Crise de devises : le retour de la confiance
4539 milliards Fcfa de réserves de change au 31 juillet. C’est l’un des principaux signes de l’embellie au niveau de la Banque des Etats de l’Afrique centrale après plus de trois ans de crise. Elle est due à la nouvelle règlementation des changes qui a permis à l’autorité monétaire, entre autres, de récupérer plus de 1300 milliards Fcfa de devises auprès des banques commerciales en activité dans la sous-région.
En attendant qu’elle se conforte au cours des mois à venir et que la situation se stabilise dans les prochaines années, l’embellie est effective au niveau de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac). Après trois années de crise marquées par la menace d’une nouvelle dévaluation du Fcfa en raison d’une baisse drastique des réserves de change, les choses reviennent progressivement à la normale. A preuve, au 31 juillet 2019, le taux de couverture extérieure de la monnaie était de 67%, pour un peu plus de 4539 milliards Fcfa de réserves de change. Ce taux de couverture extérieure de la monnaie est d’ailleurs en hausse permanente puisque le mois précédent, il était de 61%. Il varie quotidiennement et franchit même la barre de 70% certains jours, selon un haut cadre de la Beac.
Rien à voir avec la situation de fin 2016, soit au moment où l’actuel gouverneur, Abbas Mahammat Toli, succédait à l’Equato-guinéen Lucas Abaga Nchama à la tête de la banque centrale. A cette période, le compte d’opérations contenait à peine 1300 milliards Fcfa. On avait presque touché le fonds. A en croire des indiscrétions au niveau de la Beac, l’on revient progressivement au niveau de 2006 où les réserves de change étaient de plus de 10 000 milliards Fcfa. Le compte était principalement alimenté par les revenus du pétrole dont cinq des six de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) sont producteurs.
Politique plus restrictive
Or, aujourd’hui, le niveau élevé des avoirs obtenus vient des contributions de la plupart des secteurs économiques. Ces performances et bien d’autres sont à mettre à l’actif de l’actuel gouverneur de la Beac, Abbas Mahammat Toli, qui a réussi à faire adopter en décembre 2018, la nouvelle règlementation des changes, qui était attendue depuis 2011. Le deuxième point engrangé par l’ancien ministre des Finances du Tchad, c’est la mise en œuvre effective de cette nouvelle politique de change. « C’est une politique plus restrictive en termes de prêts. La Beac débloque désormais plus de fonds en faveur des Etats. On s’était rendu compte, à travers ce qu’on appelle le coefficient de Polack, que lorsqu’on injecte 100 Fcfa dans l’économie de la Cemac, près de 70% de ces 100 Fcfa sortent de la communauté donc, diminuent nos réserves. Désormais, on injecte moins et, théoriquement, moins d’argent sort. La masse d’argent qui sort est certes importante, mais aujourd’hui, on fait entrer plus d’argent qu’on n’en sort », se félicite un collaborateur du gouverneur.
Contrats miniers
L’adoption de cette règlementation dont les premières retombées sont déjà perceptibles avait connu beaucoup de blocages de la part des autorités politiques, des entreprises pétrolières et celles détentrices des contrats miniers. Mais le Fonds monétaire international (Fmi), qui est sous-programme de réformes économiques et financières avec les Etats de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, a convaincu ceux-ci d’adopter cette réforme et de faciliter sa mise en œuvre. Dans la phase d’implémentation de celle-ci, ce sont les banques qui ont multiplié des goulots d’étranglement à cause des incidences évidentes de la nouvelle règlementation, notamment la perte par elles de 25 à 30% de leurs ressources au profit de la banque centrale. En quatre mois, les établissements financiers en activité au sein de la zone Cemac ont cédé environ 1376 milliards Fcfa à la Beac, soit une augmentation de 164% en valeur relative par rapport à 2018. Et de toute évidence, ce stock de devises va continuer à croître jusqu’au 31 août, délai de rigueur pour les banques commerciales pour se mettre totalement en conformité avec la règlementation en vigueur depuis mars 2019. Les banques rétrocèdent en effet les revenus d’exportations des entreprises telles que la Société nationale des hydrocarbures (Snh), les Plantations du Haut-Penja (Php), entre autres grands exportateurs.
Douane
Le reste de l’argent qui permet actuellement de renflouer le compte d’opérations vient des rétrocessions directes des trésors publics. Toutefois, beaucoup de ressources échappent encore à la Beac, notamment celles détenues par les entreprises pétrolières dans des comptes en devises à l’étranger. Pour ne pas casser ce secteur et faire fuir des investisseurs, l’autorité monétaire communautaire est obligée de mettre la pédale douce.
Nos informateurs annoncent une tournée dans ces entreprises à partir du mois de septembre prochain. La Banque des Etats de l’Afrique centrale va par ailleurs accentuer le contrôle du côté des importateurs. Le dispositif règlementaire actuel oblige ceux-ci à domicilier leurs opérations dans une banque lorsqu’elles dépassent 5 millions Fcfa. Autrement dit, les virements doivent se faire uniquement via le canal bancaire et non plus en espèces comme c’est encore le cas la plupart du temps. « Grâce à une meilleure collaboration avec la Douane, on saura la valeur exacte des biens importés. A chaque fois qu’un bien sera importé, la Douane saura exactement le montant payé au fournisseur. On va mettre fin à la pratique qui veut que quelqu’un achète un bien à 10 millions à l’étranger, mais vient déclarer qu’il l’a acquis à 5 millions Fcfa. Ainsi, on saura si les fonds qui sortent correspondent aux biens entrés dans les pays », prévient-on au niveau de l’institut d’émission.
Même si le niveau de réserves de change est satisfaisant, il est à relever que le volume des devises qui sortent par mois reste très important. Par exemple, sur 1035 milliards Fcfa entrés dans la zone Cemac via les banques au cours du seul mois de juillet 2019, 997 milliards Fcfa sont ressortis. En juin, sur 1021 milliards Fcfa, les sorties de fonds étaient évaluées à 964 milliards Fcfa. La faute aux importations massives des produits de grande consommation qui se poursuivent, à l’instar du poisson et du riz, entre autres denrées.