Le Minpostel recadre Justine Diffo
Le ministre des Postes et télécommunications (Minpostel) Minette Libom Li Likeng a adressé le 17 juillet 2020 une correspondance à Justine Diffo, présidente en exercice du Conseil d’administration de l’Agence de régulation des télécommunications (ART). Dans celle-ci, le Minpostel fait le point sur la situation qui sévit actuellement au sein de cette entreprise publique entre son PCA et son Directeur général Philemon Zo’o Zame. Celle-ci engrangée par la non-application des textes en vigueur, tel qu’indiqué dans le communiqué : « il m’a été donnée de constater que les situations conflictuelles au sein de l’ART étaient dues au non-respect par les organes de gestion, des dispositions réglementaires en matière de gestion des établissements publics, ainsi que des règles d’éthique et de gouvernance, notamment pour ce qui est de ce dernier recrutement ». S’agissant du recrutement direct initiée par le PCA, le Minpostel fait savoir que : « les informations à notre possession, provenant d’autres sources, ce recrutement est empreint de forts soupçons de corruption avec des marchandages de postes ».
Aussi elle invite par la présente correspondance Justine Diffo à : « veiller à la saine et permanente application des règles éthiques dans tous les actes de gouvernance à votre charge ainsi qu’à l’orthodoxie financière, de travailler dans le cadre strict de vos compétences, telles que définies par les textes en vigueur. Le PCA dispose comme instrument juridique de management, des résolutions dûment votées au sein du conseil d’administration et ne s’immisce pas dans la gestion opérationnelle de l’établissement, gestion qui relève des compétences du Directeur général. A cet effet, l’audit de la gestion et des performances envisagé, bien nécessaire, devrait faire l’objet du préalable, d’une résolution du conseil d’administration ». Depuis le début de ce mois de juillet, le PCA de l’ART nommée le 30 avril par décret présidentielle serait impliqué dans un scandale de recrutement sans appel à candidature contre de fortes sommes d’argent. Les informations relatives à ce sujet ont été mises sur la place publique le 8 juillet par le journaliste et lanceur d’alertes Boris Bertolt via sa page Facebook. Dans un post sur le réseau social en question, celui-ci fait savoir que le DG aurait émis des plaintes sur le processus de recrutement par madame Diffo: «…Ainsi dans une note confidentielle adressée au SG du Sénat, Michel Meva’a Meboutou qui apparait comme son parrain, Zo’o Zame accuse Diffo d’avoir refusé le lancement officiel des recrutements pour opter pour les recrutements directs. Ainsi sur 40 recrutements, Diffo est venue avec 20.
En plus le DG affirme qu’elle vend chaque recrutement entre 5 et 6 millions FCFA. L’on apprend par ailleurs que Justine Diffo est prête à débourser 200 millions FCFA pour son entrée dans le prochain gouvernement ». Le DG de l’ART aura aussitôt apporté une contradiction aux propos de Boris Bertolt. « Je tiens à démentir formellement l’authenticité de cette note dont l’intention est de maintenir un climat conflictuel entre les principaux dirigeants des organes sociaux de l’ART et de jeter l’opprobre sur le fonctionnement des institutions de la République », indiquait-il dans un communiqué du 9 juillet. Démentie qui sera accompagné les jours suivants de la divulgation de conversation téléphonique entre Justine Diffo et le nommé Simon Kaldjob, membre du conseil d’administration de l’ART et membre de la coalition nationale de la lutte contre la corruption à la Conac. Dans ces différents messages, Justine Diffo réclamait à son collaborateur la somme de 5 millions de FCFA pour faire recruter deux personnes qu’il proposait pour être recruter.
Le Commentaire de la rédaction
Tout sauf cela !
Leader de la société civile, enseignante de droit, spécialiste du droit Ohada, mais milite pour des circonstances atténuantes en faveur du président du conseil d’administration de l’agence de régulation des télécommunications.
Non respect des dispositions réglementaires, des règles d’éthique et de gouvernance, racket, corruption, etc. les accusations portées contre le président du conseil d’administration (PCA) de l’Agence de régulation des télécommunications (ART) sont extrêmement grave et ne laisse personne indifférent. Mieux, elles ont de quoi susciter indignation et colère. Une colère face à ce qui s’apparente à une véritable trahison contre la femme et la société civile. La colère serait d’autant plus grande quand on sait qui est la mise en cause. Le professeur Diffo Justine Tchunkam !
En effet, dans une étude publiée en mars 2018, « Répertoire du leadership féminin au Cameroun », le Pr Viviane Ondoua Bowolé identifie le Pr. Diffo Justine Tchunkam parmi les 15 femmes dont le parcours peut être présenté en exemple. L’experte en questions de gouvernance a retenu l’universitaire et leader de la société civile dans l’échantillon du « portrait-robot de la femme leader au Cameroun ».
A son actif, Justine Diffo est réputée pour avoir rendu aux femmes leur dignité politique. Jusqu’à présent, le Pr. Justine Diffo Tchunkam était connue comme une universitaire qui s’est illustrée par son combat pour l’accession des femmes aux sphères de décision politique au Cameroun au travers de son ONG « more women in politics ». Ses combats ont fait d’elle le chantre de l’éveil des consciences politiques chez les femmes et ses réussites sont nombreuses, entre autres le nombre de femmes au Parlement.
L’intéressée est bien consciente de la responsabilité des femmes qui occupent des postes de responsabilité dans notre pays. « Il faut que les mentalités bougent encore plus dans notre pays pour qu’on accepte de voir plus de femmes assumer les hautes responsabilités politiques. C’est là le gage d’une société plus démocratique … », déclarait-elle au Pr Viviane Bowolé. Et voilà que nous apprenons que… Plaise à Dieu que tout cela ne soit pas vrai. Nous ne désespérons pas que très vite, Pr. Justine Diffo Tchunkam va tirer cette situation au clair et rassurer tout le monde.
Leader de la société civile, enseignante de droit, spécialiste du droit Ohada, rien, mais alors rien ne milite pour des circonstances atténuantes. La loi du 12 juillet portant statut général des établissements publics est claire. Le texte encadre mieux le mode de gestion des établissements publics en y apportant notamment des précisions sur les mécanismes de contrôle et les attributions des directeurs généraux et PCA. Les experts y ont vu un moyen de booster la performance des structures et de réduire les risques de fautes de gestion. Hélas.
On imagine l’embarras du président de la République, face à ce scandale. Même pas trois mois que la mise en cause a été nommée et voilà Paul Biya presque contraint de retourner à des notes. Lui qui prône la « République exemplaire » ne peut rester de marbre en pareil situation. Au-delà de la disgrâce et du déshonneur personnel, le Pr. Justine Diffo Tchunkam rend surtout un très mauvais témoignage à la société civile. Des milliers d’hommes et de femmes dont le travail reste essentiel pour la vie sociale et démocratique.
Lire aussi : Justine Diffo nommée présidente du conseil d’administration de l’ART