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Opinions

La caisse des dépôts et consignations absente de la lutte contre le Covid-19

Au moment où le Cameroun est à la recherche effrénée de financements pour lutter contre la pandémie à coronavirus et ses conséquences sur l’économie, les fonds issus de la Caisse de dépôts et consignations auraient pu l’aider. Sauf que cette structure n’existe que sur du papier depuis 12 ans.

Depuis plus d’un mois, l’Etat du Cameroun lutte contre la propagation de la maladie à coronavirus sur son territoire. Dans son plan de riposte contre cette pandémie qui risque de paralyser son écono­mie, le pays s’est lancé dans une course effrénée de finan­cements. Les mécanismes internationaux sont ainsi acti­vés, dans des conditions qui, au demeurant posent toujours la question de leur efficience. Dans ce contexte, l’on aurait pu bénéficier du concours d’un certain nombre de struc­tures nationales. Si elles fonc­tionnaient.

C’est le cas de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDEC), instituée par une loi promulguée en 2008 par le président de la République. Quelque 12 ans après, l’insti­tution n’est pas encore fonc­tionnelle, malgré le décret portant organisation et fonc­tionnement de la Caisse des dépôts et consignations, signé le 15 avril 2011, par Paul Biya. Jusqu’à présent, soit 9 années exactement après ce décret, ses dirigeants ne sont toujours pas connus. Blocus au niveau de la présidence, semble-t-on comprendre.

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Développement économique

Pourtant, de l’avis de plu­sieurs experts, la CDEC au­rait pu permettre à l’Etat de gérer certaines contraintes, notamment celles que le pays connait avec le Covid-19. « La Caisse, au sens de la loi, n’existe pas encore. On attend toujours l’acte qui va la rendre effective en tant qu’établisse­ment public administratif », souligne Dr Eric Romuald Lipot, économiste. Il précise qu’il existe néanmoins, au ni­veau de la Direction générale du Trésor, et de la Coopéra­tion Financière et Monétaire (Dgtcfm) du ministère des Fi­nances, un service des dépôts et consignations « qui joue bon gré mal gré ce rôle, sans se substituer véritablement à la Caisse au sens de la loi ».

D’après la loi susmentionnée, les dépôts et consignations sont une activité s’inscrivant dans le cadre d’une mission de service public, consistant à recevoir, à conserver et agréer les avoirs publics ou privés. En son article 4, elle indique que la Caisse des Dé­pôts et Consignations « peut concourir au développement économique du pays, par l’intermédiaire des structures spécialisées, selon les prio­rités du gouvernement ». En d’autres termes, les fonds re­cueillis par la CDEC peuvent être utilisés par le gouverne­ment, pour par exemple finan­cer les grands projets, soutenir l’économie ou faire face à des situations de crise comme ac­tuellement. L’absence d’une telle structure prive donc le gouvernement de plusieurs centaines de milliards que la CDEC aurait déjà dû avoir en réserves, selon certaines esti­mations.

« La mobilisation des fonds doit être endogène »

Dr ONGUENE ATEBA Julien

Le Cameroun est au­jourd’hui à la recherche de financements pour lutter contre le Covid-19 et ses effets sur son éco­nomie. Quel regard je­tez-vous sur ces appuis extérieurs que l’Etat re­cherche ?

Il faut déjà dire que l’aide extérieure est une contrainte budgétaire dans la mesure où ce sont les recettes de l’Etat qui sont mobilisées pour la ré­gler. Bien plus grave, quand il s’agit de régler les intérêts de la dette qui sont souvent libel­lés en dollar USD et qui fluc­tuent avec l’appréciation de cette réserve qui est en régime de change flexible. Cette dette extérieure diversifiée en par­tenaires bilatéraux (Club de Paris, Chine, France), multi­latéraux (FMI, BAD, BM…), partenaires privés (Eximbank, euro obligations…) n’est pas une variable d’ajustement de l’économie en situation de COVID -19. Nous ne relançons pas l’activité éco­nomique actuellement, nous prévenons la crise. Nous soi­gnons les malades. La dette extérieure vient nous enfer­mer dans le cercle vicieux de la dette extérieure qui tend déjà vers le seuil critique de 40% du PIB des critères de convergence de la CEMAC et une fois ce seuil atteint, on ne sera plus loin du seuil de la non-soutenabilité de 70% du PIB. C’est pourquoi, il faut anticiper ce seuil critique et faire recours à d’autres mécanismes de financement endogène qui sont plus mai­trisables.

