaise des PME (BC-PME) est assise sur un siège très éjectable. Certains membres du conseil d’administration aussi. Et pour cause, l’équipe dirigeante actuelle de l’établissement public, fonctionnel seulement depuis trois ans, est incriminée dans la faillite de la Banque. Agnès Ndoumbè, et Théodore Nkodo Foumena, le président du Conseil d’administration, en premier lieu, sont visés par une procédure disciplinaire ouverte depuis le 16 octobre 2017 par la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac).
La Banque elle-même a subi une sanction pécuniaire qui se chiffre à plusieurs millions de FCFA pour non-respect de la réglementation prudentielle du capital minimum. Bien avant, la Cobac avait constaté depuis le 31 août 2015, l’infraction à la norme relative à la représentation du capital minimum. C’est-à-dire que la BC-PME ne dispose pas de fonds propres qu’elle doit justifier à tout moment.
Pour sa part, le gouvernement reproche à Mme Ndoumbe des erreurs dans le management. « Au sein de la banque, les profils ne cadrent pas souvent avec les postes», souffle une source au sein de la BC-PME. Une autre ajoute : « Les recrutements ici se sont fait sur une base tribale. L’on retrouve beaucoup d’employés qui viennent d’une même aire géographique. La plupart d’entre eux sont des enfants de…des fils ou fille de… C’est frustrant ».
A ces errements managériaux s’ajoutent le fait que, la représentation du capital minimum a, selon des sources fiables, été fournie par le gouvernement camerounais, mais cet argent a été englouti dans d’autres postes de dépenses. Autant de fautes qui poussent les autorités camerounaises à penser qu’il faudrait restructurer la Banque, en injectant des fonds, mais en limogeant l’équipe dirigeante actuelle. « La restructuration va permettre à la banque de continuer à servir des clients au guichet pour des crédits allant jusqu’à un seuil, au lieu de la confiner au seul rôle de banque garantie », explique une source proche du dossier.
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Le modèle économique de la Banque camerounaise des Petites et moyennes entreprises est en cours de révision depuis plusieurs semaines, les concertations entre les autorités camerounaises avec la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) ont été entamées et un plan de restructuration a été décidé au mois d’août 2018. Le nouveau modèle économique de cet établissement bancaire public « s’appuiera sur le financement indirect auprès des banques commerciales (garanties, lignes de financement) et le cofinancement avec les banques commerciales et prévoira un abandon progressif du financement direct des PME au guichet de la banque ».
Par ailleurs, ajoute nos sources, le nouveau modèle permettra notamment de s’appuyer sur l’expertise des banques commerciales en termes de gestion des risques et aura un effet multiplicateur en incitant les banques commerciales à octroyer plus de crédits aux PME. Dans le cadre du programme économique triennal (2017-2019) qui le lie au Cameroun, le Fonds monétaire international (FMI) a proposé une restructuration de la Banque des petites et moyennes entreprises fonctionnelle seulement depuis trois ans. « Le plan d’affaires de la Banque des PME sera remis à jour. En particulier, nous étudierons la possibilité de favoriser l’octroi de garanties ou de lignes de financement à des banques commerciales plutôt que l’octroi de prêts directs.», avait suggéré le FMI dans son rapport publié sur le Cameroun, le 16 janvier 2018. Et pour cause, selon Bretton Woods, l’accès élargi aux services financiers, particulièrement pour les PME, reste évasif.
En juillet 2017, la Banque des PME a présenté un bilan selon lequel, il a accordé 11,5 milliards FCFA de prêts et près de 40 milliards de caution, au profit de 1 600 personnes. Seulement, la rentabilité de ces prêts n’a pas produit les effets escomptés ; d’où la restructuration en cours.
Management : les espoirs perdus de l’équipe Agnès Ndoumbe
Attendus depuis mars 2013, les premiers dirigeants de la Banque camerounaise des PME (BC-PME) ont enfin été désignés au sortir d’une Assemblée générale des actionnaires de cette nouvelle institution bancaire et d’un conseil d’administration tenus le 5 juin 2014 à Yaoundé. Selon un communiqué rendu public par l’ex-ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey, par ailleurs président de l’AG de la BC-PME, Agnès Ndoumbé Mandeng, jusqu’ici directeur de la Coopération monétaire et financière à la direction générale du Trésor du ministère des Finances, a été promue au poste de directeur général de la BC-PME.
Une nomination sans surprise, puisque le nom de cette experte en banques et finances, membre de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) depuis 2008, circule depuis la fin de l’AG de cette nouvelle banque publique tenue au mois de mars 2013, cette dernière ayant alors reçue l’agrément de la COBAC pour occuper le poste de DG de la BC-PME. Toute première DG de cette banque publique au capital social de 10 milliards de FCFA, Mme Mandeng sera assistée par Amadou Haman, un élu de la commune de Garoua III, dans la partie septentrionale du pays, qui a été nommé au poste de Directeur général adjoint.
Désigné au poste de PCA de cette banque au cours d’une AG tenue le 31 janvier 2014, Paul Elung Ché, l’actuel DG de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (CSPH), a été remplacé à la présidence de la BC-PME le 5 juin 2014 par Théodore Nkodo Foumena. Cet ancien étudiant de l’Université du Maryland, aux Etats-Unis, a travaillé dans le groupe de la Banque mondiale, et a surtout été candidat malheureux à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), face à Donald Kaberuka.
Avec ces nominations, la Banque camerounaise des PME pouvait enfin démarrer ses activités, afin de réduire les difficultés d’accès aux financements bancaires auxquelles font face les PME camerounaises. Pour rappel, la création de la BC-PME avait été promise, avec une banque agricole, par le chef de l’Etat camerounais, Paul Biya, à l’occasion du Comice agro-pastoral d’Ebolowa en janvier 2011. Son capital social, d’un montant de 10 milliards de FCFA, a été entièrement libéré par l’Etat en janvier 2013.
Cette nouvelle banque devait bénéficier de l’appui technique de la Banque européenne d’investissements (BEI). C’est du moins ce qu’avait révélé le ministre camerounais des PME, Laurent Serge Etoundi Ngoa, au terme d’une audience accordée à une délégation de la BEI le 12 février 2014 à Yaoundé. Trois ans plus tard, patatras !
Circonstances atténuantes
Avec une prédominance des dépôts de court terme, la BC-PME, qui ambitionnait d’accorder ses premiers crédits aux gérants des PME, peinait, dès les premières semaines de fonctionnement, à satisfaire la demande de ses clients de plus en plus nombreux ; en particulier ceux sollicitant des crédits à long terme, mieux adaptés et plus efficaces pour le développement des entreprises.
Afin d’inverser cette tendance, indique la DG, cette banque publique au capital de 10 milliards de FCFA comptait sur une perfusion de l’Etat pour pouvoir financer les PME sur le long terme. «Il y a eu des réunions au Premier ministère à propos et nous sommes certains qu’il y a des instructions données dans ce sens. On est en train de préparer le budget 2016 et nous croyons qu’il y aura quelque chose pour la banque des PME», espérait la DG de la BCPME.
Pour rappel, promise par le chef de l’Etat en 2011 lors du Comice agro-pastoral d’Ebolowa, la BCPME est fonctionnelle depuis trois ans, uniquement dans les villes de Yaoundé et de Douala. Cette institution bancaire détenue à 100% par l’Etat ambitionne de réduire les difficultés de financement des PME, qui constituent plus de 90% du tissu industriel camerounais.
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