Informations bancaires : les banques rusent avec la publication des conditions tarifaires
Dans la lettre de recherches du mois d’août, la banque centrale révèle les micmacs des établissements bancaires pour violer la réglementation.
Pour examiner la publication des conditions tarifaires dans les agences, la banque centrale (Beac) a effectué des descentes dans 44 agences des banques installées au Cameroun et localisées dans les villes de Douala, Limbe et Yaoundé. Les enquêteurs de la Beac disent avoir constaté que l’obligation d’affichage est respectée dans la plupart des cas, soit 89% des agences visitées. Il n’est toutefois pas toujours évident de trouver ces conditions dans l’enceinte de l’agence. Seulement 69% des conditions affichées sont identifiables dès la porte d’entrée. 82% des conditions affichées sont faciles d’accès pour la consultation.
Le constat général en matière d’affichage en agence est que la plupart des banques se conforment à la règle, mais l’affichage n’est pas fait de façon à faciliter la visibilité et la lisibilité du contenu.
« Le mode d’affichage varie lui aussi grandement d’une banque à l’autre. Les conditions peuvent être affichées dans un cadre dédié (57%) accroché sur le mur, sur une table ou à même le sol, elles peuvent être collées directement sur le mur (10%) ou encore disposées sur le tableau d’affichage de l’agence (33%). Dans ce dernier cas, il n’est pas toujours évident de les identifier car le tableau d’affichage comprend parfois de nombreuses autres annonces. La majorité des agences affichent leurs conditions en couleur (90%), ce qui attire davantage l’attention des clients », indique la Beac.
Toutefois, 33 % des conditions de banque affichées ne sont pas à jour et dans 16 % des cas, aucune date n’apparaît sur le document. Le constat général en matière d’affichage en agence est que la plupart des banques se conforment à la règle, mais l’affichage n’est pas fait de façon à faciliter la visibilité et la lisibilité du contenu. Même dans le cas où les conditions sont publiées de la manière la plus claire possible avec une taille de police suffisante et des couleurs, ces dernières sont sous la forme d’un document avec un nombre impressionnant de lignes et de termes techniques qui en dissuaderaient plus d’un. Les consulter debout dans une agence n’est pas la condition idéale pour en prendre réellement connaissance.
Un autre constat est que les conditions sont généralement publiées plusieurs semaines après leur date d’entrée en vigueur
Publication dans les journaux
Pour étudier la publication des conditions tarifaires dans la presse, la Beac a parcouru le principal journal d’annonces légales du pays à savoir Cameroon tribune entre le 1er janvier et le 30 juin 2019. Nous avons relevé que 11 des 15 banques du pays y ont publié leurs conditions tarifaires au moins une fois. Il faut toutefois souligner que, le fait qu’une banque n’ait pas été trouvée dans le Cameroon tribune ne signifie pas qu’elle ne se conforme pas à l’obligation de publication dans les journaux. En effet, les banques ont le choix non seulement du jour de publication, mais aussi du journal dans lequel elles publient. Au Cameroun, les banques peuvent choisir parmi 35 journaux habilités à recevoir les annonces légales et judiciaires. Un autre constat est que les conditions sont généralement publiées plusieurs semaines après leur date d’entrée en vigueur. Ainsi, une des banques a publié le 22 février 2019 des conditions applicables à partir du 1er janvier 2019. Une autre encore a publié le 29 mars 2019 les conditions applicables entre janvier et mars 2019.
Publication sur le site internet des banques
Après avoir parcouru les sites internet des banques en activité au Cameroun, nous avons constaté que sur 15 banques, une seule ne dispose pas d’un site internet facile d’accès. Sur les 14 restantes, 8 font apparaître leurs conditions de banque sur leur site. Parmi les 8 conditions publiées sur internet, 3 se révèlent être caduques. Trouver les conditions sur le site n’est pas non plus aisé. Pour les 8 sites faisant apparaître leurs conditions, il faut entre 1 et 4 clics à partir de la page d’accueil pour télécharger les conditions de banque.
D’une banque à l’autre, le contenu des conditions tarifaires est très variable. Les conditions de banque ont entre 2 et 4 niveaux hiérarchiques organisés en colonnes (entre 2 à 6). La longueur des conditions varie entre 77 et 645 lignes de tarifs. La moyenne des 15 banques se situant à 327 lignes et la médiane à 361 lignes. La structure complexe et la longueur des conditions de banque ne permettent pas au consommateur non averti de distinguer les informations importantes de celles qui ne le sont pas. L’inexistence d’une structure standard d’une banque à l’autre rend très difficile la compréhension et la comparaison des tarifs même pour les initiés.
