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Caisse des dépôts et consignations : plus de 1 000 milliards en divagation pour cause d’inertie

Depuis le décret présidentiel du 15 avril 2011 devant accélérer l’entrée en activités de la Caisse des dépôts et consignations, le dossier des nominations est bloqué au palais d’Etoudi. Ce qui empêche le gouvernement d’avoir accès à d’importantes ressources financières qui auraient pu servir au développement économique du pays.

Dans son édition du lundi 27 avril dernier, EcoMatin déplorait dans ses colonnes l’absence de la Caisse des dépôts et consignations (CDEC) dans la lutte contre la maladie à coronavirus (Covid-19). Grâce aux res­sources financières dont elle devrait disposer, cet organisme aurait pu aider l’Etat du Cameroun à faire face à cette crise sanitaire qui met à mal l’économie du pays, en lui évitant de contracter de nouveaux em­prunts très coûteux.

D’après la loi n°2008/003 du 14 avril 2008 promul­guée par le président de la République, La CEDC assure le service public des dépôts et consignations. C’est elle qui doit rece­voir, conserver et agréer les avoirs publics ou privés. Seulement, depuis le décret présidentiel n°2011/105 du 15 avril 2011, portant organisation et fonction­nement de cet organisme sous-tutelle du ministère des Finances, elle n’a ja­mais commencé ses acti­vités. La principale raison de cette inertie, selon cer­taines sources au sein de l’administration publique camerounaise, le dossier de nomination de l’équipe dirigeante serait bloqué au niveau de la présidence de la République, sous l’influence de lobbys dont les tentacules s’étendraient jusque dans le système ban­caire.

Cet état de choses met à mal l’Etat camerounais, d’importantes ressources financières échappant à son contrôle. La CDEC a pour vocation, entre autres, de « concourir au développe­ment économique du pays, par l’intermédiaire des structures spécialisées, se­lon les priorités définies par le gouvernement », stipule l’article 4 de la loi susmen­tionnée. Grâce à ses fonds, elle peut aider le gouverne­ment à financer des grands projets d’infrastructures, d’assurer le financement de projets et programmes économiques sectoriels, d’intervenir efficacement sur les filets sociaux, etc. Elle serait en tout cas suffi­samment fournie pour sou­lager la trésorerie du gou­vernement : on estime à des centaines de milliards de francs CFA ce que la Caisse des dépôts et consignations aurait déjà pu mobiliser de­puis une décennie.

36 poches de mobilisation des ressources

Quelques calculs per­mettent d’évaluer l’ampleur des fonds qui échappent au gouvernement. Selon la loi, les sommes qui doivent faire l’objet de dépôts et consignations sont réper­toriées dans quatre catégo­ries : consignations admi­nistratives, consignations judiciaires, consignations conventionnelles, et enfin, les dépôts. Dans le détail, cela constitue 36 poches de mobilisation desdites res­sources.

S’agissant de la première catégorie, constituée de 13 types de cautionnements et consignations, on note par exemple que les « caution­nements sur les marchés publics » peuvent consti­tuer d’importants argents. Une lecture transversale du budget d’investissement public (BIP) par chapitre, programme, action et projet (assortie des objectifs, indi­cateurs et cibles) permet de constater que les cau­tionnements sur les mar­chés publics sont énormes. Ce document qui donne les détails du BIP indique que pour l’exercice 2018 près de 1 300 milliards de FCFA avaient été prévus pour atteindre les objectifs. En tenant compte des cau­tionnements versés dans le cadre de la passation de ces marchés publics, dont le taux est de 10%, on comprend très bien que la rubrique « cautionnements sur les marchés publics » aurait pu produire quelque 130 milliards de FCFA. En étalant ce calcul sur les dix dernières années, le constat est clair : la Caisse des dépôts et consignations du Cameroun aurait déjà dû être pourvue à plus de 1 000 milliards de FCFA.

L’enveloppe devrait d’ail­leurs être bien plus impor­tante. Outre les caution­nements sur les marchés publics, d’autres postes sont également pourvoyeuses de ressources financières. On a l’exemple des caution­nements auprès des entre­prises d’eau, d’électricité, de téléphone et d’habitat. On peut également citer les fonds de contrepartie dans les projets communs. Un fait qu’une grande partie de l’opinion ignore : la Caisse des dépôts et consigna­tions se nourrit des fonds issus des comptes inactifs dans les établissements de crédit. Selon cer­tains experts, ces fonds sont importants dans l’ensemble des banques commerciales – qui les classent souvent dans le hors bilan pour ne pas les justifier – qui verraient leurs résultats au cas où ces ressources leur sont retirées pour être logées dans les tiroirs de la CDEC.

Un service en remplace­ment

>LIRE AUSSI-La caisse des dépôts et consignations absente de la lutte contre le Covid-19

Globalement, les estima­tions les moins enthou­siastes parlent d’une montant situé entre 3 000 et 4 000 milliards de FCFA que la Caisse des dépôts et consignations aurait déjà mobilisé si elle avait fonctionné de­puis sa création. « Mais, il faut souligner que cet argent ne devrait pas res­ter dans les coffres forts de la caisse. Chaque an­née, ces fonds devraient être recueillis et il revient à l’Etat de les utiliser. Il ne s’agit donc pas de « stocker » de l’argent quelque part. Le seul problème étant que, comme elle n’existe pas, elle ne peut pas aider le gouvernement à financer certaines de ses actions », relève le fonctionnaire du ministère des Finances.

La non implémentation de la Caisse de dépôts et consignations étonne d’autant plus que l’exis­tence de cet organisme fait partie des directives de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et même du nouveau régime finan­cier de l’Etat camerounais. Pour le moment, il existe au niveau de la Direction générale du Trésor, de la Coopération Financière et Monétaire (Dgtcfm) du ministère des Finances, un service des dépôts et consi­gnations qui joue bon gré mal gré ce rôle, sans pour autant se substituer vérita­blement à la Caisse au sens de la loi. L’on sait juste que les fonds et les valeurs sont depuis des décennies en dépôt où en consignation du Trésor public ou dans les établissements bancaires et autres établissements finan­ciers.

En raison d’une disposition législative ou réglemen­taire, ils « doivent être re­versés à la Caisse des dépôts et consignations (…) Il en est de même, notamment, des fonds placés sous sé­questre, des fonds des pro­fessions judiciaires, et des fonds rendus indisponibles par l’effet d’une enquête ou d’une instruction judiciaire, des fonds des greffes, des fonds issus des liquidations des entreprises publiques et des fonds de contrepartie », stipule la loi de 2008. En attendant cette réglemen­tation ou cette législation, ces ressources financières existent, et profitent plutôt à d’autres entités que l’Etat.

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