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Opinions

SIC: les dessous du limogeage de Jean Gabriel Bengono

C’est à coup sur le dernier rapport du Contrôle supérieur de l’Etat qui a précipité son départ. Et le moins qu’on puisse dire est que le Minhdu, Célestine Ketcha Courtès ne l’a pas raté. Parmi les scandales que décrit ce rapport, et qui ont rythmé son séjour à la direction générale de Société Immobilière du Cameroun (SIC) il y a celui des sous-locations. Une véritable mafia entretenue par les hauts cadres de cette entreprise publique et les proches de l’ancien DG et qui pourrait exploser à tout moment. 

Il n’avait certes pas encore atteint la limite du mandat 9 ans qui fait l’objet de moult débats en ce moment au sein de l’establishment au Cameroun pour ce qui concerne les dirigeants des entreprises publiques. Mais, Jean Gabriel Bengono, a été débarqué de la direction générale de de la Société Immobilière du Cameroun (SIC), le 20 août dernier par un décret du président de la République, Paul Biya, en remplacement d’Ahmadou Sardaouna. Sans toutefois être dans les secrets des dieux, le remplacement de Jean  Gabriel Bengono à la direction générale de la SIC a une forte odeur d’un limogeage, au regard  des scandales qui rythment l’actualité dans cette entreprise. Parmi ces scandales, il y a celui des sous locations. La semaine dernière encore, cette société annonçait à grande pompe, le lancement dans les prochains jours d’une vaste campagne de démantèlement des réseaux de sous-locations dans toutes les cités et résidences Sic du Cameroun. Cette campagne devrait être couplée d’une grande opération de recouvrement forcé de ses locataires débiteurs  dans les villes de Yaoundé, Douala, Ebolowa, Bertoua, Garoua, Maroua, Buea, Limbe, Edéa. Visiblement, cette opération arrive avec un peu de retard, tant la situation était déjà pourrie, et le président de la République a déjà sifflé la fin de la récréation, avec le limogeage de Jean Gabriel Bengono.

Mais il était question, pendant deux mois, d’obtenir le nombre exact des personnes qui vivent dans ces logements, alors qu’elles sont totalement méconnues de la SIC. Pour quels résultats ? Ce phénomène de la sous location est loin d’être nouveau. Depuis 2005, les directeurs généraux successifs de cette entreprise publique ont lancé des opérations similaires qui n’ont jamais porté de fruits. Beaucoup au sein de la maison profitent du système et le perpétuent. Ils s’enrichissent ainsi dans le dos de la SIC qui, depuis plusieurs années, est incapable de financer sur fonds propres un projet de logements sociaux. Il s’agit là d’une situation qui devrait préoccuper au plus haut point la ministre de l’Habitat et du Développement urbain (Minhdu), Célestine Ketcha Courtès qui, à la faveur du même décret présidentiel  du 20 août dernier, est devenue présidente du conseil d’administration de la SIC.

Tous dans la mafia des sous locations

Le bihebdomadaire EcoMatin le révélait encore il  y a quelques semaines,  un fils de l’ex-directeur général de la SIC, Jean Gabriel Bengono, était, il y a deux ans, au centre d’un scandale de sous location des logements appartenant à cette entreprise publique, à Yaoundé. Il a fait réserver à trois personnes différentes un même appartement, alors que celui-ci était déjà occupé par un autre « locataire » qu’il avait lui-même installé. Quand l’affaire commence à s’ébruiter et, craignant d’être éclaboussé par un tel scandale, l’ex-DG en personne ira immédiatement expulser l’occupant. Pour taire l’affaire, il remboursera en catimini les autres réservants, en leur expliquant que la location des logements à la SIC ne s’obtient pas par des tierces personnes, mais plutôt en passant par les services compétents de la société. Ce qui est loin d’être vrai, puisque, selon des sources crédibles, le fils en question percevait les loyers de quatre appartements répartis dans différents camps SIC de la capitale – qui lui ont été retirés sous la pression de son père. Par un tour de passe-passe, il avait en effet obtenu ces logements à titre locatif et disposait de contrats de bail dûment signés avec la Société immobilière du Cameroun.

