La Beac pourrait perdre 7 milliards de F de bénéfice en 2020 à cause du Covid-19
Les comptes de la banque centrale pour l’exercice en cours pourraient être affectés par la crise sanitaire actuelle et son impact plus que négatif sur les économies de la CEMAC.
Pour l’exercice 2019, les comptes annuels de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale(Beac) ont généré un résultat positif de 19 milliards de F CFA. C’est l’annonce majeure qui ressort de la réunion virtuelle de l’Union Monétaire d’Afrique Centrale(Umac) tenue le 30 avril dernier. Une performance qui est hausse par rapport à 2018 où l’intuition affichait un bénéfice de 14 milliards, soit 35% de moins que cette année. Cependant, d’après des prévisions, ce chiffre pourrait connaître une baisse en 2020. Une source nous révèle que pour l’exercice en cours, le bénéfice de la Beac pourrait diminuer d’environ 7 milliards de F CFA. Le montant n’est pas donné au hasard, il est proportionnel à la baisse de 30% qui pourrait s’opérer au niveau des avoirs extérieurs nets. En effet, une partie des bénéfices de la Beac proviennent des avoirs du compte ouvert dans les livres du trésor français. Selon notre source, celui-ci pourrait enregistrer des pertes pouvant se chiffrer à environs 34 milliards de FCFA.Un manque à gagner qui se répercuterait automatiquement sur les comptes annuels de l’institution d’émission de la sous-région (Cameroun, Guinée Equatorial, Gabon, Gabon, Congo, République Centrafricaine).
Dans son rapport sur la politique monétaire publié le 27 avril dernier, où elle évaluait l’impact du Covid-19 sur les économies de la Cemac, la banque centrale redoutait déjà une baisse drastique de ses avoirs de réserves qui pourraient passer de 3,98 à 2,66 mois d’importations de biens et services. Une baisse consécutive à la chute drastique des prix des matières premières, notamment le pétrole, principal produit d’exportation de la Cemac. Un état de fait qui est aussi en partie dû à l’implémentation des mesures barrières qui s’imposent à la Beac si elle veut contrer les effets néfastes de la pandémie du Covid-19 sur les économies de la Cemac. Ces prévisions pourraient davantage s’assombrir en l’absence des mesures d’accompagnements appropriés. Notre source, qui a requis l’anonymat, révèle que cette perte sèche pourrait s’établir à plus de 20 milliards de F CFA.
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Riposte limitée
Pour conjurer ces effets néfastes de la pandémie sur les économies, la Banque centrale a engagé des mesures de politiques monétaires qui jusqu’ici s’avèrent insuffisantes. A travers le Comité Politique et Monétaire(CPM) elle avait par exemple décidé d’assouplir sa politique monétaire à travers la révision du « taux d’intérêt des appels d’offres(TIAO) de 25 pointsde base soit de 3,50% à 3,25% ». Elle avait également révisé à la baisse de 100 points de base le taux de facilité de prêt marginal, porté les injections de liquidités de 240 milliards de FCFA à 5000 milliards de FCFA et se rendre disponible à lever ce montant en cas de besoin et revu à la baisse les niveaux de décotes applicables aux effets publics et privés admis comme collatéral pour ses opérations de refinancement.
Pour un appui optimal, la Beac devrait l’approvisionnement aux banques commerciales pour accroitre les possibilités de financement des entreprises et assurer un fonctionnement satisfaisant de l’économie. Cependant, une application de ces mesures complémentaires compromettrait davantage le bénéfice annuel de l’institution. En attendant, elle joue les « démarcheur » auprès d’institutions internationales pour l’octroi aux Etats de financements plus importants. La Beac a par exemple mis à la disposition de la Bdeac une ligne de financement de 90 milliards de FCFA pour financer les projets d’investissements publics. Elle a également plaidé pour le relèvement de l’enveloppe des appuis budgétaires dans le cadre des programmes existants avec le FMI. Au sujet de la suspension temporaire des services de la dette par les pays du G20 en faveur des pays pauvres dont ceux de la Cemac, la Beac plaide pour un report d’un an. Ceci devant offrir une marge de manœuvre budgétaire aux Etats de la sous-région pour répondre aux dépenses liées au Covid-19.
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Virus économicide
Ce n’est plus un secret de polichinelle, le coronavirus laissera de nombreuses séquelles aux économies de la Cemac. Dans l’évaluation qu’elle en fait la Beac affiche un pessimisme criard : « forte détérioration des termes de l’échange, une récession généralisée des activités économiques, un creusement des déficits extérieur et courant et une dégradation de la situation monétaire » peut-on lire dans le rapport sur la politique monétaire. A l’origine de ce déficit, il y’a la chute des prix des matières premières, dont le pétrole brut, sur le marché international. Ce qui conduirait à une baisse des exportations et une légère progression des importations. Dans l’hypothèse d’une baisse du baril à 20 Dollars, la sous-région devrait perdre environ 2 653,7 milliards de FCFA. Une tendance baissière qui se répercuterait logiquement sur les avoirs d’exportations.
Dans son édition du lundi 04 mai 2020, EcoMatin tirait déjà la sonnette d’alarme sur un risque potentiel de dévaluation du FCFA. Sur la situation monétaire de la Cemac, voici ce que dit la Beac dans l’hypothèse d’une crise de grande ampleur : « elle (la situation monétaire (ndlr) se détériorerait davantage à travers la baisse des avoirs
extérieurs nets, des crédits à l’économie et de la masse monétaire ; seules les
créances nettes sur les Etats sont prévues en forte augmentation. L’accroissement
des créances nettes sur les Etats résulterait de l’utilisation des dépôts publics à la
Banque Centrale et dans les banques primaires, ainsi que de l’émission des titres
publics, souscrits par les banques. Le taux de couverture extérieure de la monnaie
reviendrait de 71,6 % projeté dans le scénario de base initial à 52,7 % dans le
scénario pessimiste. Une telle évolution se traduirait par une réelle menace pour la
stabilité extérieure de la monnaie, soulignant ainsi le fait qu’en l’absence
d’ajustement budgétaire et de mobilisation conséquents des financements extérieurs,
la BEAC serait de nouveau soumise aux mêmes risques sur la parité de sa monnaie
qu’en fin 2016. »
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