Outre ces financements, on pense qu’en interne, nous aurions pu avoir des fonds si certaines struc­tures existaient, notam­ment la Caisse des Dépôts et Consignations. Pouvez-vous parler de cette struc­ture ?

La mobilisation des res­sources à travers le Caisse des Dépôts et Consignations est issue de la loi n°2008/003 du 14 avril 2008 régissant les dépôts et consignations. Laquelle stipule en son article 3 que le service public des dé­pôts et consignations est assu­ré par un établissement public de type particulier, dénommé « Caisse des dépôts et consi­gnations ».

Le décret portant organisa­tion et fonctionnement de la Caisse de dépôts et de consi­gnation a été signé le 15 avril 2011, par le Président de la République Paul Biya. Mais, neuf ans après en 2020, le dossier reste rangé dans les tiroirs. En effet, les organes dirigeants de cette structure ne sont pas désignés par les services de la présidence de la République.

Le Ministère des Finances s’étonnait déjà en 2015 du temps que cela prenait, étant donné que cela faisait de longues dates que ce dossier avait été transmis.

Comment est provision­née cette caisse ? D’où proviennent les fonds ?

Les ressources de la Caisse des Dépôts et Consignations proviennent, globalement des consignations adminis­tratives, juridiques et correc­tionnelles. On peut citer les cautionnements des marchés publics, des rapatriements, des candidats aux élections. Il y’a aussi les fonds des clients détenus par les auxiliaires de justice, les dépôts effectués par les notaires, les adminis­trateurs et les mandataires en exécution de leurs fonctions, les fonds issus des comptes inactifs des établissements bancaires, les fonds de contre­partie, les fonds destinés aux indemnisations pour expro­priation pour cause d’utilité publique. Une bonne partie des financements issus de la dette proviennent de cette caisse. Une dette qui a pro­gressé à ce jour à 37,5% du PIB en 2019 s’établissant à 8 424 milliards de FCFA.

Normalement, à quoi peuvent servir ces fonds ?

Il ressort de la loi que cette structure pourrait jouer un rôle important dans le finan­cement des grands projets im­plémentés actuellement par le Cameroun, elle viendrait éga­lement en soutien aux grandes catastrophes, pandémies et autres. Il est indiqué dans l’article 4 de la loi du 14 avril 2008, régissant les dépôts et consignations au Cameroun que celle-ci peut contribuer au développement économique du pays, par l’intermédiaire des structures spécialisées, selon les priorités définies par le gouvernement.

Ce serait donc des fonds qui auraient pu aider le Cameroun en ce qui concerne la lutte contre le Covid-19. De quelle manière ?

Évidemment quand vous voyez la nature des dépôts et consignations du chapitre2 de cette loi, vous constatez que beaucoup d’argent y entre. Imaginez-vous ce qui peut être versé en situation de liquidation d’une entreprise autre ressource du CDEC. Ce n’est pas connu de tous et même comment c’est orienté.

C’est donc une bonne oppor­tunité si la CDEC est assez structurée pour financer la crise sanitaire du COVID-19. Ce serait être dans son rôle et l’esprit de la loi. La solu­tion de mobilisation des fonds pour combattre la crise sanitaire doit d’abord être endogène. Donc, toutes les ressources et avoirs internes doivent être exploités. La po­litique budgétaire étant limi­tée actuellement et le levier de la politique monétaire inexis­tante, la dette extérieure exi­güe et contraignante, la crise du COVID-19 pouvait trou­ver une issue dans ce fonds.

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