Voici pourquoi les prix du carburant ne baissent pas à la pompe
Une baisse des prix dans les stations-services sera répercutée sur le prix du transport et des autres biens et services. Le gouvernement ne semble pas favorable à cette option
15,5 dollars soit 9 356,834 FCFA. C’est ce que valait le baril du pétrole brut léger américain (WTI) ce 21 avril 2020 à 14 heures, après être tombé à 7,02 dollars (4237,22 FCFA) la veille, son plus bas niveau depuis 1986 ! Pour les pays producteurs de pétrole, cette chute représente un manque à gagner pour les recettes budgétaires. Au Cameroun, par exemple, le budget 2020 a été élaboré sur la base d’un cours du baril à 54,4 dollars (30 197,44 FCFA).
Par contre, pour les pays importateurs, la situation actuelle est une bonne nouvelle puisque cela va entrainer des économies pour l’approvisionnement. Le problème, c’est que le Cameroun se trouve dans les deux cas de figure. Une situation bien embarrassante pour le gouvernement.
Depuis plus d’un mois, les transporteurs menacent de faire grève. Les opérateurs de ce secteur se plaignent « d’un manque à gagner considérable » dû à l’adoption par le gouvernement d’une série de restrictions dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19. Il s’agit par exemple de l’exigence de la désinfection des véhicules de transport, l’exigence des produits hydro-alcooliques à bord ; l’interdiction des surcharges ; la réduction du nombre de passagers à bord dans les taxis et dans les bus de transport interurbain… sous peine de sanctions pécuniaires et judiciaires. Dans un préavis de grève adressé au Premier ministre, le 30 mars 2020, les présidents des syndicats nationaux des transports routiers du Cameroun demandent notamment une révision à la baisse des prix des carburants à la pompe.
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Depuis l’incendie de la Société nationale de raffinage (Sonara), intervenu le 31 mai 2019, le Cameroun est importateur net de produits pétroliers. Avec la chute des cours du pétrole sur le marché international, les transporteurs espèrent donc une répercussion sur le marché intérieur qui se traduirait par une baisse des prix à la pompe.
Sauver la filière ou le pouvoir d’achat
Officiellement, le secteur pétrolier (aval) a été libéralisé au Cameroun depuis le début des années 2000. Les distributeurs pourraient donc en réalité appliquer les prix qu’ils veulent. Bien plus, plutôt que de répercuter la chute du cours du baril sur les prix appliqués aux consommateurs dans les stations-services, le gouvernement a préféré sécuriser (à défaut de les revaloriser) les marges des opérateurs de la filière.
Dans une correspondance du 25 mars 2020, du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, au secrétaire des services du Premier ministre, relative à l’approvisionnement du marché intérieur en produits pétroliers au cours de l’année 2020, l’on apprend que le président de la République a approuvé les propositions du PM, notamment « la mise en vigueur dès ce mois de mars 2020 de la nouvelle grille des produits pétroliers, qui : accorde une marge minimale de 47,88 FCFA/litre, sans incidence sur le niveau actuel des prix à la pompe ; accorde aux importateurs, y compris la Sonara, une marge fixe de 16 FCFA/ litre, destinée à couvrir leur rémunération ; revalorise les droits de passage au profit de la SDCP à hauteur de 2 FCFA/litre, l’ouverture par le gouvernement, des négociations avec Afreximbank, au titre de la mobilisation de la tranche de 300 millions d’euros, destinées à l’importation des produits pétroliers par la Sonara ». Il semble que les transporteurs vont devoir ronger leur frein par rapport à leurs attentes.
Actuellement, le litre d’essence coûte 630 FCFA contre 575 FCFA pour le gasoil et 350 FCFA pour le pétrole lampant. Dans un pays où le taux de motorisation reste faible et les transports publics inexistants, la baisse des prix du carburant devrait se traduire par une baisse du coût du transport qui entraînera à son tour une baisse des prix des denrées alimentaires et des autres biens et services, étant l’effet mécanique des prix du carburant sur l’ensemble de l’économie.