La Banque des PME perd annuellement au moins 1 milliard de F CFA
Cet établissement qui a ouvert ses portes en 2015 par l’Etat du Cameroun, affiche un résultat négatif depuis 2016, selon un rapport de la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic.
La Banque camerounaise des Petites et moyennes entreprises (BC-PME) fait mauvaise figure dans le rapport 2019 de la Commission technique de réhabilitation des entreprises du secteur public et parapublic (CTR) sur les établissements publics au Cameroun. L’on y apprend que la BC-PME affiche un résultat négatif depuis 2016. Dans le détail, c’est -1,3 milliard de FCFA en 2016 ; -1,15 milliard de FCFA en 2017 et -1,1 milliard de FCFA en 2018. C’est une perte cumulée de -3,55 milliards de FCFA.
Comme explication de cette situation, le CTR indique que « la situation financière de la BC-PME est caractérisée par un déséquilibre sur toute la période [sous revue] avec des pertes importantes et le produit net bancaire insuffisant pour couvrir les charges globales d’exploitations, notamment les charges du personnel ».
L’on note également la faible stabilité de l’épargne collectée ; ce qui ne permet pas de satisfaire les besoins de financements des clients existants. En conséquence, l’activité commerciale et de marketing se retrouve contrainte. « Pour ce qui est des remboursements, la situation bien maîtrisée reste fragile dès lors que les PME éprouvent des difficultés à honorer leurs engagements dans les détails. Cette situation, beaucoup plus prononcée à Yaoundé qu’à Douala, est justifiée par la nature de leurs activités basées sur la réalisation des marchés publics », apprend-on du rapport du CTR.
Activité spécialisée mitigée
Par ailleurs, précise le document, l’activité spécialisée de la BC-PME vers les PME reste mitigée avec une forte orientation en faveur du bas de bilan. Car, à peine 10% des crédits octroyés sont des crédits à moyen terme alors qu’en moyenne 90% sont des crédits à court terme.
La BC-PME a officiellement ouvert ses portes le 20 juillet 2015. Le 31 août 2015, la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) y a constaté l’infraction de la norme relative à la représentation du capital minimum. A la suite du non-respect de l’injonction y relative de la Cobac, une procédure disciplinaire a été ouverte à l’encontre des dirigeants de la Banque en août 2018, pour non-respect de la règlementation prudentielle du capital minimum.
Afin d’éviter les sanctions liées à la violation des dispositions du règlement Cobac R-93/10 fixant les règles de représentation du capital minimum des établissements de crédit, modifiant par le règlement Cobac R-2001/04 qui prévoient que « tout établissement de crédit doit justifier à tout moment que son passif interne net est égal ou supérieur au capital minimum requis », et dans le but de se conformer à l’engagement de restructuration de la banque faite par l’Etat camerounais au Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre du programme économique triennal (2016-2019) Facilité élargie de crédit (FEC), le gouvernement a émis 1 million d’actions nouvelles de 10 000 chacune, par apport en numéraires
Augmentation du capital
Finalement, lors de l’Assemblée générale du 16 novembre 2018, l’Etat, actionnaire unique, a procédé à l’augmentation du capital de la Banque de 10 à 20 milliards de FCFA. Seulement, révèle le CTR, seulement 5 milliards ont été libérés par versement en numéraire en date du 30 juillet 2019.
La BC-PME emploie un effectif de 63 personnes au 31 décembre 2018 dont 44% de cadres, 46% d’agents de maîtrise, et 10% d’employés-ouvriers, pour des charges de personnel globales de 471 millions de FCFA.
La Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises a accordé des crédits d’un volume de 12,367 milliards de FCFA à 846 bénéficiaires, à fin 2018. La répartition des crédits totaux, suivant le type de crédit, montre que le crédit de trésorerie a la plus grosse part (70,6%), suivi du crédit équipement entreprise (29%), le crédit import/export (0,3%) et le crédit habitat (0,1%). Selon l’INS, le montant des crédits accordés en 2018 est en constante évolution si on compare avec les années antérieures : 3,3 milliards de FCFA en 2016 (pour 377 bénéficiaires), et 6,448 milliards de FCFA en 2017 pour 787 bénéficiaires.
Péchés congénitaux d’une banque
Le CTR relève que, depuis sa création en 2011 jusqu’en 2017, la BC-PME a connu de nombreuses contraintes sur le plan de la gouvernance, notamment : la non-tenue des sessions d’assemblée générale depuis l’ouverture de la banque en 2015. Le CTR cite la non-conformité de l’entreprise avec certaines dispositions pertinentes de l’Ohada en ce qui concerne le droit des sociétés commerciales et du Groupement d’intérêt économique ; la non-conformité avec la loi n°2017/011 portant statut général des entreprises publiques ; la procédure disciplinaire instruite par la Cobac et la mise sous astreinte de l’entreprise ; le non-respect de l’exhaustivité des normes prudentielles, notamment celles relatives à la représentation du capital minimum et des fonds propres minimum. En outre, le CTR révèle que la Banque a vu la non-approbation des comptes pour les exercices 2014, 2015, 2016 et 2017.
A l’issue de la 3ème revue du programme économique avec le Fonds monétaire international (FMI), Louis Paul Motaze, ministre des Finances (Minfi), a confirmé, le 12 novembre, la nouvelle selon laquelle la restructuration de la Banque camerounaise des PME (BC-PME) est en cours. « Il y a eu effectivement une réflexion pour la restructuration de la Banque camerounaise des petites et moyennes entreprises. Nous avons tenu une réunion ici au ministère des Finances avec le président du conseil d’administration de ladite banque, le directeur de la Banque et le ministre de tutelle, celui des Petites et Moyennes Entreprises, de l’Economie sociale et de l’Artisanat », a déclaré le ministre des Finances.
Toujours selon le Minfi, il était question de réfléchir sur le format de cette banque à capitaux publics et sur comment il faut changer de paradigme ou non. « Le conseil d’administration s’est déjà tenu et nous avons convoqué l’assemblée générale pour prendre des décisions. Les décisions qui seront prises seront, bien entendu, soumises à l’approbation de la hiérarchie et puis transmises au Fonds monétaire international », a précisé le membre du gouvernement.
La Banque camerounaise des PME est dans le rouge après juste trois années de fonctionnement. Elle est sous le coup d’une procédure disciplinaire ouverte, depuis le 31 août 2018, par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac). Le gendarme du secteur bancaire reproche à cette banque publique de violer la norme relative à la représentation du capital minimum. C’est-à-dire que la BC-PME ne dispose pas de fonds propres qu’elle doit justifier à tout moment.
Le Fonds monétaire international propose depuis lors de revoir le modèle économique de ladite banque. Par exemple, propose le FMI, les banques commerciales devraient être mises à contribution pour sauver cet établissement bancaire public qui a démarré ses activités avec un capital de 10 milliards FCFA.