Seulement 10% de constructions sont en règle à Douala
Sur environ 1 million d’immeubles érigés dans la capitale économique, moins de 100.000 disposent d’un permis de construire et d’un titre foncier. La Communauté urbaine de Douala vient d’engager une vaste campagne de régularisation et de contrôle de conformité des actes d’urbanisme dans les 6 arrondissements du département du Wouri.
«L’appât du gain ne doit pas l’emporter sur la sécurité des citoyens, l’éthique et la loi». Ces mots de Roger Mbassa Ndine délivrés ce 4 juin 2020 sont relatifs aux présumés actes de corruption dans la procédure d’acquisition des actes d’urbanisme dans la ville de Douala. Il s’agit pourtant de l’une des causes majeures du défaut des titres d’urbanisme dont font l’objet de nombreux immeubles de la capitale économique. Au regard de l’ampleur du phénomène, l’exécutif communautaire a décidé de prendre le taureau par les cornes. Une campagne de facilitation des documents administratifs provisoires des règles d’urbanisme et la vérification de la conformité du permis de construire a ainsi été engagée. Le nombre des constructions érigées dans la ville de Douala en violation des règles d’urbanisme renseigne suffisamment sur l’ampleur du phénomène. D’après Roger Mbassa Ndine, «10% des bâtiments et maisons construites dans la ville le sont sans respect de la réglementation». Le reste (90%) est dépourvu de certificat d’urbanisme, certificat de conformité, autorisation de lotir, permis d’implanter, ou de permis de construire.
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Parmi ces documents d’urbanisme, le permis de construire est au centre de toutes les attentions. D’après Annie Nana Sunou, responsable du Guichet unique de délivrance des actes d’urbanisme à la Communauté urbaine de Douala «moins de 10% des constructions sont dotées d’un permis de construire». 90% étant dans l’illégalité totale. «Entre 800.000 et 1 million de constructions, seulement 80.000 à 100.000 sont en règle» nous renseigne-t-elle. En effet, l’article 107 de la loi n°2004/003 du 21 avril 2004 régissant l’urbanisme au Cameroun et ses décrets d’application du 23 avril 2008 stipule que le permis de construire est «délivré par le délégué du gouvernement de la communauté urbaine concernée, à quiconque désire entreprendre une construction, même si celle-ci ne comporte pas de fondation, ou bien changer la destination d’une construction existante, en modifiant l’aspect extérieur ou le volume, et même créer des niveaux supplémentaires, doit au préalable obtenir un permis de construire délivré par le délégué du gouvernement de la communauté urbaine concernée». D’après l’article 109 de la même loi, «il ne peut être accordé que pour les travaux dont le plan a été élaboré sous la responsabilité d’un architecte inscrit au tableau de l’Ordre National des Architectes».
Inverser la tendance
D’après Léonide Moukoko Ndome, coordinatrice de cette grande campagne, les entorses de la loi du 8 juillet 2016 fixant les règles de l’utilisation du sol et de la construction peuvent expliquer « la situation d’irrégularité dans laquelle se trouvent la grande partie des constructions de la ville de Douala». En effet, la détention du titre foncier est une condition sine qua non pour la délivrance d’un permis de construire. Mais seulement, «la situation foncière dans la ville de Douala est largement en déphasage avec le rythme de constructions dans la ville», indique-t-elle.
Parmi les facteurs favorisant la violation des règles d’urbanisme, on cite le non-recours systématique par les maîtres d’ouvrage au permis de construire avant le début de l’exécution de leurs travaux, ainsi que l’absence de suivi par les services publics compétents des contrôles techniques et géotechniques pendant l’exécution des travaux. Dans le souci d’inverser cette tendance, la ville de Douala a mené deux actions préalables à l’actuelle campagne. Il s’agit du vote d’une délibération en fin d’année 2019 permettant une gestion transitoire des constructions non éligibles au permis de construire, et l’organisation d’une campagne de contrôle de conformité et de régularisation de la situation administrative des constructions dans la ville.
INTERVIEW
Léonide Ndome Moukoko, 3ème adjoint au Maire de la ville de Douala, Coordonnatrice de la campagne de régularisation des permis de construire sur les constructions déjà érigées, et de contrôle de conformité.
« Il faut réduire les écarts entre les dispositions des permis de construire délivrés et les réalisations sur le terrain»
Comment se déroule la gestion de l’urbanisme dans la ville de Douala?
L’urbanisme au Cameroun est régi par les règles générales d’urbanisme et de construction, et mis en oeuvre par des documents de planification urbaine, des opérations d’aménagement et des actes d’urbanisme. La ville de Douala par ailleurs dispose depuis 2015 de son Plan Directeur d’urbanisme (Pdu), d’un Plan d’occupation des sols (Pos), un plan de secteur (Ps), et un plan sommaire d’urbanisme (Psu). Ces outils de planification urbaine sont de précieux outils pour la modernisation de notre belle cité. Ils sont opposables à tous.
Quels sont les objectifs de l’actuelle campagne?
La campagne dispose de deux volets. Les objectifs de la campagne de facilitation de la délivrance des permis de construire et des autres actes administratifs d’urbanisme est d’informer les populations sur la nécessité d’obtenir un permis de construire sur les modalités pratiques y afférentes, informer les populations sur l’avènement du guichet unique et les nouvelles procédures en vigueur, faciliter l’accès à ces précieux actes à toutes les couches de la population à la simplification des procédures et la réduction des délais d’obtention, augmenter en nombre les permis de construire délivrés dans la ville au cours de l’année 2020, et maîtriser l’occupation des sols dans la ville de Douala et mettre en vigueur de manière harmonieuse les dispositions de planification urbaine en vigueur.
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Quid de la campagne de conformité des permis de construire?
C’est une véritable préoccupation pour l’exécutif de la mairie de Douala.
Elle vise principalement à réduire de manière significative les écarts entre les dispositions des permis de construire délivrés et les réalisations sur le terrain, à booster les recettes de permis de construire pour l’exercice 2020 en cours, et à susciter en chacun des promoteurs immobiliers présents ou futurs de la ville de Douala un esprit civique à travers les déclarations faites lors de l’obtention des permis de construire. Nous voulons également créer un cadre permanent de concertation entre la Cud et l’ensemble des différentes structures de la ville en charge de la gestion des lotissements publics et privés. A savoir le Port autonome de Douala, la Magzi, la Maetur et la Sad notamment.