Archidiocèse de Yaoundé : Mgr Jean Mbarga accuse Afriland First Bank
Le prélat prétend, dans une lettre datée du 14 octobre dernier que c’est à cause de Cena-Invest, filiale d’Afriland, que l’église est ruinée et pourtant, le siège archiépiscopal traînait déjà une dette colossale de 5,3 milliards depuis 2002.
L’affaire aurait pu rester strictement religieuse, interne à l’archidiocèse de Yaoundé, si elle n’avait pas impliqué une banque et non des moindres : Afriland First Bank. En effet, tout a commencé la semaine dernière avec une lettre signée d’un certain Albert Roland Amougou, se présentant comme «économe général honoraire de l’archidiocèse de Yaoundé ». Ce dernier a accusé l’actuel archevêque de Yaoundé, Mgr Jean Mbarga, d’abandonner à l’agonie son prédécesseur Mgr Victor Tonyé Bakot. Et pour cause, croit savoir M. Amougou, l’archidiocèse fait payer à son prédécesseur sa gestion d’antan.
« Je dois vous dire que Monseigneur Jean Mbarga, évoque régulièrement les dettes que Monseigneur Victor Tonyé Bakot auraient laissées ou bien sa mauvaise gestion présumée des finances de l’archidiocèse pour justifier qu’il lui apporte un soutien purement cosmétique à ses besoins de survie. Pour ma part, tout bilan comporte, depuis les travaux inventifs du moine Franciscain Lucas Pacioli en 1452 (quinzième siècle) un passif et un actif. Pourquoi l’Archevêque de Yaoundé ne parle jamais de l’actif que son prédécesseur lui a légué ? », a accusé l’économe.
En réaction à cette lettre, l’actuel archevêque de Yaoundé a publié à son tour une correspondance qui comporte des révélations troublantes. Il écrit : « Le malheur a voulu qu’en 2005/2006, cherchant à continuer le travail de redressement de l’archidiocèse de Yaoundé initié par Feu Monseigneur André Wouking, il [Mgr Bakot] ait accepté la coopération de la Central Africa Investment (Cena-Invest) une filiale d’Afriland First Bank qui lui impose de prendre monsieur Amougou Albert Roland comme économe diocésain de l’archidiocèse de Yaoundé pour garantir la bonne gestion des crédits bancaires. Ce fut le début des déboires de Monseigneur Victor Tonye Bakot. Depuis ce temps-là, tout est allé très vite et très mal pour Monseigneur. Ce soit disant expert financier va l’entraîner dans des emprunts bancaires et investissements divers sans jamais créer de rentabilité ; au contraire la situation s’est dégradée, la banqueroute aussi et Monseigneur Victor Tonye Bakot démissionna. »
Bien avant cela, poursuit l’archevêque, l’économe aurait imposé l’aliénation des biens du diocèse sous de faux prétextes de remboursement ; le cas le plus flagrant, c’est un immeuble à l’Avenue Kennedy, à Yaoundé. « Lorsque Victor Tonye Bakot prend conscience de l’incompétence et la corruption de M. Amougou, il met fin à son mandat d’économe Diocésain et Cena-Invest lui propose un autre collaborateur. Il subira par la suite une persécution publique d’une rare violence de ce dernier pour un projet immobilier teinté de malversations « La Foncière » et pour bien d’autres questions », enfonce l’archevêque de Douala.
Seulement, «EcoMatin» a retrouvé une lettre 24 septembre 2013, signée des « Chrétiens engagés » lorsque au Mgr Vitor Tonye Bakot renonce au gouvernement pastoral. Dans cette longue lettre, l’on apprend alors que, quand Mgr Bakot prend possession du siège archiépiscopal de Yaoundé, il trouve une colossale dette qui s’élève à 4,8 milliards de FCFA, à laquelle s’ajoutnt les 500 millions de FCFA prêtés par la SNH à feu Mgr André Wouking en 2002 : soit un total de 5,3 milliards de FCFA de dettes que Mgr Bakot a trouvées à Yaoundé.
Les fausses vérités sur l’argent du diocèse
Selon la lettre évoquée dans l’article ci-dessus, entre 2010 et 2012, Mgr Tonye Bakot a remboursé la somme d’environ 2 milliards de FCFA aux créanciers du diocèse.
C’est notamment le cas d’Afriland First Bank. Sans oublier qu’en 2006, l’archidiocèse avait payé la somme de 1,5 milliard de FCFA à la Commercial Bank Cameroon (CBC), à la grande satisfaction de la hiérarchie (Propaganda Fide et la Nonciature de Yaoundé), qui adressera par la suite à Mgr Bakot des lettres de félicitations et d’encouragements en janvier 2010 et novembre 2012. Les Laïcs de Yaoundé, dans leur mémorandum, soulignent à juste titre que : « la dette énorme trouvée au début de son ministère l’a poussé à déployer des efforts multiformes pour venir à bout de cette dette et assurer le fonctionnement du diocèse.» Il n’a pas connu totalement du succès dans ses recherches de solution à cette dette énorme, la conjoncture ne s’y prêtant pas. Son accident du 28 mars 2008 ne lui aura pas facilité la tâche : l’archidiocèse de Yaoundé ayant été géré, en son absence, comme une république bananière, durant cinq mois, par Mgr Christophe Zoa et Mgr Befe Ateba (alors, respectivement, évêque auxiliaire et Vicaire général de Yaoundé).
