2 milliards FCFA de pertes pour BC-PME en 2022 et de nombreux défis à relever
Lancée en 2015 pour combler le « gap financier » entre le secteur bancaire traditionnel et les Petites et moyennes entreprises, la BC-PME est aujourd’hui à la croisée des chemins. L’établissement bancaire à capitaux publics a clôturé, en 2022, un 7e exercice déficitaire successif ; un encours de crédit en chute libre avec en prime, la suspension de son directeur général par la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC) pour 10 ans. Yaoundé a sur sa table plusieurs modèles de restructuration ; l’un d’eux consiste à faire de BC-PME une banque publique d’investissement comme la BNI en Côte d’Ivoire. Un ambitieux projet sur papier, qu’il est aujourd’hui difficile pour le gouvernement de matérialiser.
Selon les données de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac), présentées en exclusivité dans le cadre du classement EcoMatin des Banques, BC-PME n’a pas pu sortir la tête de l’eau en 2022. La banque à capitaux publics a, en effet, clôturé l’exercice avec un résultat négatif de 2,010 milliards de FCFA contre 2,218 milliards il y a un an, soit une diminution de 9,3%. C’est le 7e exercice successif pour l’ établissement bancaire lancé en 2015 par l’Etat pour combler le « gap financier » entre le secteur bancaire traditionnel et les Petites et moyennes entreprises.
Le défaut de rentabilité est la conséquence logique d’une faiblesse structurelle de la banque sur le plan opérationnel ; ce qui se reflète par une baisse de 20,5% de son total bilan. L’encours de crédits à l’économie a chuté de 40% à 15,6 milliards FCFA faisant de BC-PME la banque la moins performante du marché en termes d’allocation des ressources à cette période. Toujours sur ce segment, la banque devance de justesse Bange Bank et Access Bank, qui ont moins de 3 ans d’activités sur le marché. En matière de collecte des dépôts, indicateur qui permet de mesurer le degré de confiance du public, l’établissement est classé 17e sur 18 avec un encours de 11,9 milliards FCFA. Les résultats financiers de l’établissement ne sont pas rendus publiques, ce d’autant que le régulateur ne l’y oblige pas, ce qui limite l’analyse des ressorts de cette contre-performance chronique.
Sous-capitalisation
Toutefois, la suspension par la COBAC d’Agnès Ndoumbe Mandeng, alors Directrice Générale, a permis de lever le voile sur les spéculations autour de la gestion de cet établissement de crédit qui peuvent expliquer cette faible performance. La décision de la COBAC renseigne par exemple que la BC-PME ne respecte pas les dispositions règlementaires en matière de capital social. « Considérant que depuis le démarrage des activités de la BC-PME, son capital minimum n’est représenté qu’à hauteur de 2 580 millions de F CFA au 30 septembre 2021, compte tenu des provisions demandées par la mission COBAC, pour un minimum réglementaire de 10 000 millions de FCFA », révèle le régulateur. L’augmentation du capital a été décidée en 2018, mais la libération de cet apport en capital peine à se matérialiser depuis lors. Selon la COBAC, deux libérations partielles respectivement de 1,2 milliards de F CFA en 2022 et 500 millions de F CFA en début 2023 ont été effectuée, mais insuffisantes pour combler le gap attendu. L’échec de recapitalisation de BC-PME traduit clairement traversées par Yaoundé dans un contexte sécuritaire et international particulièrement tendu.
Le régulateur évoque également des fautes de gestion. Ce qui, dans les faites, se traduisent par le non-respect par la Direction générale des directives du Conseil d’Administration ; l’inexistence des commissaires aux comptes depuis 2020 ; le non-respect de certaines dispositions en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme…
Restructuration
L’orage est donc loin d’être passé, et ce malgré la mise à l’écart du Directeur Général. Amadou Haman, alors Directeur Général Adjoint, a été désigné pour assurer l’intérim. Mais il faudra bien plus qu’une nomination pour remettre cette banque sur les rails. Dans le cadre du programme économique triennal (2017-2019) qui le lie au Cameroun, le Fonds monétaire international (FMI) avait proposé à Yaoundé un modèle de restructuration de la Banque des Petites et moyennes entreprises par les banques commerciales existantes. « Le plan d’affaires de la Banque des PME sera remis à jour. En particulier, nous étudierons la possibilité de favoriser l’octroi de garanties ou de lignes de financement à des banques commerciales plutôt que l’octroi de prêts directs.», avait suggéré le FMI dans son rapport publié sur le Cameroun, le 16 janvier 2018. Pour Bretton Woods, le modèle économique de cette banque des PME est resté jusqu’ici très évasif. Le nouveau modèle économique de cet établissement bancaire public, « s’appuiera sur le financement indirect auprès des banques commerciales (garanties, lignes de financement) et le cofinancement avec les banques commerciales et prévoira un abandon progressif du financement direct des PME au guichet de la banque ». Par ailleurs, le nouveau modèle permettra notamment de s’appuyer sur l’expertise des banques commerciales en termes de gestion des risques et aura un effet multiplicateur en incitant les banques commerciales à octroyer plus de crédits aux PME.
Ce modèle n’a visiblement pas été validé par Yaoundé. La preuve, dans sa stratégie nationale 2020-2030 (SND-30), le Gouvernement envisage de transformer la BC-PME en une banque publique d’investissement, « afin d’accroître substantiellement l’offre de financement des investissements et du développement ».
Lire aussi : Banque: la Cobac retire l’agrément à Agnès Ndoumbè Mandeng, DG de la BC-PME
En attendant cette mutation, la BC-PME tente, tant bien que mal, une diversification de ses produits. En 2020, elle a ouvert un guichet agricole. Cette ouverture fait suite à un accord signé avec l’Agence des PME, en vue de gérer l’implémentation du projet de transformation et de valorisation des produits agricoles et agroalimentaires (Transfagri). Le programme Transfagri, né de la coopération avec la France, est doté d’un financement de plus de 200 millions FCFA, pour une période de mise en œuvre d’un an, incluant la formation et les travaux d’aménagement.
Selon l’ex directrice générale de la BC-PME, Agnès Ndoumbe Mandeng, l’objectif est de renforcer les compétences des ressources humaines dans des filières spécifiques en rapport avec les produits à développer. Car, dans le nouveau plan d’affaires, la Banque prescrit l’inscription de la filière agroalimentaire comme l’une des filières majeures. Ce qui nécessite l’augmentation des ressources tant humaines que financières.
Lire aussi : Classement EcoMatin 2021: BC-PME au côté des PME locales