Les recommandations de la banque centrale
La BEAC affirme qu’elle peut s’assurer de la large diffusion des conditions tarifaires directement sur son site internet. Cette prérogative lui est donnée par l’alinéa 2 de l’article 22 du règlement N°01/CEMAC/UMAC/CM. La mise à jour des conditions pourrait être faite à la même périodicité que la publication dans la presse par simple envoi du fichier correspondant aux services compétents de la BEAC. La non-conformité des banques serait dans ces circonstances très facile à détecter.
En 2011, la Cobac recommandait l’adoption des dénominations communes et uniques pour l’ensemble des tarifs bancaires sur la base d’une liste standard à proposer
Cette méthode de publication est appliquée notamment en Tunisie où l’ensemble des conditions tarifaires sont disponibles sur le site de l’association professionnelle des banques. En France, certains sites donnent un accès aux conditions de l’ensemble des banques du pays. À moyen terme, cette publication sur le site internet de la BEAC pourrait être étendue aux établissements financiers et de microfinances qui sont eux aussi assujettis à la règlementation sur la publication.
En 2011, la Cobac recommandait l’adoption des dénominations communes et uniques pour l’ensemble des tarifs bancaires sur la base d’une liste standard à proposer. Au vu de la longueur et de la complexité des conditions de banque, nous recommandons plutôt l’élaboration d’un extrait standard de tarifs comprenant un nombre limité de produits et services couramment utilisés par les clients. Cet extrait se doit d’être court afin de faciliter la lisibilité et la comparabilité des tarifs par les profanes. Un extrait standard est en vigueur en France depuis 2011. Ce dernier est constitué de 12 lignes de tarifs dont les libellés sont harmonisés.
En définitive, la publication des conditions tarifaires par les banques est importante, car elle contribue à la protection des consommateurs, à l’inclusion financière et à la compétition entre les banques
Pour ce qui est des autres tarifs, il serait préférable de mettre sur pied un sommaire type comme celui proposé par la Fédération Bancaire Française. Ce dernier n’a que deux niveaux hiérarchiques et l’agencement est harmonisé d’une banque à l’autre.
En définitive, la publication des conditions tarifaires par les banques est importante, car elle contribue à la protection des consommateurs, à l’inclusion financière et à la compétition entre les banques. Toutefois, cette publication s’avère avoir de nombreuses insuffisances tant en matière de canaux de publication que de contenu de la publication. Ces limites peuvent être corrigées par des actions ciblées de la part de la BEAC qui peut diversifier les modes de publications en publiant les tarifs des banques sur son site internet et harmoniser le contenu des conditions en proposant un extrait standard et un sommaire type aux banques.
Enjeux de la publication des conditions tarifaires
Ce dernier n’est pas le premier texte ayant pour objectif de protéger les clients des banques. En 2012 déjà, le Règlement No 02/CEMAC/UMAC/ CM portant définition et répression de l’usure dans la CEMAC avait été publié afin de lutter plus efficacement contre l’augmentation du coût du crédit. La même année, le Règlement No 01/CEMAC/UMAC/ CM portant diverses dispositions relatives au Taux Effectif Global et à la publication des conditions de banque dans la CEMAC rendait obligatoire la publication des conditions tarifaires par les banques afin de garantir aux consommateurs une plus grande transparence.
Les principaux enjeux de la publication des tarifs sont la protection des consommateurs, l’inclusion financière et la compétition sur le marché bancaire. La protection des consommateurs des services financiers fait l’objet d’une grande attention depuis la crise financière de 2008. Pour Brix et Mckee (2010), les régulateurs doivent intervenir pour protéger les consommateurs afin de compenser l’asymétrie d’information entre le consommateur et la banque. Lorsqu’une banque fournit une information partielle ou qui porte à confusion sur un produit, cela peut conduire le client à faire des choix inappropriés ou qui lui sont préjudiciables. Rendre la publication des tarifs obligatoire permet ainsi de protéger le consommateur. L’élaboration d’un dispositif de protection des consommateurs des services bancaires est notamment préconisée par la COBAC dans une étude publiée en 2016.
L’inclusion financière
La Banque mondiale définit l’inclusion financière comme la possibilité pour les individus et les entreprises d’accéder à moindre coût à toute une gamme de produits et de services financiers utiles et adaptés à leurs besoins (transactions, paiements, épargne, crédit et assurance) proposés par des prestataires fiables et responsables. Pour Brix et Mckee (2010), la publication des conditions tarifaires œuvre pour l’inclusion financière, car elle accroît la capacité des consommateurs à identifier les produits les plus adaptés et à éviter ceux contraires à leurs intérêts. Bien qu’ayant connu une forte progression depuis 2011, l’inclusion financière en zone CEMAC reste perfectible et davantage de transparence de la part des banques pourrait y contribuer. Une étude menée par la COBAC en 2013 a permis de constater que l’accès et l’usage des services bancaires dans la CEMAC sont entravés notamment par la caducité de l’information mise à la disposition du consommateur sur les conditions de banque.