Plus de 60% des logements en sous locations

Le fils de Jean Gabriel Bengono est loin d’être seul dans cette mafia des sous locations à la SIC. Des informations glanées à bonne source font état de ce que, sur les 9735 logements de la SIC en location simple recensés en 2018, plus de 60% sont en sous location. Et les « bailleurs », quand ils ne sont pas des proches directs des membres du top management de cette entreprise, sont ceux ou tout simplement  des hauts cadres de la société eux-mêmes, ou alors des intermédiaires. Les logements les moins chers dans un camp SIC, il faut le relever, s’élèvent officiellement aujourd’hui à 15 000 Fcfa (pour un studio moderne), 25 000 à 30.000 Fcfa pour un appartement de deux chambres, 40.000 à 45 000 Fcfa pour celui de trois chambres en fonction du standing. Les tarifs de location dont il est question ici ne s’appliquent qu’aux fonctionnaires ne bénéficiant pas d’une indemnité de logement. En deuxième main (et sans contrat), ils sont laissés à des cadres à des montants allant parfois au-delà de 100.000 Fcfa par mois. Des coûts qui rivalisent net avec ceux pratiqués par les privés. Il y a donc un autre type de « propriétaires » dans les camps SIC, composés majoritairement de fonctionnaires pas du tout nécessiteux. Certains sont même depuis à la retraite, mais continuent d’occuper ces appartements ou d’en percevoir les loyers.  Après avoir dûment obtenu des contrats de location auprès des services dédiés de la SIC, ils mettent simplement ces maisons en sous location parce qu’habitant déjà des maisons personnelles. Ils ne reversent que le montant contractuel à la société.

Les défis qui attendent le nouveau top management

Cela ne fait aucun doute, la Société Immobilière du Cameroun (SIC) est un grand malade. Nombre d’observateurs d’ailleurs sont unanimes que cette structure publique en charge de la gestion du logement social au Cameroun mérite une cure, tant au plan interne qu’à celui externe. Il est donc évident que les défis qui attendent Ahmadou Sardaouna, le nouveau directeur général et Célestine Ketcha Courtès, qui assurera désormais la présidence du conseil d’administration de cette structure sont immenses.

D’abord au plan interne, en dehors de la lutte contre le phénomène de sous locations qui s’est érigé ici en mode normal de fonctionnement, le nouveau top management de la SIC aura la charge de remettre de l’ordre dans son administration interne. Laquelle, au-delà de son caractère pléthorique, souffre  de certains égos surdimensionnés. C’est le cas par exemple avec la prééminence de son service financier. Selon des confidences internes dans cette entreprise, les diligences du directeur général sont très souvent balayées du revers de la main par  ce service. Selon certaines indiscrétions, les affidés du réseau  de Gilles Roger Belinga, l’ex-directeur général de la SIC, incarcéré à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, pour des malversations financières, seraient  toujours actifs au sein de cette entreprise. Ce qui rend difficile le plein exercice de leurs missions aux nouveaux dirigeants de cette entreprise.

Des logements en état de délabrement avancé

Côté extérieur, insalubrité, agressions et vols sont monnaie courante ici. Madeleine, femme au foyer et mère de 5 enfants, occupe un appartement de 3 chambres dans le « bâtiment H » du Camp Sic de Kotto à Douala. Au quotidien, sa progéniture et elle bravent les marches de l’escalier non éclairé qui arpente le bâtiment et donne sur son appartement. C’est le noir total.Il faut poser le pied avec précaution. La couche de peinture n’existe plus sur les murs par endroit. «Ça va faire bientôt six ans que nous avons intégré cet appartement. Nous avons d’énormes problèmes de sécurité, faute de gardiens. Les gens volent dans l’immeuble et dans les parkings», indique-t-elle. Tout comme le bâtiment, le sanitaire, les installations électriques et la charpente sont vétustes. Tout est insalubre, « les voisins déversent les eaux usées au rez-de-chaussée. Les fosses septiques sont également pleines».

Autre lieu, scénario identique ou pire, le Camp Sic de Makèpè, Rachela intégré le 3ème niveau de l’immeuble « R impair » du Camp Sic Makèpè il y a plus de 15 ans. Aujourd’hui, elle n’en revient pas de ce qu’est devenue la belle bâtisse. Les murs sont délabrés et fissurés. « Je ne peux vraiment pas te dire à quelle date on a intégré le camp, mais j’étais encore petite. A l’époque, c’était encore bien éclairé et nettoyé par les services de la Sic, le voisinage était cool ».  «Plus les années passent, Il y a un manque d’entretien », déplore Rachel. Les canalisations sont bouchées, les murs délabrés, les câbles électriques pendent sur les têtes, les alentours des bâtisses sont insalubres. Les tuyaux d’eau intégrés dans les charpentes lors de la construction sont cassés et causent des fissures les long des murs. « Avant les voisins se réunissaient en comité pour faire l’entretien et l’éclairage. Maintenant, plus rien n’est fait. Au contraire, certains locataires vident leur poubelle dans leur poubelle dans les caniveaux », décrit Rachel. Cette description, à la limite apocalyptique est presque le lot quotidien de l’ensemble des cités SIC. Une situation qui, une fois de plus interpelle le nouveau top management de la SIC.

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