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Politiques Publiques

Coronavirus : le Coronavirus menace de plonger le Cameroun dans la récession

En affectant l’industrie touristique, extractive et les autres produits d’exportation, le virus pourrait réduire le PIB du pays de 4,1% en 2020.

Le Cameroun compte pour l’instant une demi-dizaine de cas confirmés de Coronavirus sur son territoire. Mais même si on en reste-là, l’économie du pays sera durement plus atteinte par le virus. C’est ce qui ressort de l’analyse de l’impact potentiel de cette pandémie sur les économies d’Afrique centrale réalisée par le bureau sous régional de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).

Au cours d’une conférence de presse donnée ce 16 mars à Yaoundé, l’on a appris du directeur du bureau Afrique centrale de la CEA, Antonio Pedro, et de l’équipe qui l’accompagnait, que trois secteurs seront particulièrement impactés : les industries extractives (pétrole, gaz, et autres minerais), le tourisme avec tous les sous-secteurs (transport, hébergement, restauration, etc.) et les autres produits d’exportation (Cacao, bois, café…).

Chute des prix des matières premières

En fait, le Coronavirus oblige les pays à se barricader et les entreprises à arrêter pour certaines et à réduire pour d’autres leurs activités. Pour la CEA, le ralentissement mondial de l’activité qui en résulte «devrait réduire la demande de nombreux produits d’exportation de l’Afrique centrale» dont le Cameroun. Un risque d’autant plus élevé que les principaux clients du pays sont touchés de plein fouet par la pandémie. Il s’agit de la Chine (22,2% des exportations), de l’Italie (14,7%), des Pays-Bas (9,1%) et la France (6,4%), de l’Espagne (6,3%), la Belgique (3,7%).

« Il est déjà prévu que la consommation mondiale de pétrole diminuera de 1,5 million de barils par jour au premier trimestre 2020, et la demande de cuivre devrait chuter de 300 000 tonnes », indique Antonio Pedro. « Plus encore, les prix des principaux produits de base tels que le cuivre, le pétrole et le charbon ont déjà chuté de 20 % depuis la mi-janvier », ajoute-t-il.

Alors que le Cameroun a conçu son budget 2020 sur l’hypothèse d’un prix de baril du pétrole à 58 dollars, il est tombé depuis quelques jours à 33 dollars. Pour certains experts, cela n’est pas qu’une mauvaise nouvelle pour le pays. Avec l’incendie de la Sonara, son unique raffinerie, le pays importe en effet les produits finis pour sa consommation interne. Ce qu’il perd en termes de recettes pétrolières pourrait être compensé par les gains en termes de réduction des dépenses en importation des produits finis.

Menace de récession

Mais, cela est loin d’être suffisant pour équilibrer le déficit. D’un côté, le pays devra certainement augmenter ses dépenses de santé pour faire face à la pandémie de Coronavirus, mais les pertes de recette pour l’Etat devraient être plus important au regard de la baisse d’activité projetée par le bureau Afrique centrale de la CEA. Selon l’organisme onusien, les revenus globaux des secteurs impactés pourraient baisser de 4,1% du PIB, soit 2% du PIB pour les revenus du secteur pétrolier, 1,5% du PIB pour le secteur touristique et 0,6% du PIB pour les autres produits d’exportation.

Selon la loi de Finances, le Cameroun projetait un taux de croissance 4%. Si le scénario de la CEA se réalisait, la croissance du Cameroun en 2020 serait donc nulle, dans le meilleur des cas, et négative (ce qui est synonyme d’une récession), dans le pire des cas. Cela est d’autant plus probable le secteur pétro-gazier est l’un des principaux ressorts de la croissance espérée cette année. Selon nos calculs, cela fait en valeur nominale, une perte de revenus de près de 1000 de FCFA en 2020 pour l’économie camerounaise en général dont une perte conséquente pour l’Etat en terme de d’impôts et taxes non collecté. Des experts estiment même qu’un collectif budgétaire sera nécessaire. Pour l’instant, le gouvernement reste silencieux.

Pertes d’emplois

Dans ces conditions, estime la CEA, il faut s’attendre à « des pertes d’emplois importantes, en particulier dans le secteur informel où la protection de l’emploi est plus faible ». Plusieurs filières concernées par la baisse d’activité sont en effet pourvoyeuses d’emploi. Selon l’étude économique et financière des entreprises en 2017, publié par l’Institut national de la Statistique (INS) en fin 2019, le transport et l’entreposage contribue pour 8,3% à la création d’emploi, l’hébergement et la restauration (2,2) l’agriculture (7,7%), l’industrie du bois sauf fabrication des meubles (1,8%), les industries extractives 0,5. L’ambition du gouvernement de créer 550 mille emplois en 2020 pourrait donc être contrarier.

La CEA craint par ailleurs une réduction du programme de protection sociale et l’augmentation des inégalités. Ce qui « signifie plus de vulnérabilités (en d’autres terme plus de pauvreté NDLR) », indique l’organisme onusien. Les Camerounais devraient donc se préparer à serer davantage la ceinture.

Inquiétude sur les prix des denrées alimentaires

L’Institut national de la statistique a sonné l’alerte en début d’année : « l’épidémie du coronavirus pourrait entraîner la suspension d’importations de Chine de certains produits de grande consommation, notamment le maquereau avec pour corollaire la flambée de prix ». Le 3 février 2020, le ministre de l’Élevage, des Pêches et des Industries animales (Minepia) annonçait la suspension, « jusqu’à nouvel ordre », de la délivrance « des avis techniques d’importation d’animaux vivants, de produits d’origine animale et halieutique frais ou congelés et non manufacturés », en provenance « des pays abritant des foyers actifs » du coronavirus.

Avec la généralisation de la pandémie dans le monde, il y a lieu de redouter une pénurie de certains produits alimentaires comme le riz et le poisson. Selon les chiffres officiels, les besoins annuels de ces deux produits alimentaires sont estimés respectivement à 700 000 tonnes et entre 450 et 500 000 tonnes. Or le Cameroun produit chaque année seulement 105 000 tonnes de riz et entre 220 et 270 tonnes de poissons. Du coup, pour combler son déficit, le pays a, par exemple, importé en 2018 plus 561 000 tonnes de riz pour un coût de plus de 144 milliards de FCFA et plus de 225 000 tonnes de poissons pour un montant de plus de 154 milliards de FCFA.

Le 11 mars 2020, au sortir d’une rencontre avec les importateurs de denrées alimentaires, le ministre du Commerce (Mincommerce) a tenté de rassurer. « Avec les opérateurs économiques, nous avons pris l’habitude de fonctionner sur la base des stocks d’anticipation », a indiqué Luc Magloire Mbarga Atangana, assurant que les stocks actuellement disponibles permettraient de tenir pendant trois à quatre mois. Sauf qu’à ce jour, on ignore quand est-ce que le monde viendra à bout de la pandémie. Pour nombre d’opérateurs économiques locaux, il est temps de donner un vrai contenu au made in Cameroun.

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