A son retour, Mgr Bakot n’a reçu aucun rapport sur cette gestion calamiteuse. La nature des dettes de l’Archidiocèse de Yaoundé est principalement bancaire, et l’on sait que les créances, ou mieux, les emprunts obtenus auprès des banques sont soumis à la règle des intérêts. La dette de l’Archidiocèse de Yaoundé près la CBC, par exemple, est un serpent de mer. Le principe d’une dette liée au cumul des intérêts est que, plus l’échéance d’insolvabilité se prolonge, plus les intérêts augmentent. Le volume de la dette de Yaoundé fait générer d’énormes intérêts aux créanciers du Diocèse au point que, de 5,3 milliards en 2003, se démultipliaient, calculés sur la base des intérêts composés à 12% l’an, soit une somme d’environ 636 millions d’intérêts par an.
C’est un véritable fardeau, qui a pesé sur les épaules de l’Archevêque Bakot pendant ses dix années de ministère épiscopal à Yaoundé. Notons en outre, en ce qui concerne la CBC, qu’une analyse contradictoire révélerait que la banque a fait un recours au centre d’arbitrage du Groupement-interpatronal du Cameroun (Gicam) pour condamner l’Archidiocèse de Yaoundé à lui payer la somme de 4,5 milliards de FCFA. Et curieusement, la même banque a revu ses prétentions à 2,6 milliards de FCFA. Alors que ses agios étaient estimés à près de 2,2 milliards de FCFA, cette même banque a réduit elle-même ses agios à 413,6 millions de FCFA.
A vrai dire, après un nettoyage des comptes querellés par les experts, la dette de l’Archidiocèse près la CBC aurait dû se situer à 1,6 milliard de FCFA, au lieu de 2,7 milliards. Mgr Bakot, à la prise de possession du siège archiépiscopal de Yaoundé, hérite d’un riche patrimoine foncier estimé à 1560 hectares ; il en a aliéné 1 hectare et demi, pour amortir les dettes. En revanche, il a acquis 38 hectares qui ont enrichi ledit patrimoine.
Grande braderie à l’archidiocèse
Le 8 janvier 2010, Mgr Bakot a procédé à la vente d’un immeuble bâti sur une superficie totale de 1607 m2, à l’Avenue Kennedy. Une zone où le moindre mètre carré d’immobilier est très convoité et vendu à prix d’or.
Les négociations entre Mgr Victor Tonye Bakot et Hamadjoda Tallah, un richissime homme d’affaires, ont abouti au payement d’une somme de 515 millions de FCFA. De ce montant, seulement 450 millions ont atterri dans un compte logé à Afriland first bank. Les autres 50 millions FCFA ont servi au paiement des commissions de deux intermédiaires, MM. Paul Mvondo et Jean Pierre Mezele, notaire à Monatélé.
L’opération est qualifiée de «braderie» par certains barons du département du Mfoundi, qui pensent que l’édifice, au regard de son emplacement en pleine avenue commerçante du centre urbain de Yaoundé, est tout simplement invendable. Les mêmes qui, au sein du conseil diocésain pour les affaires économiques et financières, et aux avis souvent ignorés, se disent offusqués par l’opacité qui entoure la gestion du prélat sur ce dossier. Au lendemain de la transaction, le nouveau propriétaire a, sans attendre, entrepris de déguerpir les occupants des lieux. Invitant les plus chanceux à désormais lui verser les frais de loyer en attendant de libérer les locaux.
Mais les choses vont se corser pour le nouveau propriétaire qui rêvait sans doute d’une entrée en jouissance paisible. Les locataires, pressés à la fois par M. Hamadjoda Tallah et la procure des missions qui, pas du tout au fait de la transaction opérée par Mgr Victor Tonye Bakot, a continué à réclamer le payement des loyers, ont dû se résoudre à saisir la justice. M. Bellenis, propriétaire de la société G. Faula, a ainsi signifié par voie d’huissier de justice à l’archevêque de Yaoundé un arrêt de transaction. L’intéressé réclame un droit de prééminence du fait de ses quarante années de location dans l’immeuble.
Quand le journal « Repères» révèle cette vente le 28 avril 2010, Mgr Tonye Bakot entre dans une colère noire. Il va ester en justice. Le 2 juin 2010, quatre citations directes sont servies aux nommés Parfait N. Siki, directeur de la rédaction de «Repères», Catherine Bindzi son assistante, Marie Robert Eloundou, journaliste dans cet organe à l’époque des faits et la Citizen Media Corporation Sarl, entreprise éditrice de «Repères». Motif de l’action en justice : diffamation et déclarations mensongères.
Dans toutes les paroisses de l’archidiocèse de Yaoundé, Mgr Tonye Bakot a pris ses ouailles à témoins pour cette «diffamation» en faisant lire presque chaque dimanche des communiqués qui dénonçaient les « mensonges » de « Repères » sur cette transaction qui a pourtant eu lieu. Mgr. Bakot déclare qu’il est « victime silencieuse et habituée aux écrits mensongers ».
« J’entends ainsi, par cette action, défendre et préserver la réputation de la noble institution qu’est l’archidiocèse de Yaoundé, bafouée et compromise par des personnes n’ayant pas qualité de juger », accuse le prélat. Finalement, il sera débouté et le juge lui décernera un mandat d’incarcération qui court toujours.